Prétendu génocide à Gaza : lettre ouverte à Delphine Horvilleur. Par Daniel Horowitz

Au regard des enjeux, l’ambiguïté n’est pas une prudence: c’est une faute

Dans un entretien accordé au Nouvel Obs au sujet de l’usage du terme « génocide » pour qualifier la réponse israélienne au massacre du 7 octobre, vous dites : « Je distingue le nécessaire débat juridique, qui déterminera par la voix de la justice quel nom porte ce qui arrive à Gaza, de l’instrumentalisation symbolique qui en est faite dans le débat public. »¹

Présentée comme une prudence, cette réserve ressemble pourtant à un désengagement : vous vous défaussez sur une instance future de la responsabilité de nommer ce qui se joue, laissant la question en suspens pour ce qui vous concerne. Vous avez pourtant les moyens intellectuels de formuler un jugement éclairé ; il s’agit donc moins d’une inaptitude que d’un choix — une esquive délibérée, un déni méthodique. Or les mots ont un sens. La décence — autant que le bon sens — impose de récuser le terme « génocide » lorsque les conditions de son emploi ne sont pas réunies².

Du côté d’Israël, aucune intention génocidaire n’a jamais été formulée, ni même esquissée. Elle est en revanche revendiquée par le Hamas et ceux qui s’en réclament³. En suspendant votre jugement, vous alimentez une symétrie qui, répétée dans l’espace public, finit par produire une inertie toxique.

Pour comprendre la portée de cette équivoque, il faut replacer le 7 octobre dans le cadre idéologique qui l’a rendu possible. Le Hamas assume un projet visant à la disparition d’Israël et à l’élimination des Juifs qui y vivent. Le 7 octobre fut l’exécution d’un programme longuement conçu — comme en témoigne la complexité du réseau de tunnels sous Gaza: cartes, ordres, objectifs chiffrés, entraînements retrouvés après le massacre attestent d’une planification précise. Le carnage n’était pas une dérive : il en constituait le centre de gravité. Et c’est dans cette finalité que le droit situe l’intention.

Le 7 octobre n’était pas pensé comme une fin, mais comme un catalyseur. Le Hamas comptait entraîner dans son sillage des acteurs régionaux — Hezbollah, milices chiites en Syrie et en Irak, Houthis au Yémen, Iran — nourris d’une même matrice idéologique⁶. Leur horizon commun : l’effacement d’Israël et de ses Juifs. L’attaque devait servir de modèle, de matrice reproductible à l’échelle du pays. L’intention génocidaire réside dans cette projection, cette systématicité, ce potentiel d’expansion.

Rien de tel — absolument rien — n’apparaît du côté israélien.

Face à une accusation aussi grave que celle de génocide, vous refusez de dire qu’elle est infondée, contribuant ainsi à semer un doute délétère. La position du président Macron, dont vous reprenez peut-être la pusillanimité, illustre ce glissement : « Ce n’est pas à un responsable politique d’employer les termes de génocide ou d’épuration ethnique, ce sont aux historiens, le moment venu. »⁷ Une tartufferie qui permet de contourner le réel.

Ce qui frappe dans votre frilosité, c’est cette mécanique qui, au nom d’une éthique désincarnée, préfère suspendre le jugement plutôt que de dire vrai. Un réflexe répandu dans les milieux que vous fréquentez, là où se fabrique la doxa qui vous inspire. Ce courant, dont vous êtes l’une des voix, entretient une imposture où la critique d’Israël se mue en moraline.

En adoptant cette ligne, vous renoncez à ce qui devrait fonder votre engagement : l’exigence de vérité, et aussi la solidarité que les Juifs du monde entier doivent à Israël au regard de la Loi du Retour. Un tel renoncement brouille la frontière entre examen et amalgame, prudence et indécision, justice et insinuation.

Au regard des enjeux, l’ambiguïté n’est pas une prudence : c’est une faute.

© Daniel Horowitz

Daniel Horowitz est essayiste, auteur de Leibowitz ou l’absence de Dieu

Blog : https://danielhorowitz.com/blog/


Notes

  1. Entretien avec Delphine Horvilleur, Libération, citation extraite de l’échange consacré à l’usage du terme « génocide » pour Gaza.
  2. Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (ONU, 1948), article II.
  3. Charte du Hamas (1988) ; Document politique de 2017 ; déclarations publiques de dirigeants du mouvement reprises par divers observateurs (Human Rights Watch, MEMRI, etc.).
  4. Ibid. ; analyses académiques et rapports d’organismes spécialisés sur les objectifs déclarés du Hamas (par ex. International Crisis Group, 2021).
  5. Rapports de Tsahal publiés depuis 2014 ; analyses indépendantes (RAND Corporation, 2015–2023) ; documentation médiatique internationale sur les infrastructures souterraines de Gaza.
  6. Études géopolitiques sur les réseaux d’alliances régionaux (International Crisis Group, Washington Institute, ICCT), décrivant les liens opérationnels ou idéologiques entre Hamas, Hezbollah, Houthis et milices chiites pro-iraniennes.
  7. Déclaration d’Emmanuel Macron dans l’entretien accordé à Brut (15 novembre 2023).

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11 Comments

  1. Pourquoi le fait que les événements du 7 octobre pourraient être qualifiés de génocide empêcherait-il la réponse d’en être un également ?
    S’agit-il de l’intention, qui selon vous ferait défaut ?
    Une conclusion a minima très discutable lorsqu’on écoute les déclarations de ces dernieres annee de Smotrich ou Ben-Gvir…

    Mais même en admettant que vous ayez raison, il resterait alors les crimes contre l’humanité ou le nettoyage ethnique.
    Un détail de l’Histoire, diriez-vous ?

  2. MME la RABBINE, vous pensez tout comprendre et vous vous permettez de critiquer ISRAEL , alors que c’est une guerre de l’obscurantisme de l’islamisme contre les juifs .le HAMAS voulait nous ERADIQUER de notre terre ancestrale. Les d’otages ont racontés avoir été gardés, affamés et maltraité par la populations palestinienne .Donc, dans ce conteste Mme la rabbine comment faire le tri quand les tueurs sanguinaires se cachent dans leur famille
    les Israéliens ont répondu en se defendant contre des sanguinaires qui ont violés , tués , brulés nos frères et sœurs de tous ages et nous devons les remercier d’avoir défendu la terre de tous les juifs car ils ont perdu beaucoup de jeunes soldats qui pourraient être nos enfants , nos maris .

  3. j’avoue avoir été surprise par la « frilosité » de D.Horwilleur concernant le fait de ne pas dénoncer cette condamnation de « génocide », de galvauder ce terme bien précis dans son acception juridique , et qui ne souffre pas d’être ainsi trahi . Subit-elle des pressions?

  4. Elle a eu de la chance de ne pas se trouver dans une ville frontalière de Gaza avec les israéliens de tous bords politiques qui ont été massacrés etc…le 7 octobre, son jugement aurait été tout autre comme beaucoup de juifs qui étaient pour la paix avec ces sauvages.

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