Blanche Gardin : de l’antisémitisme à la posture victimaire. Par Daniel Horowitz

Depuis le massacre du 7 octobre, l’espace culturel s’est transformé en un lieu de tension quasi permanente. Artistes, sportifs, institutions et manifestations internationales se voient sommés de prendre position, de justifier leur présence, parfois même de se défendre d’exister. Ce climat met en jeu une question fondamentale : le droit de travailler, et les critères au nom desquels ce droit peut être limité. L’un des nœuds du débat actuel réside dans une confusion persistante entre des situations qui ne relèvent ni du même ordre moral ni du même cadre juridique, mais que l’espace public tend pourtant à amalgamer.

Blanche Gardin est une humoriste talentueuse issue du stand-up, dont la carrière s’est construite sur une transgression revendiquée, une parole crue et une irrévérence assumée à l’égard des normes sociales et morales. Longtemps perçue comme une figure de liberté comique, elle a bénéficié de l’idée selon laquelle l’humour autoriserait tous les écarts, tous les renversements, tous les excès. C’est dans ce registre qu’elle a tenu des propos et présenté un spectacle, en lien avec le conflit israélo-palestinien, largement perçu comme antisémite¹.

Ces prises de position s’inscrivent dans un univers politique auquel Blanche Gardin appartient et qu’elle revendique. L’humoriste soutient Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise, mouvance que les philosophes Raphaël Enthoven et Michel Onfray qualifient d’antisémite². Dans ce contexte, il devient difficile de réduire ses propos à de simples dérapages. Ils apparaissent plutôt comme l’expression cohérente d’une grille de lecture idéologique islamo-gauchiste assumée.

C’est pourtant sur un autre terrain que Blanche Gardin choisit désormais de se placer. Elle se présente comme victime d’une mise à l’écart professionnelle, affirme être empêchée de travailler en raison de ses opinions et dénonce une forme de censure. Cette mise en récit procède d’une inversion morale. Car ce qui est en cause, dans son cas, n’est ni une opinion ni un positionnement politique, mais la diffusion d’un discours antisémite. Or l’antisémitisme constitue un délit. Cette distinction est centrale³.

Dès lors, lorsqu’un producteur, un diffuseur ou une institution décide de ne plus travailler avec Blanche Gardin au motif qu’elle propage un discours antisémite, il ne s’agit pas d’un acte arbitraire. Il s’agit d’une décision prise dans un cadre où une responsabilité éthique — et potentiellement juridique — peut être engagée. La mise à distance repose ici sur la nature même des propos tenus.

La logique est radicalement différente lorsqu’on examine la situation d’artistes juifs tels qu’Arthur, Amir ou Steve Suissa. Arthur, animateur et producteur parmi les figures les plus connues du paysage audiovisuel français, décrit un climat de menaces, de protection policière et de suspicion généralisée, lié à sa judéité et à sa perception comme soutien d’Israël⁴. Le chanteur Amir fait l’objet de pressions visant à contester ou à faire annuler certains concerts, notamment en raison de son passé en Israël et de son service militaire⁵. Le metteur en scène Steve Suissa évoque, quant à lui, un boycott culturel lié à sa judéité et à son lien avec Israël⁶.

Dans ces situations, la nature du reproche est fondamentalement différente de celui adressé à Blanche Gardin. Il ne s’agit ni d’un discours haineux, ni d’une infraction, ni même nécessairement d’une prise de position explicite. Ce qui est en cause relève de l’identité, de l’origine, de la biographie — parfois même d’un silence interprété comme une faute. Or être juif n’est pas un délit. Être israélien n’est pas un délit. Soutenir Israël n’est pas un délit. Ne pas dénoncer Israël n’est pas un délit. Lorsque des artistes voient leur capacité à travailler entravée pour ces raisons, on se situe clairement dans une logique de discrimination fondée sur l’appartenance.

Des responsables politiques et des mouvements militants ont par ailleurs exercé des pressions explicites pour remettre en cause la participation d’Israël aux Jeux olympiques de Paris 2024 ou pour demander son exclusion de l’Eurovision⁷.

La critique d’Israël est légitime. En revanche, transformer cette critique en droit d’empêcher des artistes ou des sportifs de participer à des événements relevant de leur discipline constitue un franchissement de ligne rouge.

Les incidents survenus à la Philharmonie de Paris, où un concert a été perturbé au nom de la contestation d’Israël, rendent ce glissement particulièrement visible⁸. Des musiciens ont été empêchés de jouer non parce que leur musique portait un message politique, mais parce que leur affiliation nationale ou institutionnelle était jugée inacceptable. Il ne s’agissait pas de débattre ou de protester, mais d’entraver concrètement le travail d’artistes.

Mettre sur le même plan la mise à l’écart d’une personne accusée de diffuser un discours antisémite et les pressions exercées sur des artistes en raison de leur identité revient à effacer une distinction essentielle. Dans le premier cas, il s’agit de sanctionner des propos. Dans le second, de sanctionner une appartenance ou une opinion supposée.

À mesure que s’installe l’idée qu’il faudrait « être du bon côté » pour avoir le droit de monter sur scène, de chanter, de concourir ou de créer, la création cesse d’être autonome. Elle devient un examen de conformité. L’artiste ou le sportif n’est plus jugé sur son travail, mais sur son alignement politique réel ou supposé. Cette logique alimente l’autocensure, la peur du scandale et une culture du soupçon, au détriment de la liberté d’expression.

Ce qui se joue ici n’est donc pas une querelle marginale, mais une véritable inversion morale : Blanche Gardin — une antisémite — se présente comme victime, tandis que des juifs voient leur travail entravé pour ce qu’ils sont ou pour ce qu’ils représentent. En banalisant cette confusion, on accepte que l’identité redevienne un critère légitime d’exclusion. L’art, la culture et le sport se trouvent alors transformés en espaces de tri idéologique.

Distinguer rigoureusement la sanction d’un discours antisémite de la discrimination fondée sur l’identité constitue l’un des socles de la responsabilité individuelle et de l’État de droit. Dès lors que cette distinction se brouille, ni la faute, ni la victime, ni l’injustice ne peuvent plus être nommées avec précision, fragilisant l’ensemble de l’espace public.

© Daniel Horowitz

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Notes

1. Plusieurs extraits de spectacles et de prises de parole publiques de Blanche Gardin, diffusés après le 7 octobre 2023, ont suscité de vives réactions et ont été dénoncés par de nombreux observateurs comme relevant de tropes antisémites, notamment dans la manière de désigner Israël, les Juifs ou leurs soutiens, en France comme à l’étranger.

2. Raphaël Enthoven a qualifié à plusieurs reprises La France insoumise de mouvement antisémite, notamment dans ses interventions médiatiques et ses tribunes. Michel Onfray a, de son côté, dénoncé explicitement l’antisémitisme de la gauche radicale.

3. En droit français, l’antisémitisme relève de l’incitation à la haine ou de la discrimination fondée sur l’appartenance religieuse ou ethnique, infractions prévues et sanctionnées par la loi du 29 juillet 1881 et le Code pénal.

4. Arthur a évoqué à plusieurs reprises, dans la presse et lors d’entretiens télévisés, le climat de menaces et la nécessité d’une protection policière renforcée depuis le 7 octobre, en lien avec sa judéité et son soutien affiché à Israël.

5. Amir a fait l’objet de campagnes de contestation et d’appels au boycott visant certains de ses concerts, notamment en raison de son passé en Israël et de son service militaire au sein de Tsahal, pourtant antérieur à sa carrière artistique.

6. Le metteur en scène Steve Suissa a dénoncé publiquement des formes de boycott culturel et des refus de collaboration qu’il attribue à sa judéité et à son lien supposé avec Israël, indépendamment du contenu de ses œuvres.

7. Plusieurs responsables politiques et collectifs militants ont publiquement appelé à l’exclusion d’Israël de compétitions internationales, notamment des Jeux olympiques de Paris 2024 et du concours Eurovision de la chanson, au nom de la situation à Gaza.

8. Des incidents ont été signalés à la Philharmonie de Paris, où des concerts ont été perturbés par des militants contestant la présence d’artistes ou d’institutions liées à Israël, empêchant concrètement des musiciens de se produire.

Source:

https://danielhorowitz.com/blog/index.php/2025/12/13/blanche-gardin-de-lantisemitisme-a-la-posture-victimaire

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1 Comment

  1. Le show biz français est lamentable , ces petites personnes plutot parasites sont les dignes descendants de leurs grands parents qui se bousculaient pour aller se produire a berlin en 1942 , quand aux minables artistes juifs dont je prefere oublier les noms , ils ont preservé leurs privileges et leurs fortunes en perdant leur âme au milieu des moins que rien .

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