Richard Prasquier. L’ordonnance conservatoire de la CIJ au sujet d’Israël à Gaza: Qu’en pensez-vous?

La Cour Internationale de Justice a rendu son rapport il y a quelques jours au sujet de la plainte en génocide contre Israël déposée par l’Afrique du Sud.  Certains disent que dans ce rapport Israël est accusé de génocide, d’autres qu’il s’en est en fin de compte plutôt bien sorti. Qu’en pensez-vous?

Je croyais que la Cour Internationale de Justice, que j’appellerai désormais la CIJ, déciderait que l’accusation de génocide contre Israël n’a pas lieu d’être, comme l’avait demandé la partie israélienne, dans une suite de plaidoiries remarquables. La plainte me parait scandaleuse. Pour qu’il y ait un génocide, il faut qu’il y ait une volonté de détruire un groupe humain. Or Israël ne fait pas la guerre pour exterminer une population, mais pour mettre hors d’état de nuire une organisation terroriste  coupable de crimes abominables et qui a publiquement  annoncé qu’elle allait récidiver.

Les arguments en faveur d’une intention génocidaire invoqués par l’Afrique du Sud sont les déclarations de certains hommes politiques israéliens.  Ils sont particulièrement minces. La CIJ  a  retenu trois prises de parole, toutes des premiers jours  quand le choc émotionnel du massacre du 7 octobre était à son comble. Celle du Président Herzog, qui  dit à un journaliste que contre un mouvement terroriste Israël n’a pas d’autre choix que de se battre malgré la présence de civils palestiniens: Il n’y a là rien de génocidaire.  Celle  du Ministre  Israël Katz qui  déclare qu’il n’y aura pour Gaza ni une goutte d’eau, ni une batterie, une déclaration grandiloquente et maladroite qui n’a pas été suivie d’effet. La troisième est celle de  Yoav Gallant, Ministre de la Défense, qui dit à des soldats qu’ils auront affaire à des animaux humains. Je trouve que c’est une insulte envers les animaux qui ne torturent pas et  ne tuent pas pour le plaisir. Tels sont les discours retenus pour rendre « plausible » la notion de déshumanisation des Palestiniens par les Israéliens et donc l’intentionnalité nécessaire à la dénomination de génocide. La CIJ demande à Israël  de poursuivre en justice ceux qui appellent au génocide. La justice israélienne ne l’a pas attendue  pour entamer des poursuites.

On aurait aimé que les Palestiniens en fassent autant avec les auteurs de la Charte du Hamas qui, en conformité avec certains hadiths célèbres, enjoint aux musulmans d’exterminer les Juifs le jour du Jugement Dernier…..

La CIJ requiert aussi  Israël  de permettre la livraison aux habitants de Gaza suffisamment de nourriture, d’eau et d’électricité  pour que la situation ne se dégrade pas en génocide. La souffrance de la population de Gaza est effectivement dramatique . Cependant, il ne faut pas oublier que  les descriptions apocalyptiques qui proviennent d’organisations internationales dont les biais anti-israéliens et souvent la dépendance envers le Hamas sont aujourd’hui avérés, ont un rapport problématique avec la réalité. L’OMS trouve que 93% de la population est en état de famine, tandis qu’une autre organisation,  le Programme alimentaire mondial estime le lendemain que ce pourcentage est de 25%. La CIJ, qui présente les deux statistiques, ne s’interroge pas sur leur discordance. Trop, c’est trop de toute façon, mais ce sont les chiffres les pires qui restent dans la mémoire, quelle que soit leur fiabilité.

A quoi sert la CIJ?

La CIJ donne son avis sur des litiges entre Etats. Elle n’agit pas contre des  individus, comme le fait la Cour pénale internationale.  Ses conclusions n’ont pas force exécutoire et ses dossiers se rapportent en général à des conflits sur des limites territoriales ou marines. Sur une accusation de génocide, elle se décide lentement. Dans la plainte formulée en 2019 par la Gambie contre la Birmanie au sujet des Rohingyas, elle n’a pas encore jugé sur le fond, mais avait très vite demandé à la Birmanie de  prendre des mesures conservatoires pour  que la situation ne débouche pas sur un génocide: ne pas tuer, ne pas soumettre les personnes à des traitements dégradants, ne pas empêcher les naissances, ne pas détruire les preuves, envoyer un rapport indiquant les mesures prises. La CIJ a demandé exactement les mêmes choses à Israël. Il s’agit donc en quelque sorte d’un package standard de demandes.

Israël est donc enjoint d’éviter que les destructions humaines ne dégénèrent en génocide. En aucun cas, il n’est accusé de procéder actuellement à un génocide.

Est-ce tout?

Non. D’abord, la CIJ consacre un chapitre aux otages israéliens, que l’Afrique du Sud, comme c’est curieux, avait omis de mentionner. Elle rappelle que les mêmes lois s’appliquent aux deux parties et que les otages doivent être libérés sans aucune contrepartie.

Ensuite, les juges n’ont pas voté sur la première demande de l’Afrique du Sud, celle d’un cessez-le-feu. Les antisionistes de service ont beau dire que cette exigence est implicite, car en son absence  la délivrance de nourriture et de soins  est impossible, c’est évidemment faux. 

Cette absence change la signification de l’ordonnance. C’est pourquoi plusieurs Israéliens ont parlé de victoire.

Quelle est votre opinion?

 Je ne le crois malheureusement pas.

Israël n’a pas été condamné pour génocide et ne le sera probablement jamais. La CIJ ne s’occupe que de pays alors que c’est le Hamas qui coche toutes les cases d’un mouvement génocidaire…

Mais nous vivons   dans un monde d’émotions travaillé par la propagande. Comme l’accusation portée par l’Afrique du Sud reste soumise à délibération, il ne faut pas se bercer d’illusions: le qualificatif d’état génocidaire sera appliqué sans filtre par ses ennemis à  l’Etat d’Israël, ne serait-ce que pour le priver de son insupportable privilège moral d’être le pays des victimes de la Shoah.

 Pour gagner cette nouvelle guerre des mots,  nous devons connaitre les faits …

© Richard Prasquier

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