Le prochain miracle : Israël peut-il accueillir un million de nouveaux immigrants venus d’Occident? Par Dov Maimon

ISRAËL SAURA-T-IL SAISIR LE PROCHAIN GRAND RENDEZ-VOUS DE L’ALIYAH OCCIDENTALE ?

Les Juifs d’Europe ne sont pas des réfugiés. Beaucoup rêvent d’aliyah, mais ils ne franchiront le pas que si Israël prend réellement la mesure de l’enjeu et crée les conditions d’un accueil digne, rapide et efficace. Dans cet article (paru en anglais ici et en hébreu dans la revue  Hashiloach de Décembre), je propose les grandes lignes d’une réforme indispensable. Si Israël change enfin de logiciel, ce pourrait être un nouveau miracle national : l’arrivée d’une population éduquée, engagée, porteuse d’un profond attachement à l’État de droit démocratique et libéral.

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La France, comme la plupart des pays d’Europe occidentale, traverse une profonde transformation démographique et culturelle. Les Juifs y sont devenus une minorité à la fois petite et très visible, tandis que les citoyens d’origine musulmane les dépassent désormais en nombre dans un rapport de 20 contre 1 — et dans certaines régions, de 50 contre 1. Bien que la loi interdise toute statistique ethnique, les données indirectes sont sans équivoque : 23 % des bébés nés aujourd’hui en France portent un prénom arabo-musulman, et un jeune sur quatre — 25 % des moins de 35 ans — jeûne pendant le mois de Ramadan.

Ce changement n’a rien de superficiel ; c’est une véritable révolution démographique. Comme l’a écrit le démographe Alfred Sauvy : « La démographie, c’est la petite aiguille de l’horloge : on ne la voit pas bouger, mais c’est elle qui donne l’heure. »

Les études montrent que 28 % des musulmans en France soutiennent l’établissement d’un État islamique, un chiffre qui grimpe à près de 50 % chez les moins de 30 ans. Plus la religiosité est forte, plus l’hostilité envers les Juifs s’intensifie.

Contrairement au credo républicain selon lequel l’éducation favorise l’intégration, il apparaît que ce sont précisément les personnes les plus diplômées qui tendent davantage vers un zèle politique et religieux. Les universités, autrefois moteurs de l’universalisme, sont devenues des foyers d’identités religieuses et d’un progressisme anti-israélien. L’antisionisme est devenu le langage respectable d’un nouvel antisémitisme.

La communauté juive de France — l’une des plus dynamiques d’Europe — est devenue fragile et isolée. Après la Révolution française et l’émancipation, chaque génération semblait s’éloigner un peu plus du judaïsme et de la vie communautaire. Et pourtant, paradoxalement, depuis le début du XXIᵉ siècle, sous l’effet de l’exclusion et de l’antisémitisme, beaucoup sont revenus à la synagogue, à la communauté, à leur identité.

Entre 80 000 et 100 000 Juifs ont quitté la France depuis l’an 2000 — plus de 20 % de la communauté. Certains sont partis en Israël, d’autres au Canada, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Mais la majorité de ceux qui restent se sont repliés dans des ghettos protégés : écoles privées, quartiers sécurisés, communautés autonomes. C’est une stratégie de survie, non un choix libre.

Les forces de l’ordre et la justice agissent lentement, tandis que les responsables politiques sont paralysés par une donnée froide : le vote musulman influence fortement les élections. Strasbourg, Bordeaux et Grenoble ont suspendu leurs jumelages avec Ramat Gan, Ashdod et d’autres villes israéliennes, les remplaçant par des partenariats avec des villages arabes de Judée, Samarie et même de Gaza. En apparence un geste diplomatique, mais en réalité une capitulation électorale.

La démographie fixe les limites du courage public. La minorité d’aujourd’hui devient la majorité de demain, et la majorité de demain redéfinit les normes morales d’aujourd’hui.

Quand Theodor Herzl écrit L’État juif, 80 % des Juifs du monde vivent en Europe de l’Est — un monde disparu. Leur ont succédé les Juifs des pays arabes, contraints de fuir entre 1948 et 1975, puis les Juifs de l’ex-URSS après la chute du communisme. Désormais vient le tour des Juifs d’Europe occidentale : eux aussi font face à une décision historique.

Le processus de Kibboutz Galouyot — l’ingathering of exiles, l’ingatherment — entamé il y a un siècle arrive aujourd’hui à maturité. Il serait tragique de manquer ce moment et de laisser passer une opportunité historique de délivrance nationale.

On demande souvent : pourquoi n’ont-ils pas encore fait leurs valises ? Ne voient-ils pas ce qui s’annonce ? Certains sont effectivement dans le déni. Mais la plupart — en Angleterre comme en France, et peut-être bientôt aux États-Unis — comprennent que leurs enfants, et sans doute leurs petits-enfants, ne continueront pas à vivre dans leurs pays d’origine.

Israël aime l’alyah mais n’aime pas les olim

Or le problème n’est pas seulement le leur — il est d’abord le nôtre. Israël aime l’alyah, mais il n’aime pas les immigrants. Aujourd’hui, rien ne témoigne d’une véritable volonté politique de lever les obstacles. Nous restons habitués au modèle de l’alyah de détresse — des immigrants sans choix. Ils arrivent par nécessité, non par opportunité ; dès lors, l’État ne ressent pas le besoin de leur faciliter la vie — ils viendront même au prix de leur dignité et de leur statut social.

Mais pour les Juifs occidentaux, la réalité est différente. L’exemple de l’Afrique du Sud est éclairant : une communauté sioniste, éduquée, solide, qui, au moment critique — malgré un fort désir d’Israël — a préféré l’Australie, l’Angleterre ou les États-Unis. Israël a perdu là une population instruite, productive, et n’a pas tiré les leçons.

L’État d’Israël a montré par le passé sa capacité à sauver des Juifs en danger — du Yémen et d’Éthiopie, d’Argentine et de l’ex-URSS — mais il peine à absorber les Juifs prospères. Les immigrants occidentaux ne sont pas des réfugiés ; ce sont des professionnels qualifiés, en quête de sens, d’identité et de partenariat. Le système d’absorption actuel est lent, bureaucratique, et dépourvu de vision.

Les corporations professionnelles israéliennes se protègent contre la concurrence extérieure : médecins, ingénieurs, avocats. Leurs intérêts entrent en conflit avec l’intérêt national. C’est une défaillance de marché qui nécessite une intervention directe de l’État.

Réformes urgentes nécessaires

 • Permis de travail temporaires pour les professionnels médicaux et paramédicaux diplômés à l’étranger.

 • Programmes intensifs d’hébreu et de formation pour enseignants, psychologues et métiers de service.

 • Recrutement ciblé et formation dans les secteurs clés de l’économie, notamment ceux dépendant de la langue maternelle.

 • Reconnaissance automatique des diplômes universitaires occidentaux, sauf preuve contraire.

Les immigrants occidentaux apportent non seulement des compétences, mais aussi un ethos libéral profond — foi dans l’État de droit, dans les droits individuels et dans la responsabilité civique — ancré dans la tradition juive. Leur présence peut renforcer Israël comme État juif et démocratique, où liberté et foi ne s’opposent pas mais s’enrichissent.

Le précédent existe : l’alyah russe des années 1990 a provoqué une révolution économique et culturelle. Une nouvelle alyah occidentale pourrait faire de même — à plus grande échelle et avec une énergie nouvelle.

L’alyah n’est pas un fardeau — c’est une chance nationale. Pour la saisir, Israël doit créer une direction interministérielle rattachée au bureau du Premier ministre, réunissant l’absorption, l’éducation, l’emploi, la santé et le logement — dirigée par une personnalité dotée d’autorité et de vision.

L’emploi reste la clé. Mais au-delà de l’aspect professionnel, pour les immigrants occidentaux qui disposent d’alternatives réelles, l’identité juive et l’intégration sociale et éducative de leurs enfants sont les moteurs principaux. Beaucoup savent que leur carrière sera affectée par le choix d’Israël, et sont prêts à être la « génération du désert » pour que leurs enfants s’enracinent dans leur peuple.

Israël sait transformer les crises en rédemption. S’il ouvre ses portes et se prépare avec lucidité, il peut transformer la crise des Juifs d’Europe en un nouveau miracle israélien — non seulement un miracle de sauvetage, mais un miracle de renaissance nationale, une réalisation renouvelée de la vision du Kibboutz Galouyot.

© Dov Maimon

Source: JPost

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