Ce que le rejet « tsunamique » du budget révèle de la faillite politique française. Par Jean Mizrahi

La scène aurait presque quelque chose de burlesque si elle ne révélait pas, crûment, la ruine de notre système politique : en laissant les députés voter librement, point par point, le budget de l’État — sans recourir au 49.3 — le Premier ministre leur offrait l’occasion de montrer leur sens des responsabilités. Ils ont préféré donner naissance à un budget « Frankenstein », fruit d’une surenchère de démagogie, un mélange incohérent de taxes, de dépenses et d’idéologies étriquées… pour finalement rejeter, tous ensemble ou presque, la créature dont ils sont les auteurs.

Première leçon : la politique politicienne a remplacé l’intérêt national.

Depuis des semaines, tout a été bon pour flatter une clientèle électorale ou se draper dans des postures idéologiques. Ce qui frappe — et accable — c’est l’abîme qui sépare ces élus du réel. Ils ne représentent plus leurs mandants : ils jouent avec la chose publique, se donnent en spectacle, et transforment l’Assemblée en théâtre d’ombres narcissiques.

Deuxième leçon : une immaturité collective confondante.

L’hémicycle reflétait pourtant, pour une fois, la fragmentation du pays : presque un système proportionnel en miniature. Mais au lieu de saisir l’occasion pour travailler, sérieusement, aux mesures indispensables au redressement national — alors que les déficits explosent, que le modèle social s’effondre et que l’industrie décline — ils ont préféré les gesticulations, les invectives et le bruit. Le semblant de pluralisme n’a produit qu’un carnaval stérile.

Troisième leçon : l’effacement du sentiment national.

D’autres nations vivent très bien avec la proportionnelle, parce qu’elles placent au-dessus de tout l’intérêt supérieur de la nation et la recherche du compromis. En France, la dispute est devenue un réflexe pavlovien. Personne ne veut regarder en face les évidences — système de retraites en faillite, État-providence à bout de souffle — par peur de la sanction électorale. Le seul consensus véritable : dépenser plus et ne jamais rendre de comptes.

Nous assistons, médusés, au retour de ce que De Gaulle détestait le plus : le régime des partis. Et Macron, en renonçant à la verticalité de la Ve République et en livrant les clés aux appareils partisans, n’a fait qu’aggraver la déconstruction progressives des institutions depuis l’instauration du quinquennat aligné sur les législatives. Les partis règnent — mais sans la proportionnelle authentique qui permettrait au moins d’exprimer fidèlement la diversité du pays.

La France s’effondre sous nos yeux. Pourtant, de ce naufrage peut naître un renouveau — à condition d’avoir enfin le courage de changer de Constitution et de sortir de cette démocratie d’apparence, confisquée par des organisations partisanes obsédées par la chasse aux voix. Une nouvelle Constitution devrait reposer sur quelques principes simples et puissants :

1. La proportionnelle intégrale, pour que toutes les sensibilités du pays, même minoritaires, soient représentées. Il est sain que les 3% du pays qui ont une vision avancée ait le droit de dire tout haut ce qui doit être fait, sans le barrage de médias muselés par leurs propriétaires ou de réseaux sociaux distordus par leurs algorithmes.

2. Le référendum obligatoire et l’initiative populaire, sur le modèle suisse, afin de rendre aux citoyens la maîtrise de leur destin et leur permettre de se sentir concernés par l’avenir du pays.

3. Une vraie décentralisation, non vers les Régions tentées de singer l’État central, mais vers les Départements réorganisés autour de logiques locales cohérentes.

4. Le mandat unique pour les fonctions clés : Président, députés, sénateurs. La politique doit redevenir un service, et non plus une carrière.

5. La simplification des lois et règlements comme obligation constitutionnelle, pour mettre fin à l’inflation normative qui étouffe citoyens et entreprises.

6. Un service national d’un à deux ans, afin de restaurer le sens du devoir collectif face aux menaces économiques, militaires et sociétales.

7. La fin du pouvoir démesuré des juges administratifs et politiques, en ramenant Conseil d’État et Conseil constitutionnel à leurs fonctions originelles.

Croire que la France pourra se relever sans changer de régime est une illusion confortable. Le système produit mécaniquement ses propres dérives : démagogie, irresponsabilité, paralysie.

Si nous refusons de renverser la table, rien ne changera. Le pays continuera de s’enfoncer, prisonnier d’une caste politique professionnelle qui dépense sans compter pour acheter des suffrages. La seule issue, c’est de déprofessionnaliser la politique, et de refonder les institutions pour qu’elles servent enfin la nation et non ceux qui en vivent.

© Jean Mizrahi

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2 Comments

  1. Pratiquement « renverser la table  » oui mais comment aujourd’hui ? De nouvelles élections ? Ok, et le fauteur des troubles ne veut pas abdiquer, il ne veut pas partir, pire il veut perdurer… Que faire? des manifs? Non rien ne l’ébranlera, Une prise de pouvoir par la force ? Pas folle la guêpe, Il a déjà placé son pion, un ami sûr en qui il a toute confiance; alors, qui ou quoi pour renverser la table ? Et c’est une bonne question.
    Même dans le petit livre de poche » Stratagèmes, éditions des Mille et une nuits, de Polyen, les milliers de fourberies, complots, traquenards, des hommes politiques avides de pouvoir et d’ignominies, nous laisse sur notre faim et nous sommes condamnés à boire le calice jusqu’à la lie.

  2. D’accord pour tout ce qui est écrit dans ce texte SAUF:
    La proportionnelle intégrale
    Le pire de tous les systèmes .
    Et qui en a fait la démonstration jusqu’à l’absurde ?
    C’est tout simplement Israël.
    Depuis la création de l’Etat la proportionnelle intégrale rend le pays quasiment ingouvernable , le sommet dans cette folie ayant été atteint dans la séquence d’élections à répétition qui a aboutit a la coalition mise sur pied par Benett et Lapid avec Mansour Abbas .
    On pensait que le système français (scrutin par circonscription à 2 tours) nous mettait à l’abri de cette folie mais Macron nous a démontré le contraire.
    Le système français actuel ne garantit pas l’obtention d’une majorité de gouvernement puisque la situation actuelle reproduit le résultat que donne la proportionnelle intégrale.
    Et Le système français actuel ne permet pas de se débarrasser d’un président calamitesque , installé dans une forteresse constitutionnelle inexpugnable , dépourvu de la possibilité de gouverner valablement mais conservant tous ses pouvoirs de nuisance.
    Il faut donc réformer le système avec 2 lignes directrices (non exclusives)
    -Surtout pas la proportionnelle intégrale.(Mais y a t il de par le monde un système qui soit fidèlement représentatif et en même temps capable de produire à tous les coups une majorité de gouvernement ?)
    -L’extension du domaine du référendum (à l’initiative du pouvoir exécutif ET aussi du Peuple )en transposant le système Suisse en France et en mettant des garde-fous protecteurs pour lui conserver son caractère solennel pour lui éviter des dérives loufoques (telles qu’on a pu les observer en Italie)

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