Emmanuel Ruimy. « Un jour, on rira en hébreu, on flirtera en farsi. Des femmes libres passeront, cheveux au vent, tenant la main de ceux qu’elles aiment »

Un jour, j’emmènerai mes filles à Téhéran.

Nous serons assis à la terrasse d’un café, face aux montagnes, une glace au safran fondant entre leurs doigts, servie dans de petits verres givrés, parsemée de morceaux de pistache.

Et je leur dirai :

« Vous savez, quand vous étiez petites, le pays de vos cousines, Israël, était en guerre avec celui-ci. Pas avec ses habitants. Avec un régime qui tenait le peuple iranien captif ».

Je leur parlerai de Cyrus le Grand, de Shoushan, des juifs d’Ispahan, et de ces siècles d’histoire partagée. Je leur dirai que ces deux peuples sont, en réalité, cousins, unis par la culture, les exils, et un goût commun pour les tables trop pleines.

Mes filles me regarderont les yeux ronds, ou hausseront les épaules peut-être, comme on le fait devant les vieilles querelles qu’on n’a pas connues. Et ce sera très bien ainsi. Autour de nous, on rira en hébreu, on flirtera en farsi. Des femmes libres passeront, cheveux au vent, tenant la main de ceux qu’elles aiment.

Elles me diront que la glace au safran, c’est bon, mais que ça ne vaut pas celle au chocolat. Et la glace aura fondu doucement, comme les vieilles haines, dont il ne restera qu’un parfum léger au fond d’un verre.
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