Trump Réintroduit la Guerre dans l’Economie Mondiale. L’Europe n’admet pas la fin du commerce innocent. Par Yves Mamou décryptages

L’Europe progressiste arme et finance l’Ukraine contre la Russie, mais l’entourage du président Trump laisse entendre « que la Russie de Vladimir Poutine est surtout un eldorado pour les affaires ».

L’Europe régule les réseaux sociaux américains avec le Digital Services Act. Ce à quoi les États-Unis rétorquent en interdisant au commissaire européen Thierry Breton de voyager aux États-Unis.

La France, le Portugal et la Grande-Bretagne ont reconnu l’État de Palestine, mais les États-Unis projettent de faire de Gaza un hub touristique et technologique sans que le mot « peuple palestinien » soit prononcé.

Qu’est-ce qui ne tourne pas rond entre l’Europe et les États-Unis ?

L’OCCIDENT EST-IL FINI ?

  • L’ «Occident-est-il fini » a récemment demandé le Wall Street Journal ? L’alliance stratégique Europe-États-Unis, fondée à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, cimentée par la lutte contre le communisme, semble ne plus fonctionner.

Les points de friction sont au nombre de trois : une définition différente de la guerre et de la paix ; le multilatéralisme européen s’oppose au nationalisme américain et le cadre moral semble définitivement différent.

1. Guerre vs Paix.

Après la chute du mur de Berlin en 1989, les élites américaines et européennes ont cru qu’elles n’avaient plus d’ennemi. La chute de l’empire soviétique inaugurait la « fin de l’Histoire » selon l’expression du philosophe américain Francis Fukuyama.

Le monde post-guerre froide était perçu comme un empire de la marchandise et du commerce. Vive le capitalisme, vive la mondialisation des échanges. Finis les gouvernements, finies les frontières …. Les produits innovants et le commerce allaient unifier le monde. Certes, les armées conserveraient leur utilité, mais uniquement pour des opérations de police. Les grandes guerres appartenaient au passé.

Vingt-cinq ans plus tard, en novembre2016, les classes moyennes et populaires américaines ont fait leurs comptes : elles étaient les grandes perdantes de la mondialisation. Et pour marquer le coup, elles ont élu un milliardaire nationaliste, Donald Trump, à la présidence des États-Unis. Et pour faire bonne mesure, les mêmes l’ont renvoyé à la Maison Blanche en novembre 2024 sur un programme de restauration de la puissance nationale américaine, un programme MAGA (Make America Great Again).

La droite américaine faisait un autre constat : la mondialisation n’avait pas seulement appauvri les classes moyennes, elle avait fait émerger des ennemis nouveaux. La Chine, l’islam menaçaient l’hégémonie américaine.

« L’ordre mondial d’après-guerre n’est pas seulement obsolète », a expliqué Marco Rubio, secrétaire d’Etat de l’administration Trump. « Il est désormais une arme utilisée contre nous. »

Un constat que les élites Européennes ont refusé de reprendre à leur compte. Elles ont continué d’ouvrir grand leurs frontières à l’immigration du tiers monde, à nouer des accords multilatéraux et à considérer la Chine comme un partenaire fiable, plus fiable même que les États Unis. Comme l’expliquait Emmnauel Macron en 2018, devant le Congrès réuni à Versailles : « La frontière véritable qui traverse l’Europe est celle, aujourd’hui, qui sépare les progressistes des nationalistes ».

Quand les États Unis pointent un doigt accusateur contre la Chine, l’Iran, le terrorisme islamique, les Européens persistent et signent : l’ennemi du genre humain est le nationalisme.

2. Bilatéral vs. multilatéral : Les mondialistes européens continuent de penser qu’un ordre mondial est à construire. Ils privilégient donc les institutions multilatérales (ONU, OMC, OMS…), les accords économiques larges (ex. : accords de Paris sur le climat, la pandémie du Covid gérée par l’Organisation mondiale de la santé) et les grandes conférences internationales sur le Moyen Orient.

L’Amérique nationaliste elle, a une nette préférence pour les négociations bilatérales, là où la puissance américaine s’exerce le mieux. Les États Unis se sont retirés en 2025 de l’accord de Paris sur le climat et de l’Organisation mondiale de la santé. Pour Washington, l‘intérêt national passe avant la « gouvernance » globale.

Au cours de son premier mandat (2017-2020) Trump a sorti les États-Unis du Partenariat transpacifique (TPP) un accord multilatéral impliquant 12 pays du Pacifique (dont le Japon, l’Australie et le Vietnam). Il a également taxé les importations d’acier et d’aluminium en 2018, et aussi en 2025 au cours de son second mandat. Dans les deux cas, il s’est agi de protéger les producteurs nationaux.

Donald Trump a toujours dénoncé l’ALENA (un accord de libre échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada) comme une machine à détruire « 4 millions d’emplois américains ». Il a révisé l’accord de libre-échange avec la Corée du Sud (KORUS, 2018) en imposant des quotas sur l’acier coréen et en augmentant l’accès des voitures américaines au marché sud-coréen. Il a normalisé les relations diplomatiques entre Israël et plusieurs pays arabes (Accords d’Abraham ; 2020) sans passer par l’ONU, et en évitant toute conférence internationale.

A l’occasion de son second mandat, il a entrepris de réorganiser l’ordre commercial international en taxant les exportations de 57 pays (Chine, UE, Canada, Mexique…), puis en négociant des exemptions ou des accords bilatéraux (ex. : deals avec le Japon, le Royaume-Uni, la Malaisie en 2025).

Les nationalistes américains ne veulent plus que des négociations multilatérales diluent la puissance des États-Unis.

Idéologie de la paix vs. transactionnel anti-guerre

Nationalistes et mondialistes parlent tous deux d’investissements, de croissance, d’opportunités, d’innovation.

Mais ces concepts n’ont plus le même cadre. Les mondialistes perçoivent le commerce comme une religion pacificatrice, tandis que les seconds le voient comme un outil de puissance nationale. Les Européens croient que la mondialisation des échanges dissout les antagonismes, tout comme ils croient que l’immigration conduit à la coexistence pacifique entre les peuples. Les nationalistes eux, défendent les peuples et cherchent à renforcer leurs territoires. Les mondialistes considèrent les échanges économiques comme le vecteur d’un universalisme moral, tandis qu’un nationaliste comme Donald Trump considère le marché comme un universalisme ou seul l’intérêt national compte.

Dans le monde pacifié des mondialistes, le transfert des chaines de fabrication en Chine n’a pas d’importance stratégique. C’est un deal gagnant-gagnant puisque les Chinois recyclent leurs excédents commerciaux en bons du Trésor américain.

Pour Trump, un pays qui ne contrôle pas ses chaines de fabrication (armes, médicaments, électronique…) a déjà perdu la guerre. Dans le premier cas, la guerre est chassée du raisonnement, dans le second, elle est au fondement de la transaction.

Les « valeurs » contre l’intérêt national.

A l’évidence, Européens et Américains ne parlent plus le même langage. L’Europe progressiste continue de croire à un commerce pacificateur, porteur d’un universalisme éthique. Mais l’Amérique trumpienne part d’un constat inverse : le monde est conflictuel par nature, la guerre n’a jamais disparu, et l’économie n’est qu’un champ de bataille parmi d’autres.

Les deals de Trump (commercer avec la Russie, contourner l’ONU, transformer Gaza en projet économique) s’inscrivent dans une logique de survie, de puissance et de reformatage du monde. Une démarche que l’Europe perçoit comme du cynisme.

Le divorce transatlantique tient donc à une rupture idéologique profonde : l’Europe a fait le pari que la guerre appartenait au passé, tandis que les États-Unis de Trump, agissent comme si elle pouvait surgir au coin de la rue. Les Européens cherchent le « bon commerce » pour unifier l’humanité ; les nationalistes américains utilisent le commerce pour préparer les conflits à venir — ou, à défaut, pour les gagner sans tirer un coup de feu.

Si l’Occident est en crise, ce n’est pas parce qu’il serait fini, mais parce qu’il ne sait plus répondre à une question essentielle : une civilisation qui refuse “Le choc des civilisations” n’a-t-elle pas accepté déjà son effacement ?

© Yves Mamou

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Source: ‌https://open.substack.com/pub/mamou/p/trump-reintroduit-la-guerre-dans?r=12aqn8&utm_medium=ios&shareImageVariant=overlay

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