Dans la société palestinienne, l’extrémisme est le courant dominant. Par Ahmed Al-Khalidi

L’asymétrie que vous refusez tous de voir (I )

Il n’y a pas 2 nations prises en otage par des radicaux, tandis que la « majorité normale » silencieuse veut soi-disant simplement la paix

J’en ai assez d’entendre les gens dire que « les deux camps sont dirigés par des extrémistes », comme si ce conflit était une sorte de reflet de deux nations prises en otage par des radicaux, tandis que la « majorité normale » silencieuse des deux camps veut soi-disant simplement la paix. Ce n’est pas seulement faux, c’est dangereusement naïf.

Commençons par nous, les Palestiniens.

Seule une poignée d’entre nous est prête à affirmer haut et fort que le droit au retour – l’idée que des millions d’entre nous « retourneront » un jour vivre en Israël – est une illusion. Ce n’est pas seulement irréaliste ; c’est ce qui maintient des générations prisonnières du ressentiment au lieu de construire un avenir là où nous sommes.

Mais voici la vérité dérangeante : ce n’est pas une croyance marginale. C’est un consensus. Demandez à n’importe qui – instruit ou pauvre, laïc ou religieux – et il vous dira : « Bien sûr que nous retournerons sur nos terres ». Il ne s’agit pas d’extrémisme marginal, mais de la pensée dominante.

Regardons maintenant Israël.

Prenons les politiciens les plus à droite : Ben Gvir, Smotrich et d’autres qui rêvent d’un « Grand Israël » sans Arabes. Leurs partisans représentent peut-être 10 à 18 % des Israéliens. Il ne s’agit pas d’un consensus. C’est une minorité politique et non l’âme du pays.

C’est l’asymétrie que les gens refusent de voir.

D’un côté, une société où des objectifs extrêmes comme « retourner à Haïfa et Jaffa » sont considérés comme une vérité sacrée. De l’autre, une société où les objectifs extrêmes comme « expulser tous les Arabes » sont rejetés par la majorité.

Avant de parler de « solutions », comprenez ceci : vous ne pouvez pas résoudre ce que vous refusez de voir clairement. Le problème n’est pas « deux extrémistes qui prennent tout le monde en otage ». C’est que dans notre société, l’extrémisme est le courant dominant, et tant que nous ne l’affronterons pas, nous continuerons à confondre l’autodestruction avec la dignité.

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Notre libération ne viendra pas du déni de la leur (2 )

En tant que Palestinien qui refuse de répéter les mensonges de nos dirigeants, je dois le dire sans détour : dire aux Juifs Mizrahi – Juifs d’Irak, du Yémen, d’Égypte, du Maroc, de Syrie et du reste du monde arabe – qu’ils nous font subir un « nettoyage ethnique » est le coup de massue du siècle. Commençons par les faits. Les Juifs mizrahim ne sont pas « venus d’Europe ». Ils ont vécu au Moyen-Orient pendant des milliers d’années, bien avant l’islam, bien avant la conquête arabe, bien avant tout État moderne. Leurs ancêtres parlaient le même hébreu ancien que celui mentionné dans les récits du Coran, ils priaient tournés vers Jérusalem, et leurs communautés à Babylone, Damas et Sanaa existaient depuis plus de 2 500 ans. Ils sont aussi indigènes à cette région que les oliviers, aussi originaires du Moyen-Orient que nous. Lorsque les États arabes se sont retournés contre eux au XXe siècle, après la création d’Israël, ils ont subi un nettoyage ethnique : maisons pillées, commerces saisis, citoyenneté révoquée, synagogues incendiées, lynchages. Près d’un million de Juifs ont été expulsés des terres arabes. La plupart ont fui vers Israël sans rien. Et aujourd’hui, des décennies plus tard, nos dirigeants osent les qualifier de colonisateurs. Ces mêmes familles chassées de Bagdad, d’Alep et de Tripoli, qui ont reconstruit leur vie dans des camps de réfugiés en Israël, sont accusées d’avoir commis le même crime qu’elles. Ce n’est pas seulement de l’hypocrisie, c’est de l’amnésie historique. Si nous voulons vraiment la justice, nous devons cesser de manipuler nos voisins et commencer à reconnaître que leur histoire est également celle du Moyen-Orient. Notre libération ne viendra pas du déni de la leur.

© Ahmed Al-Khalidi

Ahmed Al-Khalidi, Palestinien pragmatique, critique du Hamas et du leadership palestinien pour leur rôle dans la perpétuation du conflit, plaide pour une reconnaissance mutuelle des droits à l’autodétermination d’Israël et de la Palestine, insistant sur l’asymétrie des extrémismes où l’idéologie du retour absolu reste un consensus palestinien mainstream.

À visionner, sous-titres compris: « Liesse à Gaza ». Fin de l’histoire? Vraiment?

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6 Comments

  1. Intéressante et très instructrice séquence que cette vision des « rescapés du génocide », cette « population visiblement très affamée » par le siège qu’elle a subi.

  2. Pour un peuple « génocidé », ils se portent plutôt pas mal ! Pardon pour le cynisme, mais j’ai les images de victimes de famines, des vraies, en Afrique notamment, elles font beaucoup moins la fête ! A part ça, oui, cela fait plaisir de lire les paroles d’un palestinien raisonnable. Ceci dit, je n’aime pas la différence qu’il a l’air de faire entre Sépharades et Ashkénazes. Le peuple juif dans toutes ses composantes est chez lui sur la terre d’Israël. Depuis des milliers d’années et pour toujours.

  3. C’est vrai que pour un peuple affamé et accablé par un génocide, il semble se porter plutôt bien et tant mieux pour eux, je voudrais qu’il en soit de même pour les 20 otages qui sont attendus en Israel.Je suis allée pour la première fois en eretz dans les années 80,il y avait à l’époque de fortes tensions entre achkenazim et sepharadim.Mes amis qui venaient du Maroc m’ont expliqué que c’est le service militaire qui les a rapprochés, parce que au début, ils se battaient .il y avait un peu de jalousie, l’achkénaze ayant la réputation d’être plus lettré…je suis achkénaze et je n’ai aucune prétention….ou si peu(je plaisante) depuis les deux communautés, trés différentes, se sont rapprochées, se mariant entre elles.Il reste toutefois encore un petit quelque chose que j’ai constaté lors de mon dernier séjour quand j’ai dit en parlant d’une mariée, qu’elle était jolie ce à quoi ma trés chére amie qui vit là-bas m’a dit ;tais-toi, c’est une marocaine.

  4. Il n’y a pas de sous titre en français
    Or Il faudrait traduire leurs hurlements car tout le monde n’est pas censé les comprendre .
    Khaybar al yahoud hurlent ils .
    Khaybar pour les juifs
    Fait référence à la bataille de Khaybar ou Mahomet à massacré tous les juifs de l’oasis de Khaybar.

  5. Ah ok, on pourrait donc se prétendre « indigène » d’un pays en se proclamant être le descendant d’hypothétiques ancêtres nés il y a plus d’un millénaire.
    Un gros un privilège d’indigénat perpétuel, excusez du peu.
    Et tant pis pour les populations qui aurait eu la mauvaise idée de prendre souche sur ces terres entre temps : il y a un écriteau « Réservé pour l’éternité ».
    Avec un tel raisonnement égocentré, on réalise l’ampleur du déni dans la société israélienne.

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