Des « Je me souviens » israéliens

Tous les Goliaths venus des pyramides,

Reculeront devant l’étoile de David.

(Extrait de la chanson de Serge Gainsbourg, « Le sable et le soldat »)

Quelques « Je me souviens » consignés ci-dessous reprennent plus ou moins des souvenirs dispersés sur ce blog.
Je me souviens des arbres de Tel Aviv, cette métropole née du sable. Je me souviens d’arbres puissants aux ombres généreuses. Je me souviens que le KKL (Jewish National Fund) fondé en 1901 a planté des centaines de millions d’arbres dans un pays désertique. Je me souviens que six millions d’entre eux ont été plantés autour de Jérusalem en souvenir des victimes de la Shoah.

Sur Rotschild Boulevard, Tel Aviv.
Sur Rotschild Boulevard, Tel Aviv.

Je me souviens d’une belle endormie dans un autocar, entre Tel Aviv et Jérusalem, fille de Tsahal en treillis, cheveux défaits, épais et noirs, teint mat, nez aquilin, traits purs.
Je me souviens du mouvement qui s’espaçait et qui annonçait le shabbat.
Je me souviens d’Avraham Stern, de la chambre où il fut assassiné, chambre à présent encastrée dans le Lehi Museum et qui se contemple derrière une vitre.
Je me souviens d’un hiver dans le Golan, au kibboutz Ein Zivan (עֵין זִיוָן), juste après l’intervention israélienne au Liban-Sud, de juin à septembre 1982.
Je me souviens des petits matins sur l’immense base de l’IDF de Mishmar HaNegev (מִשְׁמַר הַנֶּגֶב), de la fragile fraîcheur de la nuit qui s’estompait, du tchi-tchi de l’arrosage automatique — comment rendre ce bruit ? — sur le rectangle de gazon devant notre baraquement, un rectangle de gazon dans un espace de poussière et à perte de vue. Un mirage ?
Je me souviens du bonheur de la douche après des heures de sueur et de poussière.
Je me souviens de marches dans les quartiers de Florentine et Montefiore, à Tel Aviv, qui me replaçaient tant par la vue que par l’odorat à Athènes. (Ainsi pourrais-je dériver et placer des « Je me souviens » en aparté dans cette suite, ajouter des compartiments aux tiroirs de l’armoire du souvenir.)
Je me souviens que le sigle NIS désigne le New Israeli Shekel. Je me souviens que le symbole du NIS — ₪ — est constitué des lettres שׂ et ח entremêlées.
L’élégante pièce de un shekel (codée ILS dans la norme ISO 4217)
L’élégante pièce de un shekel (codée ILS dans la norme ISO 4217)

Je me souviens de Juives en bikini et d’Arabes en niqab ou hijab (plus fréquent), sur la plage de Jaffa.
Et puisqu’il est question de Jaffa, je me souviens qu’après le siège de la ville en 1799, les troupes de Napoléon exécutèrent quelque trois mille prisonniers ottomans. Je me souviens également de « Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa », une peinture d’Antoine-Jean Gros que j’ai maintes fois détaillée au Musée du Louvre.
Je me souviens de la bibliothèque de David Ben Gourion.
Je me souviens quand il ne fallait pas quitter l’asphalte dans le Golan, par crainte des mines.
Je me souviens des roquettes du Hamas à Tel Aviv et Ashkelon. Je me souviens d’impacts très blancs et très denses dans le ciel bleu — des roquettes interceptées par Iron Dome (כיפת ברזל). A ce propos, je me souviens que lorsqu’une alerte retentissait, j’hésitais à me mettre à l’abri. En effet, certains couraient tandis que d’autres poursuivaient tranquillement leur promenade, sur Charles Clore Park par exemple.
Un projectile tiré de Gaza et intercepté par Iron Dome
Un projectile tiré de Gaza et intercepté par Iron Dome

Je me souviens des travaux dans les bananeraies du kibboutz Magal, près de la Green Line. Je me souviens que les régimes de bananes (encore verts) tombaient durement sur mes épaules après le coup de machette. J’avais fini par placer des serviettes éponge entre mon treillis et mes épaules. Celui qui maniait la machette était un Juif de Cuba et nous ne cessions de plaisanter en espagnol. Je me souviens que Magal (מַגָּל) signifie faucille.
Je me souviens d’un bouquiniste (aujourd’hui fermé) sur Dizengoff Str. J’y ai passé une journée alors que pluies et vents balayaient Tel Aviv. Je me souviens tout particulièrement de ces boîtes à chaussures dans lesquelles s’empilaient des cartes postales dans un parfait désordre qui me firent voyager dans l’espace et dans le temps, et formidablement, leur recto autant que leur verso — lorsque je parvenais à le déchiffrer.
Je me souviens de shabbat au Beit Oded, à Jaffa, du verre de jus de raisin que nous partagions pour le kiddouch (קידוש), tout alcool étant strictement interdit à l’armée.
Je me souviens de certains projets de Zvi Hecker, notamment pour le Palmach Museum.
Je me souviens de marches dans les nuits de Tel Aviv au cours desquelles je me suis souvenu de marches dans les nuits d’Athènes.
Je me souviens quand les Israéliens détruisirent le réacteur nucléaire « Osirak » au cours de Operation Opera — ou Operation Babylon.
Je me souviens que je suis venu à l’alphabet hébreu par la lettre צ Elle figurait sur mon uniforme et sur les petites armoires métalliques des chambrées. צה”ל (l’acronyme Tsahal).
Je me souviens du front de mer à Tel Aviv. J’observais le va-et-vient mais plus encore les nuages et le ressac ; et je pensais à l’Atlantique, à des vacances de l’enfance.
Je me souviens, à Tel Aviv, de constructions de Style International dans un état déplorable et aujourd’hui restaurées.
Je me souviens du glaive et de la branche d’olivier.
Le symbole de Tsahal (ou IDF, Israel Defence Forces)
Le symbole de Tsahal (ou IDF, Israel Defence Forces)

Je me souviens de la Central Bus Station de Tel Aviv, une gigantesque construction dans laquelle je me suis souvent perdu.
Je me souviens de l’attentat du Delphinarium, sur le front de mer à Tel Aviv, le 1er juin 2001.
Je me souviens que le Sar-El a été fondé par le général Aaron Davidi, au cours de l’Opération ‟Paix en Galilée”, en été 1982.
Je me souviens du béret marron de la Brigade Golani, du béret vert pomme de la Brigade Nahal, du béret noir du Corps blindé mécanisé…
Je me souviens de Nachum Gutman, en particulier de certaines de ses œuvres qui montrent les débuts de Tel Aviv.
Je me souviens d’averses sur Tel Aviv comparables à celles de l’Atlantique. Je trouvais refuge dans un café-bar proche du front de mer. Mon regard allait des impacts de la pluie sur l’asphalte aux pages jaunies de livres dégotés chez un bouquiniste de la ville.
Je me souviens de certaines particularités morphologiques de l’lDF. Le F-16I « Sufa », avec sa protubérance dorsale (l’avionique) et ses protubérances latérales (les réservoirs supplémentaires) ; le Merkava (מרכבה), sa tourelle fluide et le chain netting placé à l’arrière de la tourelle ; le filet de camouflage que les fantassins placent sur leur casque, le mitznefet (מִצְנֶפֶת).
Le mitznefet
Le mitznefet

Une fois encore, je me souviens des petits-matins dans le Néguev, lorsque les ombres de la nuit s’attardaient ici et là et que le silence du désert m’enveloppait encore.
Je me souviens de saluts au drapeau et de la Hatikva (התקווה). Je me souviens de Barbra Streisand chantant la Hatikva :
Je me souviens d’Enrico Macias chantant cet hymne national :
https://www.youtube.com/watch?v=PtIF8B3T-Jg
Je me souviens d’un petit café sur Allenby Street. J’y lisais et observais le va-et-vient des passants. Ainsi, je me souviens du dos bruni d’une passante (elle me fit penser à Odile), de la démarche d’une autre, du profil de la serveuse…
Je me souviens que le sigle du Sar-El est constitué de six cœurs entrecroisés qui dessinent une étoile de David.
Je me souviens des sirènes et d’un peuple qui s’immobilise — 27 du mois de Nissan.
MIDEAST ISRAEL HOLOCAUST REMEMBRANCE DAY
Israelis stand outside their cars as a siren marking the annual Holocaust remembrance day sounds in Tel Aviv, Israel, Monday, April 16, 2007. Sirens sounded across Israel on Monday morning, bringing life to a standstill as millions of Israelis observed a moment of silence to honor the memory of the victims of the Holocaust. (AP Photo/Ariel Schalit)

 
Je me souviens de « Tamara », le kiosque à jus de fruits à l’angle de Dizengoff Street et de Ben Gurion Boulevard, à Tel Aviv.
Je me souviens de Reuven Rubin (voir son musée à Tel Aviv, à quelques pas de la maison de Bialik), de ses compositions qui dépeignent Jérusalem et ses environs ainsi que la Galilée des années 1920. Il est de ces témoins qui, comme Nahum Gutman, me permettent de prendre la mesure du temps.
Je me souviens de Serge Gainsbourg chantant « Le sable et le soldat » :
https://www.youtube.com/watch?v=VX2-PdYcOqs
Je me souviens d’Israël, du Golan au Néguev, de ce peuple si particulier et si parfaitement universel, de ce peuple rude et amical, petit et immense, se chamaillant mais uni… Et tandis que j’écris, mon regard passe sur une étagère où sont alignés de la terre de Gush Etzion (גּוּשׁ עֶצְיוֹן), du sable du Néguev et de la plage de Tel Aviv, des cailloux de Jérusalem…
Souviens-toi ! Zakhor !
Olivier Ypsilantis

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