Colère froide, par Maxime Perez

« Violence froide »

L’assassinat d’un soldat israélien cette semaine, sauvagement poignardé par un Palestinien de 16 ans, s’ajoute à une longue liste de crimes nationalistes perpétrés ces derniers mois. Décryptage de cette nouvelle forme de terrorisme isolée et imprévisible.

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Maxime Perez

Assiste-t-on aux prémices d’une troisième Intifada ? Cette question revient en leitmotiv à chaque nouveau blocage du processus de paix ou dès que la tension monte en Cisjordanie. Les violences israélo-palestiniennes sont pourtant le lot quotidien des « territoires », mais force est de constater qu’aucun soulèvement populaire ne se profile à l’horizon. Deux facteurs empêchent pour l’instant ce scénario d’escalade : d’une part, le quadrillage sécuritaire mis en place par l’armée israélienne, doublé à l’action efficace et ininterrompue des services de renseignement du Shabak ; de l’autre, la présence de forces de police palestiniennes structurées – en grande partie grâce au travail des instructeurs européens l’EUPOLL-COPS -, disciplinées, et vouées à maintenir le calme tant qu’elles seront financées.

Reste que des failles subsistent et, bien entendu, qu’aucune barrière physique ne peut empêcher la haine de s’exprimer. Celle-ci ressurgit sporadiquement à travers des actes « sauvages », dont l’exemple le plus marquant fut le  « massacre » de la famille Fogel à Itamar, en mars 2011, par deux jeunes Palestiniens originaires du village voisin de Hawara. Ce type d’acte isolé se répète depuis plusieurs semaines. Début octobre, Ofer Seraya, colonel à la retraite de 61 ans, était battu à mort à coups de barres de fer et de hache devant sa maison, située dans l’implantation de Brosh, en plein cœur de la Vallée du Jourdain. Ses meurtriers, deux jeunes Palestiniens âgés de 18 et 21 ans, ont avoué aux enquêteurs du Shabak avoir voulu offrir un « cadeau » à leur peuple. Mais leur déposition nous apprend aussi autre chose : à l’origine, ces apprentis-terroristes avaient pour seule ambition de cambrioler la demeure d’Ofer Seraya.

Quelques jours auparavant, Nadal Amar, un Palestinien « sans-papiers » employé dans un restaurant de Bat Yam – la banlieue de Tel Aviv – propose à son collègue de travail, Tomer Hazan, de le suivre dans son village de Beit Amin en Cisjordanie. Tomer, 20 ans qui sert par ailleurs dans l’armée israélienne, accepte de le suivre sans se douter du guet-apens mortel. Sur place, dans un petit champ agricole de la localité, Nadal Amar profite d’un moment d’inattention de sa victime pour la jeter dans un puits. Il espère alors monnayer le corps du soldat en échange de la libération de son frère, emprisonné en Israël pour activités terroristes. Son plan échouera.

soldat israélien

Mercredi matin, c’est dans la gare routière très fréquentée d’Afoula qu’un Palestinien de 16 ans poignarde mortellement au cœur Eden Attias, un soldat de 18 ans, alors que ce dernier s’était assoupi sur son siège, au milieu de l’autobus. Le terroriste, arrivé illégalement de Jénine le matin, est rapidement neutralisé. La police découvre son identité et surtout, que deux de ses frères sont détenus dans une prison israélienne. Pendant son interrogatoire, le meurtrier raconte : « je suis venu chercher un travail et comme je n’ai rien trouvé, ça m’a mis en colère. J’ai voulu tuer quelqu’un ».

Les experts israéliens du terrorisme et de la criminologie assimilent ces meurtres à de la « violence froide ». Ce phénomène est très difficilement canalisable du fait qu’il est impossible d’anticiper la psychologie d’un terroriste agissant de façon soudaine, par pulsion nationaliste. Le profil des Palestiniens qui ont assassiné des Israéliens, civils ou soldats, ces derniers mois est atypique : en plus d’être extrêmement jeunes, ils ne sont affiliés à aucune organisation palestinienne, ni du Fatah et encore moins du Hamas car aucun d’entre eux n’a été identifié comme islamiste. Ces Palestiniens agissent le plus souvent seuls ou de manière peu structurée, ce qui pose un immense défi aux forces de sécurité israéliennes.

Leur marge de manœuvre parait réduite car, contrairement à la science-fiction, il est impossible d’emprisonner chaque Palestinien sur simple présomption de culpabilité ou de veiller au moindre délit d’intention. Plusieurs responsables israéliens incriminent toutefois l’Autorité palestinienne, coupable de laisser un climat de haine gagner les esprits en faisant régulièrement planer la menace d’un soulèvement si les négociations de paix n’aboutissaient pas. Cette accusation n’est foncièrement pas nouvelle et il apparait évident que l’atmosphère de rejet d’Israël en Palestine, fondée autant sur un vécu que sur des fantasmes, favorise un passage à l’acte. Dans ces conditions, seul un règlement politique du conflit pourrait apaiser ces tensions permanentes. Et réduire, si ce n’est annihiler tout esprit de vengeance.

Maxime Perez

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