Réflexions sur l’accord Fatah-Hamas, par Maxime Perez

La réconciliation inter-palestinienne aura finalement été scellée à Gaza, là même où s’était engagée une sanglante rupture en juin 2007. Mais au-delà des réactions mitigées que suscite cette annonce, elle pose bien plus de problèmes qu’elle ne prétend en régler. 
caricature

Un plan de sortie de crise, tout au plus

 Sur le papier, l’accord Fatah-Hamas parait d’une étonnante simplicité, à tel point qu’on se demande pourquoi le Hamas et le Fatah ont mis autant d’années à enterrer la hache de guerre. Le calendrier ambitieux présenté par les deux organisations propose un gouvernement d’unité nationale dans les cinq semaines, puis des élections présidentielles dans un délai de six mois après la mise en place du nouveau pouvoir intérimaire. Mais de part et d’autre, on se garde de toute référence aux sujets qui fâchent :

Ismail Haniyeh
Ismail Haniyeh

1) L’avenir du processus de paix avec Israël dont le Hamas reste historiquement un farouche adversaire. Les islamistes maintiennent aussi un certain nombre de lignes rouges idéologiques, à l’instar du droit au retour des réfugiés, la libération de tous les prisonniers palestiniens ou encore la poursuite de la lutte armée contre l’Etat hébreu. Des critères qui menacent de tuer dans l’œuf, à court ou moyen terme, tout règlement politique du conflit israélo-palestinien.
2) La gestion des appareils sécuritaires du Fatah et du Hamas. En Cisjordanie, les forces de police palestinienne garantissent la stabilité de l’Autorité de Mahmoud Abbas et coopèrent avec Israël pour enrayer tout soulèvement populaire (Intifada) et neutraliser des cellules terroristes du Hamas ou d’autres organisations islamistes. A Gaza, les forces de sécurité sont dirigées par le Hamas et restent étroitement liées aux brigades Ezzedine al Qassam (20.000 hommes), véritable garde prétorienne du régime islamiste. La réconciliation inter-palestinienne doit, théoriquement, aboutir à la refonte des ces deux appareils. Mais les apparatchiks du Fatah, accrochés au pouvoir, l’accepteront-ils ? Et le Hamas, s’il venait à perdre les futures élections, acceptera-t-il de redevenir une force de nuisance, sans pouvoir ?
3) L’impossible démantèlement des factions palestiniennes de Gaza. Ni le Jihad islamique, financé par l’Iran et militairement aussi redoutable que le Hamas, ni les autres factions radicales (Comités de résistance populaires, groupes salafistes), n’accepteront de rentrer dans les rangs au nom de l’unité palestinienne. Pas plus que la branche militaire du Hamas, les brigades Ezzedine al Qassam, qui dispose d’une direction détachée du bureau politique et qui reste sous influence étrangère. De même, Israël n’acceptera jamais comme un fait accompli l’arsenal de roquettes et missiles du Hamas qui menace à tout moment sa population.
l’accord Fatah-Hamas

Le coup de poker du Fatah

 Sans fond, l’accord Fatah-Hamas n’en est pas moins une astucieuse manœuvre tactique. Il pourrait être interprété comme l’ultime geste de défiance à Israël de deux organisations affaiblies et sans ressources. Du point de vue du Fatah, la réconciliation avec le Hamas est d’abord une réponse au blocage des négociations avec l’Etat hébreu, avant même que le gouvernement Netanyahu annonce leur interruption immédiate. Pour l’instant sceptiques, les chancelleries occidentales, Etats-Unis en tête, vont probablement opter pour un « Wait and See » et, en fonction de l’attitude du Hamas, pousser Israël à reprendre le processus de paix. L’accord montre enfin que le Fatah est littéralement prêt à se saborder en mettant en jeu, techniquement pour le moment, son pouvoir en Cisjordanie ou l’aura du Hamas est loin d’être inexistante, notamment à Hebron, ville palestinienne la plus peuplée. Le coup de poker de Mahmoud Abbas résonne  en écho à ses menaces de démanteler tous les symboles de son Autorité.


Le Hamas dos au mur

Abbas   

Qui croyait qu’Ismaïl Haniyeh finirait par décrocher son téléphone pour appeler Mahmoud Abbas, son vieux rival ? Le mouvement palestinien a dû ravaler son orgueil pour se réconcilier avec le Fatah, qu’il juge corrompu et soumis à Israël. A l’évidence, le Hamas cherche à briser son isolement, sentant que l’Egypte du général al-Sissi n’hésitera pas à lui faire payer cher ses tentatives de déstabilisation du Sinaï. Pris entre ce marteau et l’enclume israélienne, le mouvement au pouvoir à Gaza reste sûr de sa force mais parait contraint de faire preuve de pragmatisme. Si son existence est toutefois menacée, il n’hésitera pas à briser les règles du jeu avec le Fatah.
Maxime Perez
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