Tribune Juive

Le benêt vertueux. Par Paul Germon

Le benêt vertueux 

(ou le catéchisme de la rage vertueuse)

par Paul Germon

On appelle ça « l’idiot utile ».

Expression inventée par Lénine, cette expression est fatiguée, usée jusqu’à la corde.

Il est temps d’en changer.

Pourquoi pas le benêt vertueux (le·la benêt·te vertueux·se), toujours prêt·e à avaler n’importe quelle propagande haineuse, pourvu qu’elle se déguise en discours de gauche ?

Il·elle ne lut jamais rien, il·elle partagea tout.

Il·elle ne pensa pas, il·elle s’indigna.

Il·elle prit le vacarme pour du courage et la confusion pour de la bonté.

Feu Stéphane Hessel, sans le vouloir — ou peut-être pas tant que cela —, lui fournit il y a déjà un certain temps son petit bréviaire : Indignez-vous !

Ce mince opuscule devint la Bible de celles et ceux qui préfèrent s’émouvoir que comprendre.

Hessel crut réveiller les consciences ; il réveilla les dogmes.

Il parlait de paix mais réservait l’essentiel de ses flèches à Israël, comme si le seul État juif au monde était responsable de tous les malheurs de la planète.

Sous couvert d’humanisme, il donna à la vieille obsession antijuive une nouvelle respectabilité.

Depuis, le benêt vertueux (le·la benêt·te vertueux·se) prospéra.

Il·elle s’éteignit pour les crimes du Hamas à Gaza sur son peuple, pour le pogrom du 7 octobre, pour le Darfour, pour les femmes iraniennes, pour le Soudan, pour les chrétien·nes d’Orient, pour les massacres des Yazidis, pour l’enlèvement de leurs femmes réduites à l’esclavage sexuel, pour l’Arménie, pour les crimes et les rapts de femmes par Boko Haram ( livre interdit ) — dont la seule appellation devrait les indigner — pour les Ouïgours, pour l’Ukraine, pour les migrant·es africain·es jeté·es en plein Sahara par les régimes algériens et tunisiens sans eau et sans nourriture. pour la répression des Kabyles , pour les otages juifs, pour leur traitement inhumain, pour les femmes juives expulsées des manifestations féministes, pour l’antisémitisme redevenu bruyant et violent, pour les atteintes répétées à la République, à ses symboles, à son autorité et à ses lois, comme il se tut pour le génocide de PolPot ( ou le soutint ) pour le génocide des Tutsis, toujours prompt·es à bénir la haine du moment dès lors qu’elle s’abrite derrière le mot “paix”.

Et pour bien d’autres horreurs encore.

Mais qu’importe : le benêt vertueux (le·la benêt·te vertueux·se) garde ses réserves d’indignation pour Israël.

Qu’on massacre des peuples entiers, il·elle bâille ; qu’un soldat israélien riposte, il·elle hurle.

À la simple évocation du nom d’Israël, il·elle se redresse comme un chien de Pavlov et aboie son indignation à heure fixe.

Et où sont passés Juliette Binoche, Benjamin Biolay, le nouvel expert en prospective politique, Zaho de Sagazan qui attendit 21 mois pour s’émouvoir du 7 octobre, les religieux·ses médiatiques et toutes ces bonnes consciences, ces intellectuel·les américain·es toujours prompt·es à signer des pétitions pour les causes à la mode ?

Disparu·es.

Silencieux·ses.

Sélectivement muet·tes.

Le-la Benet-te eût vécu dans les années trente qu’il·elle aurait sans doute adhéré au Parti national-socialiste, rassuré·e par le mot socialiste, gage à ses yeux de vertu de gauche.

Son drapeau est la bonne conscience.

Son écriture inclusive plus cruciale que le sort des femmes afghanes .

Son carburant, l’ignorance.

Et pendant qu’il·elle parada, la haine, elle, avança — discrète, rajeunie, contagieuse.

Elle est aujourd’hui paroxystique, elle porte le nom d’antisémitisme .

© Paul Germon

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