Par Anas Emmanuel Faour

Pourquoi un État palestinien, dans les circonstances actuelles, deviendrait-il la Mecque des antisémites des quatre coins du monde, et risquerait-il de tomber aux mains des islamistes ?
Le remède chamanique de la reconnaissance de l’État de Palestine, comparable à une poudre de perlimpinpin, s’est imposé depuis le 7 octobre 2023 en lieu et place d’une réponse structurée et cohérente visant à démanteler le Hamas et les autres mouvements islamistes présents au Moyen-Orient.
Cette construction repose sur un récit soigneusement façonné à partir d’une sélection partisane des faits « cherry picking », martelé de façon répétitive jusqu’à son acceptation comme une vérité établie, puis largement diffusé sans qu’aucune vérification rigoureuse n’en confirme la légitimité.
George Orwell en avait parfaitement anticipé la logique lorsqu’il écrivait : « Celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir ; celui qui contrôle le présent contrôle le passé ».
Dans cette dynamique d’effacement et de réécriture, on omet l’origine même du terme « Palestine », introduit par l’empereur Hadrien pour effacer l’identité juive de la Judée en la renommant d’après les ennemis historiques des Hébreux, les Philistins. Ce nom sera réutilisé bien plus tard pour désigner le territoire placé sous mandat britannique, dans le cadre des accords de Sykes-Picot et de la conférence de San Remo.
Les tensions croissantes entre Juifs et Arabes dans cette Palestine mandataire ont abouti à la formulation d’une solution à deux États, entérinée par la résolution 181 des Nations unies en 1947, prévoyant le partage du territoire entre un État juif et un État arabe, après l’échec du projet binational envisagé dans le Livre blanc britannique de 1939.
Or, comme je l’exposerai, le terme « Palestiniens » en est venu à désigner les populations arabes issues de ce territoire, et la revendication d’un État arabe, telle que formulée dans le plan de partage, s’est peu à peu transformée en une exigence exclusive d’un État palestinien.
Avant comme après la résolution de partage de la Palestine mandataire, et jusqu’à aujourd’hui, la problématique de la création d’un État arabe s’est constamment heurtée à celle, persistante, de la représentation politique des Palestiniens, qui en constitue le cœur même.
Faute de régulation préalable de cette question cruciale, un tel État court le risque de devenir un État failli, de tomber sous l’influence de régimes sunnites autoritaires, ou de se transformer en une forteresse islamiste alliée au régime des ayatollahs en Iran, au Qatar et aux Frères musulmans.
Il pourrait également devenir une sorte de Mecque de l’antisémitisme mondial, catalysant à la fois les formes anciennes de cette haine et ses manifestations contemporaines.
Ce risque est d’autant plus réel que la représentation palestinienne actuelle reste fragile et impopulaire, tant au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) – reconnue comme le représentant unique et légitime des Palestiniens par la communauté internationale, et bien comprise par Israël – que dans les structures de l’Autorité palestinienne, issue des accords d’Oslo conclus entre le gouvernement israélien et l’OLP.
Ce discrédit, qui touche les deux entités palestiniennes, s’explique par une corruption endémique et un autoritarisme persistant, compromettant toute possibilité de représentation crédible des Palestiniens, capable d’assumer la responsabilité et la stabilité d’un éventuel futur État.
En effet, depuis 1936 jusqu’à aujourd’hui, trois entités arabes issues de la Palestine mandataire se sont succédé, et la fiabilité de leur représentation a toujours été mise en question :
Haut Comité arabe :
Le Haut Comité arabe, actif de 1936 à 1946, fut la première de ces entités. Fondé par Amin al-Husseini, alors mufti de Jérusalem et président du Conseil islamique suprême, il rassemblait des représentants tribaux et religieux, ainsi que les principaux partis politiques arabes de l’époque, tels que le Parti de la défense nationale et le Parti arabe palestinien, entre autres.
Il convient de souligner qu’Amin al-Husseini a été accusé d’avoir façonné le Haut Comité arabe en fonction de ses intérêts personnels et de ceux de son clan. Dès 1933, il aurait établi des contacts avec le régime nazi, notamment par l’intermédiaire d’Ernst Rudolf von Krause, attaché à l’ambassade d’Allemagne à Jérusalem.
Ces accusations, relayées en particulier par le clan Nashashibi – rival historique des Husseini – ainsi que par d’autres figures politiques arabes, dénonçaient une gestion autoritaire du Comité. Il lui était reproché d’avoir écarté ses opposants, marginalisé le travail collectif et monopolisé les décisions stratégiques au service de ses ambitions personnelles.
Amin al-Husseini, accusé d’avoir indirectement incité à la haine et d’avoir contribué à l’assassinat du gouverneur britannique de Nazareth, fit l’objet d’un mandat d’arrêt émis par les autorités britanniques. Il prit la fuite, trouvant d’abord refuge au Liban, puis à Bagdad, où il soutint le putsch pronazi mené en 1941 par Rachid Ali al-Gillani. À la suite de l’échec de ce coup d’État, il se réfugia à Berlin.
À Berlin, Amin al-Husseini entra en collaboration active avec le régime nazi. Il plaida en faveur d’une intervention allemande en Irak afin d’en contrôler les ressources pétrolières, et participa à la propagande radiophonique nazie, appelant les musulmans d’Europe et du Moyen-Orient à soutenir le régime nazi et ses alliés de l’Axe.
Ainsi, Amin al-Husseini a cherché à instrumentaliser l’héritage du Haut Comité arabe au service du régime nazi, bien que ce comité ait été officiellement dissous par les autorités britanniques en 1937, avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La défaite du régime nazi en 1945 a définitivement compromis cette tentative de représentation politique arabe.
Le Haut Conseil Arabe pour la Palestine :
En 1946, la Ligue arabe a décidé de créer le Haut Conseil arabe pour la Palestine afin de remplacer le Haut Comité arabe, et en a confié la direction à Amin al-Husseini, installé au Caire après son arrestation en France et son retour en Égypte. Cette décision, jugée imprudente, a privé cette nouvelle instance de toute crédibilité aux yeux de la communauté internationale.
Le Haut Conseil arabe a attendu la fin de la guerre de 1948 pour convoquer le Congrès national de Gaza, en septembre de la même année. Ignorant les conséquences directes du conflit et la création de l’État d’Israël, ce congrès a proclamé la formation d’un « gouvernement de toute la Palestine », revendiquant un mandat sur l’ensemble du territoire de la Palestine mandataire, comme si l’ordre territorial issu de la guerre n’avait jamais existé.
Même en Cisjordanie, le gouvernement proclamé à Gaza fut ignoré. En effet, un autre congrès se tint à Jéricho, au cours duquel les participants appelèrent à l’unification des deux rives du Jourdain, en votant le rattachement de la Cisjordanie au Royaume hachémite de Transjordanie, sous l’autorité du roi Abdallah Ier.
Bien que ce « gouvernement de toute la Palestine » n’ait jamais réussi à exercer un contrôle effectif sur les territoires attribués aux Arabes par la résolution de partage de 1947, il ne fut même pas pleinement reconnu par l’ensemble des membres de la Ligue arabe, en raison notamment du passé d’Amin al-Husseini et de ses liens avérés avec le régime nazi.
En réalité, ce gouvernement est resté installé à Gaza, sans jamais exercer un véritable pouvoir, placé successivement sous l’autorité du royaume d’Égypte, puis de la République d’Égypte. Lors de la création de la République arabe unie – l’union éphémère entre l’Égypte et la Syrie – Amin al-Husseini choisit de fusionner son « gouvernement » avec cette entité. Après la rupture de l’unité syro-égyptienne en 1961, il ne tenta pas de reconstituer ce gouvernement.
Le Haut Conseil arabe pour la Palestine demeura formellement en existence, mais resta inactif jusqu’à la mort d’Amin al-Husseini en 1974, sous la présidence de Sadate. Ce prolongement inerte confirma qu’il avait été conçu à l’image du Haut Comité arabe qui l’avait précédé : une structure façonnée sur mesure pour Amin al-Husseini, bien éloignée de toute forme authentique de représentation politique arabe.
L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) :
Lors du sommet arabe de 1964, Gamal Abdel Nasser poussa la Ligue arabe à créer une nouvelle instance de représentation palestinienne : l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Sa direction fut confiée à de hauts fonctionnaires issus des pays arabes voisins, à commencer par Ahmad al-Shuqeiri, Libanais de naissance, ancien ambassadeur du Royaume d’Arabie saoudite auprès des Nations unies, puis par Yahya Hammouda, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats de Jordanie.
Revendiquant une victoire dans la guerre d’Algérie, Gamal Abdel Nasser entreprend de développer son projet d’anéantissement d’Israël. Ce projet se heurte néanmoins à trois dilemmes majeurs :
1- Le Haut Conseil arabe pour la Palestine est devenu inopérant et incapable de représenter politiquement les Arabes de Palestine, discrédité par le passé pronazi de son principal dirigeant, le mufti Amin al-Husseini.
2- Le roi Hussein de Jordanie revendique la souveraineté sur la Cisjordanie au nom du slogan hachémite de l’« unité des deux rives » : selon cette doctrine, les Cisjordaniens sont d’abord des Jordaniens, et non un peuple distinct.
3- Nasser a déjà amorcé la constitution de formations armées destinées à mener des opérations de sabotage et d’attentats sur le territoire israélien, mais il ne détenait pas le contrôle exclusif de ces groupes, en raison de la présence active et de l’influence croissante de l’Union soviétique dans leur encadrement.
La création de l’OLP s’inscrivit dans un cadre parallèle de représentation, aux contours volontairement ambigus, sans pour autant dissoudre le Haut Conseil arabe pour la Palestine ni remettre en question les revendications hachémites sur la Cisjordanie. La Ligue arabe décida alors que l’OLP adopterait le terrorisme comme moyen de créer un État s’étendant de la mer au fleuve.
Dès 1959, un ancien officier de l’armée égyptienne et ancien membre des Frères musulmans, Mohammed Abdel Raouf al-Qoudwa, alias « Yasser Arafat », fonda le Fatah en tant que mouvement paramilitaire sans orientation idéologique clairement définie.
Or, un autre mouvement était en train de se cristalliser : le Mouvement des nationalistes arabes (MNA), né principalement à l’Université américaine de Beyrouth, autour de disciples de Constantin Zureiq, tels que George Habache et Nayef Hawatmeh. Fondé sur une tentative de fusion entre nationalisme arabe et marxisme, ce courant devint rapidement le cheval de Troie du Kremlin soviétique. Ce mouvement donnera plus tard naissance au Front populaire de libération de la Palestine.
La rivalité pour la représentation palestinienne s’est ouverte entre le FPLP et le Fatah. Il était initialement prévu que George Habache prenne la présidence du comité exécutif de l’OLP, mais cette perspective déplut à Nasser, qui apporta son soutien à Yasser Arafat. Ce dernier fut ainsi porté à la tête du comité exécutif de l’OLP.
Contrairement au FPLP, devenu proche de l’Union soviétique et ouvertement hostile aux pays du Golfe, le Fatah, dépourvu d’idéologie claire, adopta un discours opportuniste, multipliant les déclarations en direction de tous les fronts. Cette stratégie permit à Arafat de se rapprocher à la fois de l’Union soviétique, du socialisme international, de Nasser et des monarchies du Golfe. C’est ainsi qu’il parvint, dès ses premiers pas, à prendre le contrôle de l’OLP.
Le FPLP entra ensuite dans un conflit interne opposant deux courants : l’aile marxiste de gauche, dirigée par Nayef Hawatmeh, et l’aile dite « droite de gauche », incarnée par George Habache. Ce schisme aboutit à la formation de deux entités distinctes : le FPLP et le FDLP.
En effet, cette scission n’est pas la seule, mais elle demeure la plus significative. L’histoire des formations palestiniennes est celle d’un processus de fission à la fois proliférant, presque amibien, mais profondément marqué par la violence.
Arafat a su tirer parti de la prolifération de scissions amibiennes au sein des formations palestiniennes pour prendre le contrôle effectif de la prise de décision au sein de l’OLP, en s’imposant dans ses principales instances :
1- Le Conseil national palestinien, considéré comme le « parlement » de l’OLP, jamais issu d’élections, officiellement constitué par consensus entre les différentes factions palestiniennes, mais en réalité largement façonné par Arafat lui-même, avec l’appui ou la pression de certains États arabes et des deux principales formations : le FPLP et le FDLP.
2- Le Conseil central, élu par le Conseil national palestinien et présenté comme une instance restreinte de ce dernier, était lui aussi, en pratique, composé selon les choix d’Arafat, sous l’influence des mêmes équilibres entre factions et régimes arabes.
3- Le Comité exécutif de l’OLP, formellement élu par le Conseil national palestinien, était en réalité dominé par des figures sélectionnées par Arafat, là encore avec le concours des États arabes et des deux grandes formations rivales.
Arafat renforça encore son autorité en 1974, année marquée par la disparition du Haut Conseil arabe pour la Palestine, consécutive au décès d’Amin al-Husseini. La même année, lors d’une session tenue au Caire, le Conseil national palestinien adopta le programme en dix points, reconnaissant implicitement l’existence d’Israël et ouvrant la voie à une éventuelle résolution du conflit. Ce tournant pragmatique, impulsé par Arafat, permit à Anouar el-Sadate et au roi Hassan II de faire adopter par la Ligue arabe une résolution consacrant l’OLP comme « seul représentant légitime du peuple palestinien ».
Cette reconnaissance se fit toutefois en dépit de l’opposition du roi Hussein de Jordanie, qui continuait de revendiquer la Cisjordanie, bien qu’il n’en eût plus le contrôle depuis la guerre de 1967. Il ne renoncera officiellement à cette revendication qu’en 1988, sous la pression de l’administration Reagan.
Tout au long de l’histoire de l’OLP, les scissions entre formations palestiniennes se sont poursuivies sans relâche, jusqu’à l’émergence de mouvements islamistes comme le Hamas et le Jihad islamique, qui n’ont jamais intégré l’Organisation.
Arafat n’était pas un acteur isolé, mais les chefs arabes – Nasser, Saddam Hussein, Hafez el-Assad, Qadhafi, entre autres – ne l’étaient pas non plus. Chaque régime cherchait à exercer une influence sur l’OLP, allant jusqu’à orchestrer des alliances inter-factions telles que le Front de l’Acceptation, le Front du Refus, le Front national de Salut ou encore l’Alliance des dix formations, afin de servir ses propres ambitions régionales.
Arafat sut habilement manœuvrer dans ses relations souvent tendues avec les dirigeants arabes, tout en poursuivant le cap pragmatique amorcé en 1974. Il entama des contacts avec l’extrême gauche israélienne, puis avec les sociaux-démocrates, avant de signer les accords d’Oslo avec Yitzhak Rabin. Il créa l’Autorité palestinienne, renonça officiellement au terrorisme et alla jusqu’à engager le dialogue, dans les années 1990, avec la droite israélienne, notamment sous Benjamin Netanyahou.
Mais parallèlement à son engagement diplomatique, Arafat mit en place un système de pouvoir ultra-autoritaire. Avant les accords d’Oslo, depuis Beyrouth puis Tunis, et après ceux-ci depuis Ramallah, il n’hésita jamais à faire taire, voire à éliminer, quiconque représentait une menace pour son autorité. Il structura des appareils de sécurité calqués sur ceux des régimes arabes voisins, recourant à la torture, aux assassinats politiques et à la liquidation de ses opposants.
Par ailleurs, Arafat a exercé un contrôle personnel étroit sur les fonds de l’OLP, majoritairement issus de l’aide extérieure. Il a placé plusieurs membres de sa famille à des postes stratégiques : son frère Fathi Arafat à la tête du Croissant-Rouge palestinien, son neveu Nasser al-Qoudwa comme ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, ou encore son autre neveu, Salman el-Herfi, nommé ambassadeur successivement en Afrique du Sud, en Tunisie, puis en France, entre autres.
La fortune accumulée par la famille Arafat est apparue au grand jour plus de vingt ans après sa disparition. Sa fille, Zahwa, mène une vie de grande aisance, et plusieurs membres de son entourage familial occupent désormais des positions influentes au sein d’institutions internationales. L’une de ses proches a même été nommée conseillère à la Cour européenne des droits de l’homme ?!
Après les accords d’Oslo, Arafat rentra à Gaza puis en Cisjordanie, entouré de ses collaborateurs les plus fidèles, issus de ses cercles de Beyrouth et de Tunis. Ces derniers, étrangers à la population locale, étaient largement déconnectés de la réalité quotidienne des habitants. Ainsi, un système autoritaire, déjà structuré en amont, s’installa pour prendre le contrôle de l’ensemble des institutions, centré autour du culte de la personnalité d’Arafat.
Dans les années 1990, les formations palestiniennes sont apparues considérablement affaiblies, fragilisées par la chute du bloc soviétique, les sanctions contre l’Irak et la Libye, ainsi que par la soumission de la Syrie de Hafez al-Assad au régime des ayatollahs. Ces derniers ont transformé Damas en centre d’un front anti-Oslo, en soutenant pleinement une alliance autour du Hamas et du Jihad islamique.
Par ailleurs, sur le plan du processus de paix avec Israël, Arafat faisait preuve d’ambiguïté. Bien qu’il ait fait abroger, en présence de Bill Clinton, les articles de la Charte de l’OLP appelant à la violence contre Israël, sa posture restait empreinte de duplicité.
Il existe des marques révélatrices de cette duplicité, notamment à travers la coexistence de deux hymnes nationaux. D’un côté, Mawtini (« Ma patrie »), qui célèbre de manière lyrique une nation abstraite et pacifique; de l’autre, Fedai (« Le combattant sacrificiel »), qui glorifie le terrorisme. C’est ce dernier qui fut officiellement adopté, tandis que le premier continue d’être joué de manière spontanée, sans statut défini ni explication officielle — signe manifeste d’une certaine mauvaise foi politique.
Un autre exemple manifeste de cette duplicité fut le refus par Arafat de la proposition de Yhoud Barak en 2000. Il rejeta notamment toute présence historique juive à Jérusalem, affirmant que le Temple n’y avait jamais existé — ou, au mieux, qu’il se serait situé à Naplouse — sans s’appuyer sur aucune référence historique crédible, et sans tenir compte du fait que la conquête musulmane n’eut lieu qu’à la fin du VIIe siècle, soit plusieurs siècles après la destruction du Second Temple.
Les méthodes d’Arafat ont affaibli la représentation palestinienne ainsi que ses formations, qu’il s’agisse de la corruption, du despotisme ou du manque de sérieux dans l’engagement pour la paix. Pendant ce temps, les islamistes du Hamas et du Jihad islamique ont profité de la situation, tant dans les territoires de l’Autorité palestinienne qu’en Syrie sous le régime des Assad, grâce au soutien actif du régime iranien des ayatollahs.
Dès le premier exercice électoral organisé au sein de l’Autorité palestinienne, les islamistes remportèrent les élections sans pour autant intégrer l’OLP. Ce tournant eut lieu sous la présidence de Mahmoud Abbas, à la suite du décès d’Arafat.
Mahmoud Abbas, auteur d’une thèse controversée contenant des propos à caractère antisémite, est parvenu à duper nombre d’acteurs internationaux en entretenant l’image d’un homme de paix pendant près d’un demi-siècle. Pourtant, à la tête de l’Autorité palestinienne, sa gouvernance s’est révélée, à bien des égards, plus stérile et autoritaire encore que celle de Yasser Arafat.
Malgré l’expérience du Hamas au pouvoir en 2006, largement provoquée par le rejet de la corruption, Mahmoud Abbas a poursuivi les dérives de l’Autorité palestinienne. Comme Arafat, des membres de sa famille – notamment ses fils Tarek et Yasser – ont été impliqués dans des affaires de corruption.
Le despotisme s’est poursuivi comme auparavant : liquidations d’opposants, actes de torture, répression politique – y compris à l’encontre des personnes homosexuelles. Mais Mahmoud Abbas est allé plus loin encore, franchissant des lignes rouges que même Yasser Arafat n’avait pas osé dépasser.
En effet, contrairement à Arafat, qui s’appuyait principalement sur ses anciens compagnons les plus fidèles pour exercer son autorité – sans chercher à s’entourer directement de satellites des régimes arabes, avec lesquels il entretenait des relations souvent fluctuantes – il avait même noué des contacts avec certaines oppositions régionales, notamment iranienne ou jordanienne.
Mahmoud Abbas, lui, a adopté une stratégie inverse, en s’alliant délibérément avec des relais issus des régimes arabes en place pour consolider son pouvoir, au prix d’un enracinement autoritaire perçu comme de plus en plus déconnecté des aspirations palestiniennes :
– Des individus issus du FPLP – Commandement général occupent aujourd’hui des fonctions diplomatiques palestiniennes, y compris en Occident. Leur passé, notamment lors des guerres civiles syrienne et libanaise, au service des appareils sécuritaires du régime Assad, a été exploité par Mahmoud Abbas pour projeter une image d’« épouvantail » dissuasif à l’égard des Palestiniens, des Libanais et des Syriens, réfugiés ou expatriés. Ces représentations sont devenues des relais de la diffusion des discours haineux du FPLP-Commandement général à leur encontre. Il est donc préférable d’éviter tout contact avec ces instances.
– Des dirigeants du Front de lutte populaire palestinien — groupe fondé par Mouammar Qadhafi sur les principes énoncés dans son Livre vert — portent un passé controversé, notamment pour avoir envoyé des Palestiniens comme mercenaires dans les guerres africaines menées par le régime libyen, en particulier contre le Tchad dans les années 1980. Certains d’entre eux ont néanmoins accédé à de hautes responsabilités au sein de l’OLP et de l’Autorité palestinienne.
– Des individus issus de l’entourage d’Abou al-Zaïm – impliqué dans l’enlèvement de l’opposant saoudien historique Nasser al-Saïd, extradé vers l’Arabie saoudite où il aurait été brutalement liquidé – sont devenus conseillers de Mahmoud Abbas lui-même.
– Des individus au profil suspect, promus par le journal Al-Akhbar, organe médiatique proche du Hezbollah, ont été intégrés à l’Autorité palestinienne, que ce soit à Ramallah ou dans certaines représentations diplomatiques. Présentés comme journalistes, ils interviennent dans des cercles antisémites se réclamant de l’« antisionisme » à l’échelle internationale. Plusieurs d’entre eux disposent de diplômes douteux délivrés dans leur pays d’origine, et leur curriculum dissimulé se résume souvent à un simple passage par Al-Akhbar.
– Et cette liste est loin d’être exhaustive.
Sur la question de la paix, Mahmoud Abbas ne se montre guère moins sournois qu’Arafat. Son double discours est à peine dissimulé : il a lui-même tenu à plusieurs reprises des propos à caractère antisémite. Bien qu’octogénaire, il s’illustre encore par un langage d’une grande vulgarité, allant jusqu’à traiter publiquement l’ambassadeur des États-Unis de « fils de chien » (ibn kalb) et à proférer des insultes généralisées à l’encontre de régions entières du monde. Par ailleurs, les manuels scolaires diffusés sous son autorité continuent de faire l’apologie du terrorisme.
L’OLP a proclamé unilatéralement un État palestinien le 15 novembre 1988 à Alger, entraînant une reconnaissance progressive par une grande partie des pays du monde, avant ou après les accords d’Oslo. Pourtant, aucun État palestinien ne pourra véritablement se constituer sans le consentement d’Israël dans le cadre d’un accord global – une réalité que beaucoup, hélas, persistent à ignorer.
La représentation incarnée par le tandem Arafat-Abbas a été préfabriquée à l’étranger, sans consultation réelle des populations concernées. Comme exposé précédemment, les structures de cette représentation – qu’il s’agisse de l’OLP ou de l’Autorité palestinienne – sont gangrenées par la corruption et fonctionnent de manière autoritaire, allant jusqu’à terroriser les Palestiniens eux-mêmes, parfois davantage que les Israéliens. Dès lors, si l’on choisit de reconnaître un État palestinien en le confiant à cette représentation, une question s’impose : est-elle réellement apte à en assurer la charge, ou n’en sera-t-elle qu’une piètre réceptionniste ?
Mahmoud Abbas fêtera ses 90 ans en novembre 2025, et la question de sa succession est désormais ouverte. Tous les prétendants pressentis sont issus du Fatah. Parmi eux :
– Hussein al-Sheikh, considéré comme un disciple fidèle d’Abbas, est perçu comme impopulaire et technocratique ; il poursuivra vraisemblablement la ligne politique d’Abbas, voire de façon plus rigide, notamment en matière de sécurité.
– Jibril Rajoub et Mohammed Dahlan, anciens chefs des appareils de sécurité sous Yasser Arafat, sont tous deux associés à des pratiques autoritaires et à des accusations de corruption. Les méthodes de Dahlan à Gaza dans les années 2000, notamment face au Hamas, ont été jugées provocatrices, et son style de gouvernance a été critiqué pour avoir contribué indirectement à la prise de contrôle de Gaza par le Hamas en 2007.
– Marwan Barghouti, condamné à plusieurs peines de prison à vie pour des actes de terrorisme en 2002, est détenu depuis cette date. Il se réclame de l’héritage d’Arafat, tout en entretenant des liens avec certaines composantes de l’opposition islamiste. Cette double posture lui vaut d’être parfois décrit comme une figure hybride entre Arafat et le général pakistanais Zia ul-Haq.
Quelle que soit l’issue de la succession, la nature même de l’OLP et de l’Autorité palestinienne – minées par la corruption et le despotisme – les a rendues profondément impopulaires auprès des Palestiniens. Les scénarios, quels qu’en soient les acteurs, risquent fort d’être les mêmes :
Premier scénario : dans l’hypothèse optimiste où le Hamas, le Jihad islamique et les autres factions islamistes seraient écartés ou neutralisés — ce qui reste hautement incertain, au vu de leur capacité bien connue de réorganisation depuis 1954, année où Nasser engagea la répression contre les Frères musulmans —, et dans l’éventualité où aucun pays de la région n’interviendrait pour contrôler ce futur État, la question de fond demeurerait entière.
Les Palestiniens ne sauraient supporter indéfiniment un régime gangrené par la corruption et le despotisme. Une telle situation pourrait provoquer l’émergence d’une opposition interne structurée, susceptible de dégénérer en guerre civile. Ce scénario mènerait inévitablement à l’échec d’un éventuel État palestinien.
Deuxième scénario : les islamistes — qu’il s’agisse du Hamas, du Jihad islamique ou d’autres factions similaires — pourraient s’imposer comme force dominante. Ils pourraient accéder au pouvoir en renversant l’actuelle direction palestinienne, soit par la voie électorale, comme en 2006, soit par un coup de force, à l’image de la prise de Gaza en 2007.
Dans cette hypothèse, une figure comme Marwan Barghouti pourrait servir de façade légitimante à un régime dominé de facto par les islamistes. Un tel scénario conduirait à l’instauration d’un émirat islamique sur tout ou partie du territoire, susceptible non seulement de menacer Israël par des actes terroristes, mais aussi de déstabiliser d’autres pays de la région — voire au-delà. Ainsi, le spectre de la guerre de Gaza se déplacerait vers la Cisjordanie.
Troisième scénario : pour qu’un éventuel État soit viable, il pourrait être admis qu’il doive être placé sous l’influence — voire sous le contrôle — de puissances régionales telles que certains pays du Golfe ou la Turquie, dont l’ascension s’accentue à mesure que décline l’influence des ayatollahs iraniens. Ces États joueraient alors un rôle central dans la gestion politique, économique et sécuritaire de ce nouvel État.
Cependant, cette perspective suscite de sérieuses réserves. Ces régimes sont connus pour leurs discours ambigus, et leur orientation demeure largement façonnée par l’islam politique sunnite, en dépit d’efforts pour projeter une image plus modérée. La viabilité d’un tel projet reposerait ainsi sur des équilibres instables, vulnérables aux tensions internes ou régionales. Et si, à terme, ces puissances entraient en conflit entre elles ou avec d’autres acteurs majeurs, il est à craindre que ce futur État palestinien ne devienne qu’une variable d’ajustement dans leurs stratégies — nous ramenant inéluctablement à devoir choisir entre les deux premiers scénarios.
Enfin, quel que soit le scénario envisagé, l’émergence d’un État palestinien, dans les conditions actuelles, risque fort de devenir une Mecque de l’antisémitisme. Les trois cas de figure mènent, sous des formes différentes, à une même dynamique de radicalisation idéologique :
– Dans le cas d’un émirat islamique dominé par le Hamas ou le Jihad islamique, l’antisémitisme se manifesterait de manière directe et explicite. Depuis la fin des années 1970, les courants islamistes radicaux ont élaboré une rhétorique particulièrement virulente, nourrie d’une lecture salafiste des textes religieux, où le rejet des Juifs tient une place centrale dans leur vision du monde.
– Dans le cas d’un État failli avec le retour des formations nationalistes ou marxistes palestiniennes, un antisémitisme plus idéologique mais tout aussi enraciné persisterait. Héritée de la « gauche arabe » et du nationalisme panarabe, cette hostilité n’a jamais été sérieusement remise en question. Ces courants ont souvent nourri leur discours d’un rejet non seulement des Juifs, mais aussi des peuples natifs comme les Kurdes ou les Kabyles, dans une logique excluante et autoritaire.
– Enfin, dans le cas d’un État placé sous l’influence des puissances sunnites régionales comme l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis ou la Turquie, l’antisémitisme prendrait la forme d’un double discours. Ces régimes usent d’une rhétorique modérée à l’international, tout en tolérant, voire alimentant, un discours haineux dans leurs sphères internes. Cette duplicité s’inscrit dans une stratégie inspirée de la jurisprudence islamique dite du Sadd al-dhara’i (« blocage des moyens »), qui justifie le camouflage temporaire de positions radicales au nom d’intérêts supérieurs.
Par conséquent, la création d’un État palestinien, dans les conditions actuelles, représenterait un risque majeur tant pour la paix interne entre Palestiniens que pour les relations avec Israël. Un tel État pourrait devenir un point de ralliement pour les antisémites du monde entier, sans pour autant résoudre la question cruciale de la représentation palestinienne, ni ouvrir la voie à une paix durable avec Israël. Ce constat appelle à une extrême prudence avant d’acter une telle décision, afin d’éviter des conséquences irréversibles.
Faire la paix exige d’abord une culture enracinée de paix. Il ne suffit pas de s’appuyer sur des figures présentées comme des « hommes de paix », mais issues d’un système gangrené par la corruption — comme ce fut le cas lors des accords d’Oslo en 1993, avec des personnalités telles qu’Ahmed Qoreï ou Nabil Shaath.
Le processus doit commencer par une refonte profonde de l’éducation, à travers les manuels scolaires, mais aussi par une transformation de l’espace médiatique politique, culturel et religieux. Or, cet espace reste largement dominé par des acteurs venus des pays du Golfe, dont le ton, trop souvent, véhicule un antisémitisme latent, voire explicite — en témoignent certaines séries télévisées, documentaires, programmes éducatifs ou débats politiques.
Les manifestations anti-Hamas à Gaza, le rejet croissant de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, ainsi que la défiance envers les représentations diplomatiques à l’étranger révèlent un fait fondamental : les populations concernées n’ont jamais été véritablement consultées sur leur propre représentation politique.
Aujourd’hui, nul ne réclame l’abrogation des accords d’Oslo, ni sur la scène internationale ni au niveau régional. Toutefois, une révision de ces accords — ou la conclusion de nouveaux — pourrait offrir une issue au problème de la représentation palestinienne.
Une voie possible résiderait dans l’adoption de mécanismes de démocratie directe, à l’image du modèle suisse, afin de garantir que la voix des populations soit réellement entendue. Il conviendrait également d’établir des cadres juridiques clairs permettant de neutraliser l’ingérence des puissances régionales — de l’Iran des ayatollahs à la Turquie d’Erdogan, en passant par les monarchies du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Émirats arabes unis). Ces cadres devraient garantir que l’aide extérieure soit accordée sans condition politique, sans contrepartie visant à manipuler les équilibres internes au détriment de l’avenir des Palestiniens comme de celui des Israéliens…
@ Anas Emmanuel Faour

Ingénieur informatique, de nationalité française, Anas Emmanuel Faour est né à Damas en 1974 où, diplômé en philosophie et informatique, il enseigna en lycée.

« La défaite du Régime Nazi en 1945″…La défaite du régime hitlérien ne signifiait nullement la fin du Nazisme. Celui-ci était prêt à reparaitre sous d’autres formes et d’autres noms. L’un d’entre eux étant le palestinisme.
En Europe, beaucoup d’anciens Nazis allemands (le père d’Ursula Von der Leyen etait l’ami de certains d’entre eux) et vichystes français (parmi lesquels François Mitterrand) ont contribué à créer l’UE. Que celle-ci soit pro islamiste et pro palestiniste constitue la poursuite de l’accord conclu à Berlin en 1941. D’un Nazisme à l’autre, d’une collaboration à l’autre. N’ayant pas été enseignée, l’Histoire était condamnée à se répéter _ sous une autre forme.
« La défaite du Régime Nazi en 1945″…La défaite du régime hitlérien ne signifiait nullement la fin du Nazisme. Celui-ci était prêt à reparaitre sous d’autres formes et d’autres noms. L’un d’entre eux étant le palestinisme.
En Europe, beaucoup d’anciens Nazis allemands (le père d’Ursula Von der Leyen etait l’ami de certains d’entre eux) et vichystes français (parmi lesquels François Mitterrand) ont contribué à créer l’UE. Que celle-ci soit pro islamiste et pro palestiniste n’est donc pas surprenant : l’Europeisme constitue la mise en oeuvre de l’accord conclu à Berlin en 1941. D’un Nazisme à l’autre, d’une collaboration à l’autre. N’ayant pas été enseignée, l’Histoire était condamnée à se répéter _ sous une autre forme.