
À Gaza, le Hamas reste majoritaire. Ce n’est pas seulement un groupe armé, mais un mouvement politique et idéologique qui inclut des combattants, des non-combattants et des membres non armés. Les sondages montrent qu’une part importante de la population soutient le Hamas, tant pour sa dimension militaire que politique. Ce soutien est renforcé par son rôle dans la gouvernance locale et son image de résistance face à l’occupation et au blocus. La mise en place d’un comité technocratique, comme proposé dans le plan de Trump, paraît très improbable pour écarter le Hamas. Le mouvement est trop enraciné dans la société gazaouie, il incarne une légitimité politique réelle et un lien profond avec la population. Toute structure de gouvernement qui voudrait exclure le Hamas serait difficile à imposer et risquerait de manquer de légitimité auprès des habitants.
Il est peu probable que le plan de Trump ignore la réalité du poids du Hamas à Gaza. S’il ne prévoit pas clairement d’écarter le mouvement, ce serait comparable à créer un comité en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale en y incluant des pro-nazis. Une telle structure ne pourrait pas être considérée comme légitime ni crédible. Le fait que le Hamas soit maintenu dans la gouvernance locale rendrait la technocratie difficile à accepter, car elle ne rompt pas avec les forces politiques qui dominent sur le terrain. Ignorer cette dimension reviendrait à perpétuer un statu quo qui rend toute solution durable impossible.
Les partisans du Hamas ne lâcheront pas facilement leurs positions acquises après des années de contrôle politique et social à Gaza. Leur ancrage dans la population, leur réseau local et leur influence idéologique leur donnent les moyens de résister à toute tentative d’exclusion. Il est probable qu’ils chercheront à déstabiliser toute structure technocratique qui ne leur serait pas favorable, que ce soit par des actions politiques, sociales, voire par la force. Leur maintien au pouvoir ou leur influence indirecte leur paraît essentiel pour conserver leur légitimité et leur contrôle sur le territoire. Toute tentative de marginalisation risque donc de provoquer des tensions et des conflits internes, rendant fragile et instable toute nouvelle gouvernance imposée de l’extérieur.
Pour que ce plan aboutisse réellement à la paix, il faudrait effectivement écarter tous les partisans du Hamas, qui représentent des centaines de milliers de personnes à Gaza. Le plan prévoit un désarmement du mouvement, mais même désarmé, le Hamas conserve une base sociale, politique et idéologique capable de mener des actions de déstabilisation. Ces actions pourraient prendre plusieurs formes : mobilisation populaire contre la nouvelle administration, manifestations de masse, grèves générales, blocages économiques, sabotages ciblés d’infrastructures essentielles, campagnes de désinformation pour miner la confiance dans la technocratie. Sur le plan sécuritaire, des attaques sporadiques ou des violences ciblées contre des représentants du nouveau pouvoir pourraient maintenir un climat d’instabilité. La déstabilisation peut aussi passer par l’infiltration des structures de gouvernance, influençant les décisions de l’intérieur. Tout cela rendra le maintien d’un ordre stable très fragile, car la contestation ne s’efface pas avec la seule dépossession des armes.
Le plan semble ignorer une réalité anthropologique profonde : la fragmentation en clans, la force organisée du Hamas, et le nombre extrêmement élevé de militants et fanatiques présents à Gaza. Ces facteurs rendent toute tentative d’imposition extérieure d’un ordre technocratique particulièrement fragile. Les divisions internes, les rivalités entre factions, ainsi que l’importance du lien communautaire et idéologique sont souvent sous-estimées, voire complètement oubliées dans ce type de projet. En outre, ces plans négligent systématiquement la multiplicité des imprévus qui surgiront inévitablement — résistances locales, réactions en chaîne, alliances inattendues, violences spontanées — autant d’éléments qui peuvent rapidement faire échouer toute tentative de gouvernance imposée. Cette cécité face à la complexité réelle du terrain condamne souvent ces plans à l’échec ou à des résultats très éloignés des objectifs affichés. Le fanatisme à Gaza est extrêmement élevé et ancré profondément dans la société. Dès le plus jeune âge, des enfants
sont endoctrinés, exposés à une idéologie radicale qui façonne leur vision du monde et leur rapport à la violence. Ce conditionnement fait que le fanatisme ne se limite pas à une minorité isolée, mais touche toute une génération. Pour espérer un changement réel, il faudra mettre en place un plan de rééducation long et structuré, ciblant ces enfants et adolescents. Un fanatique agit toujours en fonction de ses convictions profondes, souvent au-delà de toute logique rationnelle. Il n’y a donc aucune raison que ce fanatisme disparaisse spontanément ou rapidement. Au contraire, même si un affaiblissement est possible, il prendra des années, voire des décennies, avant que l’impact de cet endoctrinement se dissipe vraiment.
Très souvent, les plans conçus par des Occidentaux pour transformer des populations du monde arabo-musulman en démocraties sont voués à l’échec. Ces sociétés ont des codes, des principes et des valeurs souvent profondément opposés à ceux de l’Occident. À Gaza, ce refus est doublé d’un anti-occidentalisme radical et d’une haine marquée envers l’Amérique et Israël. De nombreux témoignages et études montrent qu’une large part de la population soutient ou célèbre des événements comme l’attentat du 11 septembre 2001, signe d’une hostilité enracinée. Cet anti- américanisme ne disparaîtra pas facilement, au contraire, il risque de se radicaliser face à toute tentative d’imposer un plan venu de l’Occident. Pour beaucoup de musulmans à Gaza, Israël est perçu comme une « erreur » historique à corriger, une terre qui ne peut et ne doit pas être judaïsée. Cette conviction est fondamentale et non négociable.
Dès lors, comment imaginer une coexistence pacifiée ou une gouvernance stable imposée sans tenir compte de ces réalités ? Le défi est immense, et toute solution qui ferait abstraction de cette opposition profonde est condamnée à l’échec. Il est donc tout à fait normal d’être sceptique, voire réticent, face à ce plan qui peut sembler séduisant sur le papier par son aspect technocratique et bureaucratique. Il existe une différence fondamentale entre l’idéal que ce type de projet cherche à incarner — ordre, paix, rationalité — et la réalité triviale, complexe, violente et enracinée sur le terrain. Penser qu’un simple comité ou une administration peut transformer en quelques années une société marquée par des décennies de conflits, de divisions, de fanatisme et d’hostilités est naïf. La mise en œuvre d’une telle vision demande non seulement du temps, mais surtout une prise en compte profonde des dynamiques humaines, culturelles et politiques. Sans cette conscience, le risque est grand que le projet se heurte rapidement à l’inertie, aux résistances et aux fractures, rendant tout progrès durable très incertain.
Aussi, quand une technocratie externe est mise en place dans un environnement où existe un mouvement idéologique structuré, enraciné et soutenu par une large partie de la population — comme le Hamas à Gaza — plusieurs mécanismes peuvent permettre à ce mouvement de réinvestir, infiltrer ou dominer la nouvelle structure, même si celle-ci est censée l’écarter. Il y a donc une possibilité très réaliste que la technocratie mise en place à Gaza soit rapidement absorbée par le Hamas idéologique. Une fois reconnue par les États-Unis, les pays arabes et les institutions internationales, cette technocratie possédera une légitimité juridique que le Hamas pourra exploiter. Le comité n’aura aucune base populaire, aucun ancrage local, aucune capacité à gouverner sans l’accord implicite des clans, des réseaux religieux et des structures communautaires que le Hamas contrôle. Le mouvement possède des milliers de cadres formés, présents dans les écoles, les associations, les mosquées, les structures sociales et les administrations locales. Ils pourront s’intégrer dans la nouvelle gouvernance sous couvert de compétences techniques ou d’expertise locale. Cette infiltration progressive permettra au Hamas d’influencer les décisions, de contrôler les ressources, de bloquer les initiatives défavorables et de renforcer ses positions au sein même d’une administration censée l’écarter. Le résultat possible est un paradoxe : un Hamas officiellement désarmé mais politiquement plus fort, bénéficiant d’un cadre institutionnel internationalement reconnu pour consolider son pouvoir idéologique.
Ce scénario est parfaitement plausible, et il correspond à des dynamiques politiques déjà observées ailleurs. Quand une structure technocratique est imposée de l’extérieur, elle est rarement capable de contrôler le terrain réel, qui reste dominé par ceux qui ont les réseaux, les armes, l’argent, la légitimité interne et la capacité d’intimidation. Le Hamas remplit tous ces critères. Dans plusieurs contextes — Irak post-2003, Liban avec le Hezbollah, Afghanistan avec les talibans infiltrant l’administration entre 2010 et 2021 — on a vu des organisations idéologiques s’installer progressivement dans les interstices du pouvoir « officiel » jusqu’à le subordonner, voire le neutraliser. À Gaza, la combinaison d’un appareil technocratique fragile, d’une population largement favorable au Hamas ou intimidée par lui, d’un écosystème social structuré par des familles, clans et factions armées, et de l’absence d’une force de sécurité alternative solide rend cette logique encore plus probable. Une fois la technocratie reconnue juridiquement par les États étrangers, elle offre une façade institutionnelle qui facilite l’infiltration : postes clés contrôlés par des proches, influence sur les décisions budgétaires, pression sur les ministères, menaces sur les fonctionnaires, récupération du système social et humanitaire. Le résultat final serait un Hamas discrètement renforcé, utilisant la légitimité internationale de la nouvelle structure pour consolider son contrôle idéologique et organisationnel, tout en échappant aux responsabilités formelles.
On pourrait alors se retrouver avec une autorité reconnue par les pays occidentaux, tandis que le véritable pouvoir effectif serait exercé par le mouvement islamiste en arrière-plan, avec encore plus de marge de manœuvre que par le passé. Autrement dit : ce scénario n’a rien d’irréaliste, et fait partie des dynamiques politiques déjà observées dans d’autres contextes où un mouvement idéologique profondément enraciné est censé être « remplacé » par une structure institutionnelle extérieure et fragile.
© Nicolas Carras
Nicolas Carras est Créateur (vidéo – son – photo), artiste, poète

Gaza est une ville Israélienne alors dés que possible la reconstruire pour reloger les israeliens qui n’ont plus de maison,planter des arbres faire pousser des fleurs,tout construire . Vive Israel !