Syrie, affrontements entre djihadistes et Druzes : spontanés ou provoqués -2ème partie (mise à jour). Par Hagay Sobol

Malgré un cessez-le feu, entre Druzes et tribus Bédouines, la situation reste très volatile. Des indices orientent vers une intervention extérieure.

Malgré l’instauration d’un cessez le feu, la situation sur le terrain reste volatile, les informations fragmentées et contradictoires. Sur les vidéos, on peut voir le retour de patrouilles Druzes à Soueïda acclamées par la population, après le retrait des djihadistes arabes à la demande de Damas, et des scènes de massacres dont s’accusent mutuellement les différentes parties. Les forces gouvernementales assumeraient désormais un rôle d’interposition.  

Une attaque contre les Druzes qui n’a rien de spontané ?

Certains éléments non disponibles initialement éclairent d’un jour nouveau les évènements récents. Attribués à des échauffourées localisées entre Bédouins et Druzes, la mobilisation qui a suivi, en particulier à la frontière avec la Turquie, n’a rien de spontané. Des bus affrétés par des compagnies au logo turque et des camions, à grand renfort de nourriture, ont dirigé vers Damas et Soueïda ce que l’on a nommé les « forces tribales bédouines ». Cette logistique et la discipline dont font preuve les « Bédouins » fait plus penser à une armée entrainée qu’à des regroupements de fortune. 

Certains avancent un calcul du président par intérim, al-Julani, pour désarmer et forcer à l’intégration les Druzes dans son projet syrien, d’autres y voient une manipulation extérieure.

Peu d’éléments plaident en faveur de la première hypothèse. Le « nouveau maître » de la Syrie sort affaibli de la confrontation qui a vu l’intervention d’Israël pour défendre les Druzes, et démontré son peu de contrôle sur les autres groupes armés. En réalité, il est minoritaire et si la situation dérape il n’aura pas les moyens de l’enrayer. 

Ensuite, le terme de « forces tribales » est suffisamment imprécis pour ne désigner aucun responsable ni commanditaire. Il est plus probable qu’ils s’agissent de mercenaires agissant pour le compte d’un tiers, rendant difficile toute représailles.

Israël confronté à des choix difficiles

Israël est pris entre plusieurs feux. Tout d’abord, le besoin impératif de sécuriser sa frontière du danger djihadiste. Ensuite protéger les Druzes syriens proches de leurs frères israéliens très bien intégrés et occupant des postes de décision dans Tsahal. 

De plus, il existe une importante communauté Bédouine également représentée dans l’armée israélienne. Contrairement aux Druzes, les liens entre les tribus bédouines du Moyen-Orient sont plus complexes et distendus. La problématique vient essentiellement des tribus Jordaniennes plus proches de celles de Syrie, que de celles du Néguev. Ainsi, le Conseil tribal jordanien vient de mettre en garde contre toute intervention de l’État hébreu. Cette annonce va immanquablement provoquer des tensions entre Ammam et Jérusalem.

Les USA et Israël espèrent toujours une déconflictualisation des relations avec Damas sous quelque forme que ce soit. Si la perspective d’un traité de paix s’éloigne par contre une non-belligérance assumée ouvrirait des perspectives non négligeables qu’il convient de préserver.

Qui tire les ficelles ?

Un faisceau d’arguments semblent pointer vers Ankara. Aussi peut-on faire l’hypothèse que ne souhaitant pas une confrontation directe avec l’Etat hébreu, Erdogan agirait par procuration via des proxys bien entrainés comme l’a fait l’Iran avec le Hezbollah, limitant ainsi les possibilités de riposte directe. Cela s’inscrirait en droite ligne des pressions déjà exercées contre les Kurdes du Nord-Est de la Syrie, alliés des USA et d’Israël, pour élargir sa zone d’influence.

La main de Téhéran, n’est pas exclue. En effet, l’instabilité régnante permettrait au Hezbollah et aux pasdarans de restaurer leur influence et de reprendre de trafic d’armes en direction du Liban. Les mollahs qui voulaient ouvrir un nouveau front contre l’Etat Juif à partir de la Jordanie, sauraient instrumentaliser le conflit potentiel via les tribus Bédouines, s’ils n’en sont pas à l’origine. 

Les Occidentaux face à l’Orient compliqué !

Le conflit en cours met en lumière la complexité des alliances, la multiplicité des acteurs locaux et étrangers. Comme le font les occidentaux, projeter le modèle des États-nations séculiers sur une région où la réalité tribale, les visions impériales, et les antagonismes religieux dominent empêche de comprendre les enjeux et d’apporter une contribution utile à la paix. 

Ainsi condamner les bombardements d’Israël en Syrie, au nom de l’Etat de droit, n’a aucun sens. Al-Julani s’est autoproclamé président par intérim après un coup d’Etat, à la tête d’une coalition de groupes djihadistes d’origines diverses ayant commis les pires exactions. Le nouveau pouvoir n’est ni légitime ni syrien. 

Face à ce danger, les buts d’Israël étaient la protection de sa population de l’invasion de terroristes ayant juré son anéantissement et d’éviter le massacre de la population civile Druze, comme cela a été le cas par le passé avec le génocide des Yézidis.

Aujourd’hui plus que jamais, une prise de conscience s’impose. Les occidentaux, en première ligne desquels l’Europe, ne peuvent se prévaloir de porter des valeurs humanistes et se détourner des réalités.

© Hagay Sobol

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2 Comments

  1. la turquie est à la manouvre
    elle souhaite recréer l’empire ottoman
    et qui peut l’arrêter
    les russes sont pour
    les pays voisins ne peuvent rien faire
    et Israël se bat pour faire échouer ce plan maléfique
    Hélas il est seul.

  2. Jeannine FRENK,
    Effectivement, la Turquie veut remplacer l’Iran en Syrie. Mais l’Iran est également à la manœuvre. Par contre vu la volatilité de la situation, Tsahal ne peut agir comme en Iran. La plus grande prudence s’impose d’autant plus qu’à Washington, le manque de vision stratégique de Netanyahou est de plus en plus décrié.

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