Nataneli Lizee. Affaire Enthoven: « Quand le pouvoir commence à trier les voix, il commence toujours par les Juifs »

Nataneli Lizee

« Quand le pouvoir commence à trier les voix,

il commence toujours par les Juifs »

En 2025, à Besançon, un auteur n’a pas été jugé pour son livre, mais pour son identité : ce glissement annonce des renoncements dont l’Histoire a déjà payé le prix.

À Besançon, ce n’est pas seulement un nom qu’on a rayé d’une affiche : c’est une voix française qu’on a proscrite, un écrivain venu livrer l’offrande la plus intime – le récit d’une mère – et que la section locale du PCF a jugé indésirable. Non pour l’ouvrage qu’il portait, mais pour quelques mots jetés sur un réseau social, déclarés « inadmissibles » par la majorité communiste. Et voilà qu’en 2025, dans une ville française, on bannit un auteur d’un salon littéraire, au nom d’une paix à géométrie variable… au nom d’une guerre qui se déroule à des milliers de kilomètres… au nom d’un conflit qui échappe même aux experts. Ainsi, au nom de causes lointaines, on réduit au silence une voix proche, une voix singulière, une voix d’homme et de fils.

Il faut mesurer le poids de cette dérive. Que l’on aime ou non Raphaël Enthoven, que l’on goûte ou non son style, que l’on partage ou non ses positions, la question n’est pas là. La question est de principe. Car enfin, nous avons toléré Soral et ses outrances, Dieudonné et ses dérives, des chanteurs crachant sur la République au nom de leur rébellion. La liberté, c’est cela : accueillir la parole qui choque, la parole qui blesse, la parole que l’on récuse. Mais à Besançon, ce principe fut foulé aux pieds.

On dira : « Ce n’est pas parce qu’il est juif, c’est à cause de ses propos. » Mais l’argument s’effondre aussitôt. Enthoven n’était pas invité pour commenter Gaza ni pour défendre un gouvernement : il venait présenter un livre de mémoire, un récit d’intime. Et c’est ce livre, c’est cette parole de fils qu’on lui a refusé de porter. Quand un auteur est écarté non pour l’objet de sa venue mais pour des paroles prononcées ailleurs, on ne juge plus une œuvre, on juge une identité. Et le piège se referme : le Juif n’est plus un individu, il devient suspect par essence, comptable d’un tout.

Et quelle contradiction ! Où étaient les cris d’orfraie lorsque Céline fut réédité ? Où étaient les foudres vertueuses quand Mein Kampf reparut, bardé d’appareils critiques ? Nous avons toléré la voix des morts, même les plus fielleux, même les plus criminels. Et nous prétendons bâillonner un vivant qui parle de sa mère ! La France serait assez forte pour supporter Hitler en librairie, mais trop fragile pour accueillir Enthoven dans un salon ? Voilà l’injustice nue, voilà l’hypocrisie éclatante.

Raphaël Enthoven
Aujourd’hui c’est un écrivain juif qu’on bannit d’un salon

Ce qui glace, ce n’est pas seulement la décision, c’est le silence. Silence des éditeurs, silence des écrivains, silence des institutions. Ce silence-là, plus lourd que la censure, pèse comme une abdication. Car ce n’est pas seulement un auteur qu’on a chassé : c’est la République qu’on a humiliée, c’est l’esprit français qu’on a souillé.

Alors j’interpelle : Que vaut une République qui choisit ses auteurs comme on choisit ses hôtes dociles ? Que vaut une littérature qui plie devant l’arbitraire des élus – le PCF de Besançon, en l’occurrence ? Aujourd’hui, c’est un écrivain juif qu’on bannit d’un salon. Demain, ce sera un autre. Et l’histoire, mille fois, nous l’a crié : lorsque le pouvoir commence à trier les voix, il commence toujours par eux.

Il faut le dire avec gravité, avec ferveur, avec l’urgence brûlante de notre mémoire : à Besançon, ce n’est pas seulement un philosophe qu’on a exclu, c’est une liberté qu’on a profanée, c’est la République qu’on a abaissée, c’est l’avenir commun qu’on a compromis. Et tant que nous garderons le silence, tant que nous baisserons les yeux, tant que nous détournerons la tête, nous serons complices de ce renoncement.

© Nataneli Lizee

Nataneli Lizee est journaliste et Correspondante de Presse

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3 Comments

  1. Comme le rappelait récemment Georges Bensoussan en citant Orwell : la gauche est bien « anti-fasciste », mais elle n’est pas du tout « anti-totalitaire ». Appeler au boycott, et surtout quand il s’agit d’un écrivain, d’un livre, d’un film, etc… relève absolument d’une volonté et d’un comportement totalitaires

  2. Le PCF, comme l’ ensemble de la gauche, ne pense qu’ aux voix susceptibles d’ être gagnées du côté d’ électeurs issus de la civilisation musulmane. Le reste ne les intéresse pas.

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