La sainte bataille de Jérusalem, par Maxime Pérez

De Mahmoud Abbas au Hamas, les tensions actuelles dans la ville sainte unissent les Palestiniens et risquent d’entrainer un nouveau cycle de violences. Rappelés à l’ordre par la Jordanie, les responsables israéliens cherchent l’apaisement.

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Un visiteur juif passe devant la mosquée de Al-Aqsa à Jérusalem sous la protection des forces de sécurité israéliennes, le 27 octobre 2014 (Photo Ahmad Gharabli. AFP)

A Jérusalem, il faut croire que rien n’arrive par hasard. En cette fin d’automne, les premières chutes de pluie ont contribué à calmer les esprits, telle une prompte intervention divine. Après un vendredi tendu, en marge de la grande prière pour les Palestiniens, aucun incident majeur n’a émaillé le week-end et la police israélienne s’est résolue à rouvrir le mont du Temple – ou esplanade des Mosquées – aux fidèles musulmans, ainsi qu’à une poignée de visiteurs juifs.
Ce lieu saint commun à l’islam et au Judaïsme continue de cristalliser les tensions, preuve, s’il en fallait, qu’il sera difficile de changer l’actuel statu quo, en vigueur depuis 1967. Depuis plusieurs mois, des députés de droite tentent pourtant de faire voter un projet de loi à la Knesset autorisant un libre accès au site pour les juifs. L’initiative, soutenue par le Likoud, embarrasse le premier ministre Benyamin Netanyahou, même si ce dernier adhère au fait qu’Israël doit affirmer sa souveraineté à Jérusalem, sans exception, y compris sur le mont du Temple.
Cette question sensible reste au cœur du conflit israélo-palestinien et a toujours constitué un « trou noir » dans les négociations. En coulisses, le contrôle de ce lieu saint a toujours suscité d’âpres débats entre les protagonistes. Du temps d’Oslo jusqu’à Camp David II, en 2000, le pragmatisme l’emportait sur le poids du symbole religieux. Aux dires de l’ancien président américain Bill Clinton, Ehoud Barak avait consenti à céder le mont du Temple aux Palestiniens, avant que l’accord n’achoppe sur le contrôle d’une zone de seize mètres de terre menant aux tunnels du Kotel, où se trouvent les fondations du second temple.

Depuis, le processus de paix n’a guère avancé d’un iota et plusieurs organisations messianiques ont profité du vide diplomatique pour faire valoir leur revendication : un droit de culte sans limite pour les fidèles juifs. Yehuda Glick, victime d’une tentative d’assassinat la semaine dernière, appartient à cette mouvance plutôt apolitique même si son activisme lui attire la sympathie du camp national-religieux israélien et même des chrétiens évangélistes à travers le monde. L’étiquette de militant d’extrême-droite, largement reprise dans la presse, n’est d’ailleurs pas justifiée pour Glick qui œuvrait pour un rapprochement avec les musulmans. Les prières œcuméniques qu’il a initiées plaident d’autant plus pour lui qu’il n’a jamais appelé à la destruction du Dôme du rocher et de la mosquée Al Aqsa.

Il n’empêche, les Palestiniens martèlent qu’un complot est en préparation. Pire, imminent, et qu’il est impératif d’empêcher une atteinte aux lieux saints musulmans, par tous les moyens – dixit Mahmoud Abbas. Cette escalade verbale explique en partie les violences dont sont le théâtre plusieurs quartiers est de Jérusalem, à l’instar de Silwan et Abou Tor, d’où étaient originaires les deux Palestiniens auteurs de l’attaque à la voiture bélier du Tramway (2 morts) et contre le rabbin Yehuda Glick, toujours dans un état critique.

Situation explosive

En dépit du déploiement policier sans précèdent dans la ville sainte, les responsables israéliens jouent l’apaisement. Ils redoutent une explosion de violences qui dépasserait largement des émeutes urbaines ou même une Intifada généralisée. Et pour cause, la Jordanie, garante de l’esplanade des Mosquées a déjà menacé de rompre son traité de paix avec Israël en cas de poursuite des « agressions israéliennes ». Une prise de position de circonstances mais non moins inquiétante alors que les deux pays sont liés par un pacte de défense stratégique, surtout en cas d’atteinte au royaume hachémite dans le viseur des djihadistes de Daesch.
Le Hamas, pour sa part, assure qu’il ne restera pas encore très longtemps silencieux. Les tensions à Jérusalem pourraient lui offrir un prétexte inespéré pour reprendre les hostilités contre Israël alors que la situation à Gaza reste catastrophique. Entre fermeture des points de passage d’Erez et de Kerem Shalom pour répondre au tir de roquette, vendredi soir, contre la région du Eshkol, et construction d’une zone-tampon par l’Egypte, dans le secteur de Rafah, pour punir le Hamas de sa complicité dans l’attentat d’al-Arish – 30 soldats égyptiens tués -, la bande de Gaza est littéralement coupée du monde. En cas d’échec des pourparlers du Caire, à la mi-novembre, la situation pourrait de nouveau s’embraser.
Maxime Pérez
M PEREZ
 
 

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