« Les belles âmes »…

Par Charles Rojzman

La première phase du « plan Trump » est acceptée par le Hamas et par Israël. Un fait désormais posé : la joie des proches des otages, le soulagement d’un instant, et, dans le même temps, une inquiétude profonde. Car un pays qui pleure encore ses morts se demande comment il pourra vivre avec ceux qui, si souvent, ont rêvé de sa disparition.

On parle d’« épuration ethnique » pour qualifier les déplacements massifs de populations vers le sud, en miroir des accusations de génocide ou de famine provoquée. Ces mots, lancés depuis les tribunes occidentales, pèsent d’un poids moral immense. Mais ils ne surgissent pas du néant : l’accusation répond à la peur ancienne d’un peuple qui se sait menacé d’éradication. Et l’on doit voir le lien : l’appel à la disparition d’Israël, devenu une habitude rhétorique dans certains milieux, rencontre le refus obstiné d’avoir pour voisins ceux qui prient pour votre fin. L’un dénonce un nettoyage ; l’autre se défend de l’effacement. L’accusation et le refus se reflètent comme dans un miroir — l’une nourrit la blessure, l’autre renforce la défiance.

Comment ne pas comprendre — oui, comment — ceux d’Israël que l’opinion qualifie d’« extrémistes », parce qu’ils ne veulent plus jamais voir Gaza, ni ses habitants, ni leurs rires, ni leurs pleurs ? Ces hommes et ces femmes ne sont pas des idéologues : ils sont les survivants d’un cauchemar. Ils ont vu leurs enfants déchiquetés, leurs femmes violées, leurs vieillards massacrés. Ils refusent de partager un voisinage où l’on acclame la mort d’autrui. Comment leur demander d’aimer ceux qui se filment en train d’égorger, ceux qui, depuis des années, ont voté pour des organisations qui professent l’anéantissement d’un peuple ? Comment leur intimer d’être humains quand leurs morts fument encore et que leurs maisons sentent la cendre ?

On peut, et l’on doit parfois, regretter — comme l’a fait une rabbine célèbre — l’absence d’empathie à l’égard des familles écrasées sous les bombes, de ces vies prises au piège d’une guerre qu’elles n’ont pas choisie. Ce regret est humain. Il n’efface pas la peur. On ne demande pas à ceux qui survivent de compatir aussitôt, surtout quand leurs assassins se confondent avec la foule dont ils dépendent.

Il existe, chez les moralistes occidentaux, une obscénité tranquille : parler d’empathie comme d’un accessoire de vertu, depuis des vies où la peur et la guerre ne sont que des concepts. Ils oublient que l’empathie ne se décrète pas : elle suppose la paix, la sécurité, la possibilité de la confiance. Et cette paix, là-bas, n’existe plus depuis longtemps. Depuis qu’un peuple entier — celui de Gaza — s’est donné au Hamas, à la mort, à la haine. Depuis que le rêve d’un État s’est confondu avec le projet d’un califat. Depuis que la compassion elle-même a été prise en otage par la propagande.

Ainsi, on peut condamner la dureté d’un cœur sans en ignorer les raisons. La vengeance n’est pas noble, mais elle a ses causes dans la chair de ceux qu’on a voulu exterminer. On peut reprocher à ces Israéliens leur raideur ; on ne peut leur contester la lucidité d’avoir compris qu’en face d’eux, on ne veut pas la paix, mais la disparition. C’est écrit noir sur blanc dans les chartes, les prêches, les slogans : l’effacement d’Israël comme horizon messianique. Et ceux qui refusent d’y croire, en Europe, se donnent bonne conscience en dénonçant le « fanatisme » de ceux qui, là-bas, n’ont plus la force d’espérer.

L’Occident pleure à heure fixe. Il prodigue ses larmes et ses sermons avec la bonne conscience des peuples repus. Il demande la modération, la proportionnalité, le droit international — ces mots magnifiques qui n’ont aucun sens quand on enterre ses enfants. Il invoque la « population civile », comme si le Hamas n’était pas sorti de cette population, nourri, élu, sanctifié par elle. Il parle de paix alors que l’autre côté célèbre la mort. Que reste–t-il à dire, sinon que l’empathie, ici, est devenue un luxe de nantis, une posture morale sans courage ?

Il faut avoir vu, au moins une fois, les images du 7 octobre : les cris d’une mère avant d’être brûlée vive, le visage d’un enfant qu’on arrache à ses parents, les cadavres traînés dans les rues sous les applaudissements. Les voir n’est pas haïr ; c’est comprendre ce que signifie, dans la chair, la perte de confiance en l’homme. Peut-être alors cessera-t-on de juger ceux qui ne veulent plus « dialoguer ». Peut-être comprendra-t-on que le cœur a ses limites, et que l’amour du prochain ne survit pas toujours au sang des siens.

L’erreur des belles âmes d’Occident est de confondre la morale et la politique. Elles parlent comme si l’Histoire était un colloque de sciences humaines où la victime et le bourreau finissent par se rejoindre dans un même pathos. La réalité, elle, ne connaît ni neutralité ni symétrie. Elle tranche, elle saigne, elle ne se justifie pas. Israël n’affronte pas seulement des adversaires : il affronte une religion politique qui veut son effacement. Ce n’est pas un conflit territorial : c’est un combat métaphysique.

Je comprends donc, sans l’approuver, la sécheresse de cœur qu’on leur reproche. Ceux que l’opinion qualifie d’extrémistes ne cherchent pas la pureté morale : ils demandent le droit de vivre sans craindre d’être égorgés dans leur lit. Et si, dans ce désir nu, brut, élémentaire, il y a un manque d’empathie — qu’on regarde d’abord nos propres cœurs : on y verra moins la compassion que la fatigue morale, le confort et la peur d’appeler le mal par son nom.

Au fond, l’Occident ne comprend plus la guerre parce qu’il ne comprend plus le mal. Il le couvre de discours, il le relativise, il le transforme en souffrance partagée. Israël, lui, le connaît. Il le regarde en face. Et c’est peut-être pour cela qu’il dérange : parce qu’il nous rappelle, derrière nos vertus rhétoriques, qu’il existe encore des peuples contraints de choisir entre la survie et la disparition. Entre la lumière et la nuit.

© Charles Rojzman

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1 Comment

  1. Des milliers d’Anglaises violées, parfois dans des conditions atroces, par des barbares islamistes ces dernières années. Idem en Suède. Il faut être ignorant pour ne savoir que le viol est une arme de guerre pour les djihadistes, et totalement aveugle pour ne pas voir que les dirigeants d’Europe de l’ouest collaborent avec le Nazisme islamiste de la même manière que Pétain et d’autres ont collaboré avec Hitler. L’Europe de l’Ouest est déjà conquise par les Islamo-nazis, et c’est de la que vient cette haine d’Israël. Les Occidentaux qui détestent Israël sont tous en état de dhimmitude mentale.

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