Entretien réalisé par Frédéric Sroussi
Tribune Juive : Gilles Platret, vous êtes le maire de Chalon-sur-Saône depuis 2014, vous êtes un élu sans étiquette, mais vous fûtes vice-président des Républicains. Vous êtes le fondateur et le Président d’un nouveau Think tank qui s’intitule «France 2050». Ce groupe de réflexion vient de publier (fin octobre 2025) un rapport à la fois passionnant, édifiant, mais aussi terriblement inquiétant dont le titre est : L’Infiltration en France de la République islamique d’Iran ; espions, agents d’influence, voyous : la mécanique du chaos. Ce rapport est le fruit d’enquêtes menées par des experts de renom. Tout d’abord, pourquoi avez-vous ressenti le besoin de créer le centre de réflexion « France 2050» ?
Gilles Platret : Mon but est de faire de la politique par le bon côté. J’appartenais au Parti Les Républicains. Je l’ai quitté car je pense qu’aujourd’hui en France les partis politiques ont un vrai problème concernant la recherche de l’intérêt général. Il n’y a hélas plus de vision d’avenir au sein des partis politiques. Le phénomène les concerne tous, sans exception. Ils sont braqués sur des intérêts immédiats et plus aucune solution n’en émane. Or, si la politique c’est évidemment gérer le quotidien, c’est aussi préparer les conditions d’une vie si possible meilleure pour la génération d’après. De cette idée-là est née la volonté de rassembler des femmes et des hommes qui voulaient réfléchir à l’avenir de leur pays et c’est devenu un Think Tank qui s’appelle « France 2050 ». Pourquoi ce nom ? Parce que nous réfléchissons aux décisions à prendre maintenant pour préparer l’avenir de la génération qui suit. Nous avons cette responsabilité pour la génération d’après.
Depuis des décennies – et j’accuse la droite et la gauche d’en être responsables -, des pans entiers de l’action publique font l’objet d’un certain déni – je parle de ces évolutions que nous avons sous le nez, mais que nous refusons de voir, ces états de fait qui nous menacent et dont nous disons qu’après tout ce n’est pas si grave. Or, plus nous attendons pour prendre des décisions, plus le problème devient pratiquement insoluble. Le but de « France 2050 », c’est de travailler sur les non-dits de la politique française. Suite aux nombreuses discussions que j’ai depuis quelques années avec le grand reporter franco-iranien Emmanuel Razavi, l’idée m’est venue de produire un rapport sur l’état de l’influence en France, voire même de l’infiltration en France de la République islamique d’Iran. C’était un sujet qui n’était pas du tout dans les projecteurs, et nous avons donc décidé de le mettre en lumière. Nous avons réuni douze experts de renommée mondiale, français, franco-iraniens et américains, pour enquêter et décrire cette infiltration. Ce problème est bien connu des services de renseignement. Nous avons de très bons services de renseignement en France, sauf que depuis des décennies, les politiques refusent d’agir et de se saisir du problème. Ce rapport, c’est un peu notre faire-part de naissance. D’autres rapports viendront pour éclairer des problèmes qu’on sait exister, mais qu’on ne traite pas assez et qui vont finir, si on n’y prend pas garde, par nous causer des problèmes insolubles.
TJ : Ce rapport est, il faut le dire, passionnant et vous expliquez en introduction que le fait d’avoir vu en tant que maire l’islamisme se répandre au niveau local vous a fait encore plus prendre conscience du danger de ces infiltrations. Avez-vous des exemples qui vous ont particulièrement marqué concernant l’islamisme à Chalon-sur-Saône ?
GP : C’est vrai qu’on peut s’étonner à première vue qu’un maire d’une commune de 47 000 habitants se saisisse d’un problème qui a l’air très éloigné de sa ville, mais en fait ce n’est pas si éloigné que ça. C’est fondamental pour moi de lutter – depuis 11 ans que je suis maire – contre l’avancée de l’islamisme. J’avoue qu’avant d’être maire, je n’avais pas du tout idée de la profondeur du phénomène. J’en ai pris conscience à partir de 2014-2015, et j’ai vu le problème s’amplifier. J’ai vu des familles basculer dans la radicalisation. J’ai vu des musulmans qui pratiquaient tranquillement leur foi, tout d’un coup voiler leur femme et leurs filles. J’ai vu des élèves dans les écoles qui interrompaient les cours ou qui à l’école primaire arrachaient les pages d’anatomie dans les dictionnaires. D’autres élèves se bouchent les yeux – ce sont des témoignages d’institutrices et d’instituteurs – quand on leur montre une photo d’une statue grecque ou romaine. J’ai même vu des élèves en maternelle cracher tous ensemble sur le sapin de Noël!
TJ: Des enfants en maternelle !? L’endoctrinement islamiste commence donc dès la naissance !
GP : Oui ! Il y a une accélération ces dernières années. Des journalistes courageux, car il faut l’être pour s’attaquer à ces matières-là, ont montré par leurs enquêtes qu’en fait dans la proximité de Chalon, à Lyon, mais aussi à Dijon, capitale de la Bourgogne, il existait un véritable écosystème frériste avec un imam qui faisait partie de la Confrérie (ce que l’État a refusé de voir dans un premier temps) et qui fut nommé officiellement représentant du culte musulman en Bourgogne. Et puis un Institut, à une heure de route de Chalon, à Château-Chinon, qui recevait des prédicateurs absolument odieux comme Al-Qardaoui par exemple qui est mort en 2022.
TJ : Il prêchait sur Al-Jazzera et osait se féliciter de ce qu’Hitler avait fait aux Juifs, mais lui reprochait de ne pas avoir totalement « fini le travail » !
GP : Et puis on a appris que l’année dernière à Dijon, les services secrets français avaient arrêté un membre très important de la Force d’élite Al-Quods des services secrets iraniens, du nom de Bashir Biazar, qui vivait là depuis quelques années avec sa famille. Il faisait de la surveillance de la diaspora iranienne anti-mollahs, mais aussi de l’entrisme en milieu universitaire.
Il existe donc un écosystème que j’ai appris à connaître et à décrypter, et j’en ai fait un cheval de bataille depuis longtemps. Avec ce Think tank, on en parle de façon nationale. Ce rapport a eu de l’écho puisque Le Figaro lui a d’emblée consacré une pleine page, Le Parisien en a abondamment parlé trois jours plus tard. L’ambassade d’Iran à Paris s’est même fendue d’un communiqué pour dénoncer notre rapport, ce qui équivaut un peu pour nous à une Légion d’Honneur !
TJ En parlant de l’agent iranien Bashir Biazar, il a été officiellement expulsé de France vers l’Iran, mais n’est-ce pas plutôt une exfiltration car une avocate française voulait porter plainte contre lui au nom d’opposants iraniens qui accusent Biazar de complicité d’actes de tortures pratiqués en Iran…
GP : Le vrai problème de la France, et je le dis avec tristesse car c’est mon pays et je l’aime profondément, c’est qu’en fait, depuis l’avènement de Khomeiny en 1979, on a le grand tort de continuellement chercher à normaliser les relations avec une dictature théocratique qui devraient être combattues. On sait que c’est un régime qui veut la destruction d’Israël, on sait aussi qu’il nous infiltre, on sait aussi qu’il est dangereux pour l’équilibre du monde parce que, s’il parvenait à obtenir l’arme nucléaire, un cap irréparable serait franchi. Malgré tout cela, la diplomatie française croit encore qu’elle peut négocier, qu’elle peut discuter, qu’elle peut considérer la République islamique d’Iran comme un partenaire fiable. Alors, évidemment, de temps en temps, on insiste sur les sanctions, on montre nos muscles, mais en réalité on cède constamment à ce régime en refusant de voir ce qu’il est. Nous montrons dans notre rapport, notamment sous la plume d’Hirbod Deghani-Azar (N.d.A avocat international et président de l’association Norooz) que, comme dans toute dictature, il suffit de lire ce qu’écrivent les autorités iraniennes pour savoir ce qu’elles veulent faire. Dans sa constitution la République islamique d’Iran écrit en toute lettre qu’elle veut répandre le djihad sur toute la surface de la terre, d’où ces manœuvres d’infiltration de nos démocraties.
Donc, pour répondre à votre question, évidemment que Bashir Biazar a été relâché dans le cadre de négociations avec la République islamique d’Iran, de la même façon que nos otages qui sont récemment sortis de prison mais qui restent assignés à résidence dans l’ambassade de France à Téhéran. Ils ont changé de prison, évidemment c’est mieux d’être dans l’ambassade de France que dans la prison où ils étaient. Les négociations continuent, et la France vient de recevoir le ministre des Affaires étrangères de la République islamique d’Iran…C’est une honte, mais elle l’a reçu. On sait que la libération de nos otages est conditionnée à ce que la France relâche une activiste islamiste, membre très certainement de la Force Al-Qods, qui a été arrêtée il y a quelques mois car sur des boucles Telegram, elle faisait l’apologie des attentats commis en Israël le 7 octobre, provoquait à des actes de terrorisme et injuriait la communauté juive ! Elle était en France pour exciter des milieux qui gravitent autour de ses réseaux, milieux universitaires et autres, allant de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, tous unis par leur antisémitisme. Cette femme, qui porte le voile et se présente officiellement une traductrice de 39 ans, est toujours assignée en résidence en France mais ce sera elle la monnaie d’échange. On le sait déjà.
Si nos deux otages sont libérés et peuvent retourner en France, ce que je souhaite évidemment de tout mon cœur, hélas je pense que d’autres Français seront un jour capturés en Iran et on recommencera tout ça. Donc, oui Bashir Biazar a été une partie de la monnaie d’échange, évidemment.
TJ Je voudrais maintenant parler de ce que vous avez appelé, à juste titre «une affaire d’État», et qui concerne deux grands reporters qui ont participé à ce rapport, je parle de Nora Bussigny et Emmanuel Razavi , qui ont d’ailleurs été aussi auditionnés par la Commission d’enquête qui se tient à l’Assemblée nationale et qui cherche à découvrir les liens exacts entre l’islamisme et certains partis politiques français…
GP : Je vais vous expliquer d’abord la généalogie de cette affaire car il nous a fallu un peu de temps pour comprendre ce qui était en train de se jouer. Quand le rapport est sorti, nous l’avons transmis au ministre de l’Intérieur, au Président du Sénat et à la Présidente de l’Assemblée nationale. C’est un rapport qui est vraiment indépendant, écrit par des auteurs qui, je le précise, ont tous été bénévoles. Cela en dit beaucoup sur la conscience de ceux qui ont travaillé et sur la nécessité qu’ils ressentent de pouvoir diffuser cette vérité qui est trop cachée. Nous espérons que ce rapport pourra donner naissance à une Commission d’enquête parlementaire. Toujours est-il que nous sortons ce rapport, nous le transmettons aux autorités citées plus haut, Le Figaro en fait une pleine page, il est salué par la critique, et à notre plus grande stupéfaction, le lundi (le rapport était sorti le jeudi), le rapport est descendu en flèche par le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez dans les colonnes du Parisien. Le ministre dit en substance que ce rapport ne nous apprend rien et insinue qu’il met en cause les services de renseignement français. Ce qui est totalement faux ! Dans deux passages du rapport on salue le professionnalisme et l’efficacité des services français. Donc, on se dit qu’il se passe quelque chose, que nous ne comprenons pas encore. Pourquoi le ministre Nuñez prend-t-il la peine de nous faire une telle publicité car, quand vous critiquez le rapport d’un Think tank qui vient de naître, c’était lui faire bien de l’honneur…Le fait que notre rapport soit attaqué par le ministre de l’Intérieur, c’est incroyable ! Puis, finalement on a compris ce qui se passait, car au même moment le Directeur du renseignement à la Préfecture de Paris, Hugh Bricq, qui est un ami et donc un très proche de Laurent Nuñez, déclare devant la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale que, de là où il parle, il « n’a identifié aucun lien entre parti, groupe politique ou élus d’une part, groupes terroristes ou islamisme radical d’autre part ». Les membres de la Commission réagissent immédiatement et lui disent qu’ils viennent de recevoir Nora Bussigny et Emmanuel Razavi qui ont apporté la preuve du contraire. Et le Directeur du Renseignement à la Préfecture de Paris de répondre, et c’est là que tout se noue : « J’ai connaissance des recherches, ouvrages et articles de certains auteurs… qui se placent eux-mêmes dans une sphère politique en écrivant ce qu’ils écrivent » ! Dire ça exprime très clairement le fait qu’Hugh Bricq est en service commandé pour tenter de casser notre rapport et ces reporters puisqu’ils sont tous deux, je le rappelle, co-auteurs de notre enquête. Nous comprenons alors qu’entre les déclarations d’Hugh Bricq qui casse devant la Commission d’enquête parlementaire deux des co-auteurs de notre rapport, et le ministre de l’Intérieur qui continue le travail en attaquant lui aussi le rapport trois jours plus tard, quelque chose est en train de se nouer. La déclaration d’Hugh Bricq a été faite à huis-clos ; l’Assemblée nationale a publié le compte-rendu de son audition le 10 novembre, et à partir de là, LFI s’en est saisi et a lancé une fatwa en essayant de faire passer Nora Bussigny et Emmanuel Razavi pour des « agents de l’étranger », des agents des Émirats arabes unis sous un prétexte totalement fallacieux, mais cela fait partie de la perversité de LFI qu’on connait bien. En fait, cela dérange LFI fortement puisque notre rapport accuse ce parti d’être dans la main des proxis de Téhéran, on le montre très clairement notamment par leurs fréquentations détestables avec le FPLP (Front de Libération de la Palestine)…
TJ : Lien qui existe notamment entre la députée LFI Ersilia Soudais et Mariam Abou Daqqa, membre du FPLP, que l’élue française a invité à l’Assemblée nationale un mois après les massacres du 7 octobre comme l’explique très bien votre rapport.
GP : Ersilia Soudais se flatte d’être l’amie de Mariam Abou Daqqa. Il existe aussi un lien avec un terroriste qu’Israël a condamné, Salah Hamouri ¹, qui pose sur les mêmes tribunes que des députés LFI comme Rima Hassan. Finalement on a démontré tout ça et LFI essaie d’allumer un contre-feu en accusant Nora Bussigny et Emmanuel Razavi de ne pas être indépendants en travaillant pour un magazine qui s’appelle Écran de veille, magazinedont Mediapart avait prétendu il y a quelques années qu’il était financé par les Émirats Arabes Unis. Il se trouve que c’est faux, mais même si cela était vrai, cela n’entacherait pas l’indépendance de ces deux auteurs car ils sont l’une journaliste, l’autre grand reporter et tous deux pigistes pour Écran de veille. Le député LFI, Paul Vannier, n’a pas tardé de tweeter que Bussigny et Razavi étaient des « agents de l’étranger » avec comme but de tromper la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale. Ainsi, par ricochet notre rapport devient « sujet à caution » pour eux. On voit bien que derrière tout ce vacarme se cache une opération.
Nous savons que derrière tout ça, derrière les réactions du ministère de l’Intérieur, derrière les réactions de LFI, il y a une opération pour jeter sur nous le discrédit, et qu’elle est en lien très manifestement avec Téhéran parce que la France dans ses négociations sempiternelles avec cet État terroriste, ce narco-État qui pratique le chantage aux otages, est toujours en position de faiblesse. Téhéran est capable aujourd’hui d’influencer la vie politique française et d’essayer de discréditer des gens qui font leur travail honnêtement et qui ont pour seul mot d’ordre que la vérité soit enfin dite !
En même temps, toute cette affaire indique qu’on a tapé dans le mille. Ce rapport dérange énormément ! Il dérange évidemment LFI, il dérange l’ambassade d’Iran parce que c’est très rare que l’ambassade se fende d’un communiqué. Nous n’avons du reste pas hésité à indiquer que le numéro 2 de l’ambassade d’Iran, Ali Reza Khalili, est le grand organisateur de cette infiltration iranienne depuis vingt ans qu’il est en France. C’est lui qui est en fait le véritable ambassadeur, le véritable agent de Téhéran. Nous sommes les premiers à le nommer et à mettre ce fait en lumière dans ce rapport.
Le communiqué de l’ambassade d’Iran est hallucinant : il prétend que l’Iran est pour la protection du droit des personnes, qu’il est le premier Etat à lutter contre le trafic de drogue; quand on sait à quel point la République Islamique d’Iran vit du trafic de drogue, on tombe à la renverse. Ce rapport dérange donc énormément.
TJ : Ce qui est effarant et même extrêmement inquiétant, c’est qu’en suivant la chronologie de cette affaire dans l’affaire, de cette affaire d’État que l’on pourrait appeler scandale d’État , on s’aperçoit quand même que M. Hugh Bricq qui est Directeur du service de renseignement à la Préfecture de Paris, qui est un proche du ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez, lui-même ancien Directeur de la Coordination nationale et de la lutte contre-terrorisme s’attaque à votre rapport alors que les preuves existent clairement du lien entre des députés LFI et des terroristes du FPLP dont le rapport dit bien que ces derniers sont «formés par l’unité d’élite iranienne Al-Qods» (je rappelle que les malheureux enfants Bibas étaient retenus et furent donc assassinés par des terroristes du FPLP à Gaza). Ce rapport nous apprend aussi que le Parti communiste français est aussi mouillé puisqu’« à partir de 2013, des locaux du Parti communiste français situés dans le 13ème arrondissement de Paris, ont accueilli une série de manifestations religieuses organisées à l’initiative de Seraj Mirdamadi, cousin germain du Guide suprême iranien». Donc, si je résume, Hugh Bricq Directeur du renseignement attaque votre rapport, suivi par le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez qui à son tour vous attaque, s’ensuit un démenti de l’Ambassade de la République islamique d’Iran, suivi par une attaque du député LFI Manuel Bompard qui se sert des déclarations d’Hugh Bricq, donc d’un des chefs du renseignement français, pour dire qu’il n’y a pas de preuves de liens entre LFI et les islamistes, puis c’est le tour du député LFI Paul Vannier qui s’en prend directement et de façon très menaçante à vos deux co-auteurs Nora Bussigny et Emmanuel Razavi. Cela indique donc qu’il existe une forme d’alliance objective, un soutien entre la République islamique d’Iran et une partie de l’État français, mais aussi de LFI !
Comment expliquez-vous cette quasi collusion entre l’État français et la République islamique d’Iran ? En tout cas, il y a une convergence d’intérêts dans cette affaire…
GP : Je pense que le problème est extrêmement profond en France et que nous en avons là une illustration scandaleuse. Je reprends volontiers le terme car c’est un scandale d’État. Quand on songe au rang que devrait occuper la France dans le combat contre la République islamique d’Iran et qu’on s’aperçoit au contraire de la réaction de l’État, de sa complicité volontaire ou involontaire avec un régime comme celui de Téhéran, on ne peut que se désoler du fait qu’en France le courage politique a disparu.
C’est un problème de fond. Le personnel politique français depuis plusieurs décennies a perdu le ressort moral qui s’appelle le courage et la volonté. La lutte contre l’islamisme, les grandes décisions à prendre en matière sociale, la dérive budgétaire qui est en train de tout bloquer dans ce pays ont comme cause commune le refus de prendre les décisions qui s’imposent !
Nous sommes donc prisonniers de notre propre absence de volonté. Il faudrait assumer la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran ; on me dira qu’il y aura des conséquences, mais les conséquences existent déjà, on les subit !
En fait, la France ne se place plus en position de rapport de force ! Nos gouvernants ont renoncé au rapport de force, et dans tous les domaines. Téhéran a aujourd’hui de l’influence sur la vie politique française parce qu’on accepte ça. François Hollande faisait déjà la même chose, Emmanuel Razavi l’a très bien expliqué dans son livre La Face cachée des Mollahs, il montre bien qu’au moment où nous étions en train de pratiquer des opérations qui auraient pu déstabiliser le Corps des Gardiens de la Révolution islamique, Hollande a tout fait stopper pour vendre quelques avions…
C’est pour cela que je dis qu’on ne pense plus à la génération d’après, comme en témoigne ce que nous faisons avec l’Iran, cette complaisance que nous avons aussi vis-à-vis de la Turquie, vis-à-vis du Qatar et donc des Frères musulmans qui nous infiltrent aussi. Eh bien, c’est la génération qui vient qui va le payer cash ! On est en train de laisser nos enfants, nos petits-enfants dans une perspective d’esclavage car un jour tout ce petit monde finira par prendre le pouvoir parce qu’on n’aura pas eu le courage de lui opposer une résistance française. Je pense que c’est fondamentalement ce qui explique qu’aujourd’hui on cède à Téhéran, qu’on normalise nos relations. On a quand même accueilli le ministre des Affaires étrangères qui a servi avec zèle un régime qui depuis le début de l’année a assassiné au bas mot 1300 Iraniens, qui en a emprisonné des dizaines de milliers d’autres, et je ne parle que de l’année 2025. C’est sous les pas d’un ministre pareil qu’on a déroulé le tapis rouge…Il existe donc un vrai problème de volonté politique en France.
TJ : Je suis d’accord avec vous, en effet il n’y a plus de volonté et de courage parmi le personnel politique en France, mais cela paraît ne concerner que les rapports de la France avec les pays arabo-musulmans. En effet, quand il s’agit de la Russie et ses 6000 ogives nucléaires, paradoxalement, la France d’Emmanuel Macron joue les matamores…Macron sait parler de l’ingérence russe dans les affaires française, il dénonce l’infiltration russe, mais se tait quand l’ingérence vient de l’Iran ou du Qatar…
GP : Il a peur de la rue musulmane. Il a peur des réactions dans certains nombres de quartiers s’il devait se placer dans une optique de confrontation avec ces pays. Je pense qu’il a été traumatisé par ce qui s’est passé en juin et début juillet 2023, au moment des grandes émeutes en France, lorsque des bâtiments publics ont été détruits dans un grand nombre de quartiers.
J’attendais de la part de l’État une réaction forte. Or, nous n’avons pas tiré les conclusions de ce qui s’est passé. Pour le coup, la responsabilité n’en incombait pas à l’extrême gauche qui était absente de ces émeutes. Nous avons vécu ce que certains observateurs ont appelé une confrontation ethnique, et nous sommes quasiment sûrs aujourd’hui que des États hostiles étaient à la manœuvre dont l’Iran…
Voici une anecdote : la première nuit d’émeute, ici à Chalon – nous avons un réseau de vidéoprotection qu’on a installé depuis une dizaine d’années, il n’y en avait pas avant que j’arrive -, on a donc pu suivre ce qui se passait dans les quartiers d’habitat social où la tension était très forte. Des groupes de jeunes très mobiles restaient calmes quand les voitures de police passaient, mais dès qu’elles étaient passées, ils essayaient de mettre le feu à des poubelles, ils ont même tenté de brûler une bibliothèque de quartier, etc. Le lendemain, je prends la décision d’instaurer un couvre-feu, j’en parle donc au préfet. Ce dernier était là car on avait failli perdre un policier municipal lors d’un refus d’obtempérer : un jeune qui n’avait pas le permis lui avait foncé dessus.
J’annonce donc au préfet que je suis dans l’intention de prendre un arrêté de couvre-feu. Le préfet paraît inquiété par cette perspective et me demande d’attendre les conclusions de la cellule interministérielle de crise, que devait présider l’après-midi même le Président de la République. Je lui réponds alors : « Très bien, de deux choses l’une, ou bien il y a un couvre-feu national, et dans ce cas-là évidemment je retire le mien, mais si Emmanuel Macron ne décide pas d’un couvre-feu national alors je prendrai moi la décision d’un couvre-feu à Chalon .»
Évidemment, Emmanuel Macron n’a pas décidé d’un couvre-feu national alors que c’était l’occasion d’affirmer l’autorité de l’État face aux quartiers qui se rebellaient. J’ai donc décidé de prendre mon arrêté, il était 17 h 00, le couvre-feu commençait à 20 h 00. Eh bien, j’ai créé un rapport de force, et le soir personne n’était dans les rues, je dis bien personne.
Et nous l’avons fait respecter jusqu’au mois de novembre.
Deux conclusions s’imposent : il y a des personnes lâches à la tête de l’État, et si vous instaurez un rapport de force, alors vous serez en capacité de le faire respecter. Les islamistes eux sont dans le rapport de force permanent, nous devons donc en imposer un en notre faveur.
TJ : C’est donc la preuve que même en France, quand on veut on peut, et cela même au niveau local alors que c’est encore plus difficile puisque vous avez moins de moyens que l’État.
GP : Oui. Ce problème de manque de volonté est le premier qui pèse sur la France et qui nous entraîne vers le fond.
TJ : Je reviens à votre rapport : dans un article du journaliste d’investigation Armand Shahbazi, ce dernier écrit que : «L’antisémitisme est le Cheval de Troie du régime des mollahs .» Ajoutant : « (Il) existe une stratégie plus large visant à alimenter l’antisémitisme partout dans le monde, à diaboliser les Juifs et à légitimer un djihad contre Israël (en érigeant cette cause en principe religieux).»
Vous parlez aussi de ce nouveau symbole qui est devenu le signe de tous les radicaux : je parle du drapeau « palestinien » qui est en fait, comme l’explique le géopolitologue franco-libanais Michel Fayad, un drapeau aux couleurs du Califat ! Il a fleuri partout en France et dans tout le monde occidental.
GP : Effectivement, vous pointez un thème qui est au cœur de la stratégie de la convergence des luttes manipulée par Téhéran depuis très longtemps et qui a une actualité débordante depuis le 7 octobre. Ce symbole est en train de fragmenter – et c’est son but – la société française et occidentale. Nous l’expliquons dans l’article que nous avons co-signé avec Mathieu Ghadiri (N.D.A ex-policier et ancien agent infiltré pour le contre-espionnage français au sein des services secrets iraniens) et Emmanuel Razavi : la cause palestinienne est rentrée totalement dans le projet de Khomeiny de pouvoir exporter la révolution djihadiste à l’échelle de toutes les sociétés occidentales. Il avait compris – il en était même un peu jaloux au départ – que Yasser Arafat, malgré le caractère totalement terroriste de ce bonhomme – et qui aurait dû le rendre immédiatement détestable pour l’Occident – était devenu pour l’extrême-gauche européenne une espèce de héros, que la cause qu’il défendait constituait un levier d’action pour faire bouger l’extrême-gauche dans les pays européens et plus largement occidentaux. Il faut savoir que des liens s’étaient noués dès avant que Khomeini prenne le pouvoir dans les années 1970 entre Yasser Arafat et Khomeini, dont le propre fils était allé se former dans la Plaine de la Bekaa au sud Liban dans les centres d’entraînements terroristes que tenaient Yasser Arafat et ses sbires. Yasser Arafat viendra d’ailleurs à Téhéran quelques mois seulement après la prise de pouvoir de Khomeini.
TJ : Il fut le premier invité étranger du nouveau régime.
GP : En effet, et c’était très bien joué de la part de Khomeini qui s’est dit qu’il fallait se saisir de la cause palestinienne et qu’elle serait le ferment qui aiderait à répandre le djihad à la surface de la terre. Cela a fonctionné. Et aujourd’hui on voit l’explosion du drapeau palestinien qui en effet est aux couleurs du Califat. Ce drapeau est celui qui fleurit en France comme ailleurs d’une manière exponentielle jusqu’à d’ailleurs figurer dans des lieux où l’on ne parle absolument pas de la Palestine, par exemple dans des luttes écologistes contre des barrages…
TJ : Dans les manifestations LGBTQ aussi !
GP : Oui. En fait, il est le regroupement de l’islamisme d’un côté et du gauchisme de l’autre. Ce regroupement, ne l’oublions pas a d’abord été théorisé dans des années 1920 en Iran par le parti communiste iranien. C’est lui qui le premier a réfléchi à une alliance avec les religieux pour renverser le pouvoir en place. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé dans les années 1970 à l’encontre du Shah d’Iran, et c’est ce qui est en train de se passer aujourd’hui avec cette convergence des « A » : Anticolonialisme, anti-impérialisme, anticapitalisme et antisionisme, qui cache mal un vrai antisémitisme.
Ce drapeau, je l’ai vu dans ma ville. Dans la nuit du 31 mai au 1er juin derniers, lorsque le PSG (dont on connaît tous les liens avec un État qui nous veut à tous du bien…) gagne la Champions League. Passé le moment de joie bien naturelle dans les rues, on voit subitement arriver des centaines de jeunes venus des quartiers de Chalon-sur-Saône avec des drapeaux palestiniens et qui commencent à taper sur les policiers, à lancer contre eux des mortiers d’artifice, à prendre tout ce qui leur tombait sous la main pour les caillasser, et cela dure deux heures. C’est une émeute de centre-ville, et cela n’est jamais arrivé dans ma ville, dans le centre-ville jamais ! On a entendu : « On veut casser du flic, on déteste la France, etc.» Eh bien, le drapeau palestinien était au cœur du ralliement. Il y avait les meneurs qui l’agitaient pour que les gens se rassemblent afin d’aller à l’assaut des policiers. J’ai donc pris la décision – dont je savais par avance qu’elle risquait de ne pas passer le stade du Tribunal administratif, mais il fallait pourtant agir – de prendre un arrêté qui interdisait l’exhibition et la vente de drapeaux palestiniens dans ma ville. Évidemment, le Comité France-Palestine, La Ligue des droits de l’homme et autres associations d’extrême-gauche m’ont attaqué. Évidemment les juges ont cassé mon arrêté. Nous sommes allés au Conseil d’État qui a fait la même chose. Nous avons certes perdu sur le fond, mais je pense qu’il fallait absolument réveiller l’opinion sur ce sujet. Ce drapeau est le fer de lance des manœuvres d’éclatement de la cohésion nationale française. Il est agité et promu par des puissances hostiles à la France, et évidemment la République islamique d’Iran est la première à le promouvoir. Nous venons de voir dans des manifestations pour la Palestine, dont une qui s’est déroulée très récemment à Paris, une manifestation dite néo-féministe intersectionnelle, wokiste pour le dire vite, nous avons donc vu des activistes distribuer non seulement des drapeaux palestiniens, mais aussi des drapeaux de la République islamique d’Iran. Le forfait est signé ! Le but est de faire éclater la cohésion nationale française. Le drapeau palestinien est un symbole absolument détestable qui devrait être interdit !
TJ : En effet. Un ancien haut responsable du Mossad qui fut le chef d’antenne des services secrets israéliens en Iran m’a même expliqué que l’actuel « Guide suprême » Ali Khamenei était allé lui aussi s’entraîner dans les camps terroristes du Fatah de Yasser Arafat dans les années 1970 dans la Plaine de la Bekaa. On peut dire que même le « Guide » de la République islamique d’Iran est un produit du «Palestinisme».
Comment expliquez-vous ce noyautage aussi efficace dans les banlieues ? Pourquoi les services de renseignement français n’agissent pas plus contre ce phénomène ultra dangereux ?
GP : Les services de renseignement savent, alertent, mais les politiques n’agissent pas. Ils n’ont pas de courage, et donc ils ne prennent pas les décisions qui s’imposent. Oui, les services de renseignement font le boulot, oui ils font remonter les informations au pouvoir, mais le pouvoir n’agit pas. Il est tétanisé par la peur car effectivement, s’il devait agir, il faudrait s’attendre à de grosses secousses en France, mais on ne pourra pas sauver la France sans grosses secousses ! La politique de l’autruche condamne la génération qui vient à ne plus pouvoir agir du tout. Notre génération a encore le pouvoir de le faire ! C’est la mission que nous nous donnons à «France 2050».
Gilles Platret, merci .
Entretien réalisé par Frédéric Sroussi
Notes
¹ Salah Hamouri a été condamné en 2005 en Israël lors d’un procès dans lequel il a plaidé coupable pour complot en vue d’assassiner le Grand rabbin Ovadia Yossef. Il fut libéré lors de l’accord entre Israël et le Hamas de 2011 dans lequel Hamouri, mais aussi Yahia Sinwar furent libérés à la demande du Hamas, ce qui en dit long sur le pédigré de ce terroriste du FPLP

Entretien passionnant et en même temps angoissant, le manque de courage au plus haut niveau et la complicité de l’extrême-gauche avec l’islamisme génocidaire…