Quand la vertu devient une marque déposée
Par Paul Germon – Le Benêt Vertueux, n° 002
(ou le catéchisme de la rage vertueuse)
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Principe : la liberté est la règle, la restriction l’exception
« L’imprimerie et la librairie sont libres. » — Loi du 29 juillet 1881
Autrement dit, tout citoyen peut publier, imprimer, diffuser des opinions ou des informations sans autorisation préalable ni censure.
Mais cette liberté s’accompagne d’une responsabilité pénale : celui qui en abuse répond de ses écrits devant la loi.
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Les limites à la liberté de la presse
La loi énumère de façon précise les infractions à cette liberté :
• Diffamation : accusation mensongère portant atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ou d’un groupe.
• Injure : expression outrageante, terme de mépris, invective.
• Provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination : ajoutée plus tard (lois 1972 et 1990), cette disposition réprime les discours visant un groupe à raison de son origine, sa religion ou son appartenance nationale.
• Apologie de crimes : par exemple, faire l’apologie du terrorisme ou du génocide.
Ces délits ne visent pas à censurer une opinion, mais à protéger les personnes et les groupes contre la calomnie ou la haine.
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Avant 1881 : la presse sous tutelle
Sous Napoléon III, la presse vivait muselée :
• autorisation préalable pour créer un journal ;
• dépôt de caution financière ;
• saisies administratives ;
• poursuites quasi automatiques contre les journaux d’opposition.
Les républicains — Gambetta, Clemenceau, Ferry — voulaient au contraire libérer la parole politique, considérant que la presse était le Parlement du peuple.
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Le miroir magique du pouvoir
Un siècle et demi plus tard, Emmanuel Macron rêve d’un nouveau contrôle : non plus administratif, mais moral.
Son idée ? Labelliser les médias « fiables » en partenariat avec Reporters Sans Frontières, ONG gorgée de subventions publiques et d’indignations sélectives.
Sous couvert de “rétablir la confiance dans l’information”, on invente le miroir magique — celui de la Reine dans Blanche-Neige.
« Miroir, mon beau miroir, quel est le média le plus vertueux du royaume ? »
— « C’est France Inter, Libé et Le Monde, Majesté ! »
Pendant ce temps, la buée recouvre tout ce qui dérange : CNews, un blog libre ou un chroniqueur trop vif.
Le miroir ne reflète plus la réalité : il la corrige.
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Le retour du permis de penser
Ainsi renaît, sous des habits de vertu, le vieux despotisme de la censure préalable.
Ce n’est plus le ministère de l’Intérieur qui saisit les journaux : ce sont les algorithmes, nourris au label RSF, qui décident de ce que tu verras.
La censure n’est plus un couperet : c’est un réglage de luminosité.
Veut-il punir celui qui s’est approprié le vase de Soissons ?
Ou bien nous ramener à Louis XI et Philippe le Bel,
quand la pensée devait courber l’échine devant le trône ?
Fera-t-il embastiller Pascal Praud, Laurence Ferrari et Sonia Mabrouk ?
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Morale de l’histoire
La loi de 1881 protégeait la presse contre l’État.
Le projet Macron-RSF, lui, protège l’État contre la presse.
Le premier faisait confiance au citoyen ; le second se méfie de lui.
Et pendant que le pouvoir se contemple dans son miroir magique,
la vérité, elle, s’efface doucement du reflet.
Il ne manque plus qu’un dernier décret :
la récompense officielle des bons élèves — et des Benêts vertueux.
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© Paul Germon
Le Benêt Vertueux – Décembre 2025
