Bienvenue à Bangui, par Pascale Davidovicz

Bienvenue à Bangui !

 C’est ce qui est affiché à l’aéroport de la capitale de la Centrafrique.
Bienvenue dans un pays, non seulement l’un des plus pauvres de notre planète, mais aussi et surtout, celui qui vit l’une des guerres les plus sanguinaires de ces dernières années.
Depuis septembre dernier, en représailles au massacre de centaines de chrétiens par les milices musulmanes, ce sont les musulmans qui sont à leur tour tués à la machette, égorgés ou mitraillés par les milices chrétiennes.
Les musulmans, retranchés dans leurs derniers quartiers, sont protégés par les forces africaines et l’armée française.

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Une patrouille de soldats camerounais de la Misca. | AFP PHOTO / PACOME PABANDJI

Les Anti-balaka…chnikov.

 La milice musulmane, la Seleka, a terrorisé et massacré pendant des mois les chrétiens.
Depuis l’arrivée des militaires français de l’opération Sangaris, et des troupes africaines de la Misca, les chrétiens veulent prendre leur revanche.
Ils portent autour du cou des grigris qui sont censés les protéger des balles de AK47.
Les Anti-balaka, dont les membres de la famille et les proches ont été assassinés par des milices musulmanes, appellent leurs ennemis : les arabes.

« Tous les arabes doivent quitter la Centrafrique »

 « Les arabes ont tué mon père, ma mère, c’est trop, c’est trop ! », déclare un jeune homme.
« Tous les arabes doivent quitter la Centrafrique, ici c’est mon pays, je dois continuer à tuer les arabes et à me venger », ajoute t-il.

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Ici, la vie ne vaut plus grand-chose.
C’est ce qu’ont constaté les reporters de Canal + auxquels on a proposé un simulacre d’égorgement.
Cela ne les a pas fait rire, mais ils n’étaient pas au bout de leur peine.

« Je suis en colère, moi je tue le bébé,

même une femme enceinte, moi je la tue »

 Après la découverte de nouveaux meurtres imputés aux musulmans, les Anti-balaka se lâchent devant la caméra.
Et arrive l’insoutenable, le plus grand tabou, le cannibalisme.
« Le musulman, c’est bon pour manger » déclare un Anti-balaka.
Il fut un temps, chrétiens et musulmans vivaient en paix.
« Ca fait tellement mal, je suis tellement déçu, ils cassent les maisons, des gens avec qui on a grandi et passé toute notre vie ensemble, et finalement… » déplore un musulman qui parcourt son quartier détruit et mis à sac.

 De coups d’Etat en coups d’Etat, vers un conflit religieux.

Depuis son indépendance en 1960, le pays ne connaît que coups d’Etat et guérillas.
Le président François Bozizé, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 2003, est renversé en mars 2013, par la milice musulmane de la Seleka, « alliance » en langage sango.
Michel Djotodia s’autoproclame président, mais se révèle incapable de ramener une stabilité dans le pays, et les exactions se multiplient.
La Seleka qui n’a pas de réel commandement, réunit les musulmans affidés au nouveau président, des mercenaires et des coupeurs de route.
Les exactions de la Seleka ont amené les villageois à créer des milices d’autodéfense, les Anti-balaka, et à ce que la France intervienne sous l’aval de l’ONU, appuyée par les soldats africains de la Misca.
Les clivages religieux se sont exacerbés dans une société qui connaissait déjà un conflit entre éleveurs nomades musulmans et paysans sédentaires chrétiens.
A présent, ce pays qui connaît sa troisième guerre civile, compte un million de déplacés et deux mille morts.
Et la réconciliation n’est pas pour demain.
Pascale Davidovicz
 
 
 

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