Julien Théry, professeur délateur. Par Yann Barte

Pour avoir publié sur les réseaux une liste de “génocidaires à boycotter”, qui les met en danger, l’historien a été suspendu par l’université Lyon-2. Les Insoumis, dont il est très proche, hurlent, sans rire, à la chasse aux sorcières…

Après des années à disséquer les bûchers médiévaux, Julien Théry semble avoir fini par s’y brûler lui-même. Spécialiste sourcilleux des mécanismes inquisitoriaux, le médiéviste de 54 ans de l’université Lyon-2, aux traits juvéniles et aux yeux rieurs, est soudain passé de la théorie aux travaux pratiques. En septembre, il attirait l’attention en diffusant une liste de Juifs, pardon : de sionistes « génocidaires à boycotter en toute circonstance ». Arthur, Joann Sfar, Charlotte Gainsbourg, Raphaël Enthoven avaient en effet osé le même mois, dans une tribune, demander la libération des otages et le démantèlement du Hamas avant toute reconnaissance officielle par la France d’un État palestinien. Les voilà tous repeints en « génocidaires » !

Tollé immédiat. Du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme à la Licra en passant par des journalistes et des personnalités publiques, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer la liste. Mais voici le pompon : une tribune intitulée « Contre un maccarthysme à la française » se prend à défendre l’indéfendable. Des centaines d’universitaires, d’artistes, d’Insoumis, de décoloniaux dénoncent une « manipulation scandaleuse » contre Théry et se réclament des « libertés académiques ». De Rony Brauman à Blanche Gardin ou Nacira Guénif, d’Aymeric Caron à l’historien Ilan Pappé. Tant d’adversaires du maccarthysme qui ne voient aucun inconvénient dans le fait de livrer des listes de Juifs à la vindicte…

JEUNE INQUISITEUR

Le 3 décembre, l’université Lyon-2 annonce la suspension conservatoire de l’enseignant-chercheur, une mise à l’écart temporaire. Il faut dire qu’entre-temps le dossier s’est alourdi… En plus de diffuser des listes, toujours sur les réseaux sociaux, le maître de conférences a publié l’an dernier un photomontage antisémite accablant, passé sous les radars avant que X ne le fasse ressurgir. Le visuel montre un Juif (kippa et étoile jaune) piquant un porte-feuille à une femme tenant un drapeau palestinien. La légende en anglais : « Dieu m’a promis ce portefeuille. » Mazel tov ! Le doute n’est plus permis. L’établissement, déjà secoué en 2023 par des tags appelant à la lutte armée palestinienne et en 2025 par des menaces de mort contre sa présidente, juge « la teneur des propos et du visuel » incompatible « avec les valeurs de la République et de l’université ».

Et ce n’est pas fini. Car sur le groupe Facebook de son émission La Grande H, dont il est administrateur, et sous ses différents comptes et pseudos (Julien de Guingouin, Jules Guinguette…), Théry relaie ou laisse publier des contenus diffusant la haine des Juifs et pro-Hamas. On y voit passer un post de Paul-Éric Blanrue, relais régulier de la sphère négationniste, une vidéo intitulée Alain Soral avait raison, un message expliquant que « le seul tort » de Dieudonné est d’« avoir dit la vérité sur le fascisme israélien » ou encore un texte de Marc-Édouard Nabe, écrivain soutien du djihadisme au point d’avoir été repris par une revue de Daech. Nous ne sommes pas devant un dérapage isolé, mais devant une série de contenus douteux qui passent crème depuis des années. Car pour certains, c’est bien connu, l’antisémitisme de gauche n’existe pas ! C’est même le titre d’un papier de Théry publié dans Hors-Série, le site de Judith Bernard, star décoloniale et ex-Arrêt sur images : « Antisémitisme de gauche : la grande fake news ». Pratique.

Une propagande qu’on retrouve dans ses interventions sur LeMédia, proche de LFI, dont il a été l’un des dirigeants . Il y explique ainsi doctement que « ces éléments d’antisémitisme de la gauche n’ont absolument rien à voir avec l’antisémitisme de droite». Exemple à l’appui ? Selon lui, le révolutionnaire anarchiste Proudhon « considère qu’il y a une nature des Juifs qui les porte au capitalisme ». « C’est autre chose, il n’y a pas d’antisémitisme en soi », conclut-il. Il suffisait d’y penser. Comme le note ironiquement le rabbin Émile Ackermann sur X, Théry « se pense immunisé », et « c’est précisément ce qui lui permet de développer des tropes antisémites ». Ainsi, Proudhon pouvait écrire : « Le Juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie, ou l’exterminer » sans être antisémite… De même, l’antisémitisme stalinien n’a rien à voir avec le communisme, « mais avec une tradition enracinée de très longue date dans la culture des sociétés concernées ». Circulez. Il n’y a rien à voir ! D’ailleurs, ses soutiens n’ont rien vu. On compte parmi eux des universitaires nostalgiques du Petit Père des peuples, comme Annie Lacroix-Riz ou Bruno Drweski.

NOUVEAU MARTYR

Dès la publication de la liste de « génocidaires », Mélenchon en personne a crié sa « solidarité avec cet enseignant éclairant ». Il lui a renouvelé son soutien depuis la révélation des posts antisémites. « Cet enseignant n’est pas antisémite, ne l’a jamais été, il ne l’est pas, et il ne le sera jamais », a-t-il maintenu devant la Commission d’enquête sur les liens entre mouvements politiques et organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou l’idéologie islamiste, au mépris de l’évidence. L’accusation relève pour lui d’une « chasse aux mal-pensants ».

La décoloniale et antisémite Houria Bouteldja l’a sans surprise défendu. Tout comme la sociologue Nacira Guénif. De même que Révolution permanente, cénacle trotskiste pro-Hamas, pour qui l’affaire relèverait d’une « censure des expressions politiques, à l’image des 70 CRS envoyés l’an passé pour réprimer une action de soutien à Georges Ibrahim Abdallah ». On parle de ce martyr de la gauche radicale, terroriste du FPLP qui, sitôt libéré, célébrait l’assassinat de deux employés d’une ambassade israélienne. Et, si certains pétitionnaires se sont retirés depuis la révélation des posts antisémites, les députés insoumis et LFI, en tant qu’institution, restent signataires.

Rien d’étonnant : Julien Théry coche toutes les cases de l’extrême gauche identitaire. Une vision intersectionnelle et décoloniale qui apparaît dans le choix des invités de son émission, ses participations au média décolonial Paroles d’honneur et un universalisme dont il dénonce les «impostures». En commentant une phrase de Bardella affirmant : « Je ne suis pas d’extrême droite », Théry réplique sur X : « Pas plus que je ne suis antisémite ! » Un aveu ?Il résume à sa façon la carrière du bon militant :«Si t’es de gauche et n’as jamais été accusé à tort et à travers d’antisémitisme par des pharisiens dénués de tout scrupule, t’as raté ta vie.» Bravo l’artiste.

© Yann Barte

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2 Comments

  1. « Après des années à disséquer les bûchers médiévaux, Julien Théry semble avoir fini par s’y brûler lui-même » Pas du tout. Il est 100% couvert, et couvert par Google même, qui fait disparaître toutes les traces d’ignominies comme celles du pickpocket, des évangiles, des partages de Soral et Dieudonné. Et même ici: une réaction. Une seule??? Et je ne la comprends même pas: « Quel dommage qu’il n’y a pas une machine à remonter le temps qui permettrait de téléporter ce professeur antisémite au Moyen-Age… » Ca veut dire quoi, ça? On est mal barrés, voilà, c’est le seul truc que je comprenne. Prenez soin de vous, les amis, les jours sombres reviennent. Am Yisrael Chai.

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