Fin août 2023, Yigal Carmon a publié sur MEMRI les signes avant-coureurs d’un “7 octobre”: Pourquoi n’a-t-il pas été écouté?

Yigal Carmon

Le 7 octobre fut un effondrement total. Un échec d’une ampleur colossale de la part de tous les services de sécurité israéliens

***

Ci-joint un article de “Maariv”, publié le 1er décembre 2023, soit 2 mois après celui du 31 août où Yigal Carmon, sur MEMRI, listait les signes d’un “7 octobre”. Cet article de Maariv a été traduit de l’hébreu par Annette Bursztein.

***

Yigal Karmon est le président fondateur du Memri, institut de recherche des médias du Moyen-Orient, qui traduit les publications du monde arabe et musulman à travers la presse, les manuels scolaires et les textes religieux. Récemment, l’institut a également commencé à traduire les textes des médias russe et chinois.

Fin août 2023, Yigal Carmon publiait un texte dans lequel il prévoyait qu’une guerre contre Israël devrait éclater à l’automne. Depuis, il cherche à comprendre pourquoi personne n’a pris la peine de l’écouter.

***

Dans les mois qui ont précédé le massacre, les signes se sont accumulés  en indiquant la possibilité d’une guerre régionale totale contre Israël. Il y a eu des menaces explicites de la part des dirigeants de l’organisation terroriste Hamas Saleh-al Arouri qui menaçait d’intensifier le conflit et déclarait explicitement dans une interview à la chaîne Al Mayadeen : “Nous nous préparons à une guerre totale, et nous en discutons à huis clos avec toutes les parties concernées. L’alliance de la résistance a la volonté, les motivations, le désir et l’intérêt pour qu’une guerre régionale se produise ici”. 

Le 12 septembre 2023, l’Institut MEMRI avait publié un clip du Hamas dans lequel figurait une photo détaillée d’un exercice d’occupation d’une cible militaire ou d’un village israélien. Tout était là : cartes, itinéraires, graphiques, heure d’arrivée depuis la bande de Gaza.

En 2018, nous avions publié un rapport détaillé sur la volonté du Hamas de franchir la clôture et d’atteindre les kibboutzim du Negev occidental. Leur devise était “tuer, massacrer, brûler”. Mais ces menaces ont été ignorées. 

Le 31 août 2023, un peu moins d’un mois avant l’attaque du Hamas, Yigal Karmon écrivait: “Les signes se multiplient  indiquant qu’une guerre pourrait éclater contre Israël, en septembre ou en octobre 2023”. 

Maariv : Question : pourquoi selon vous ces avertissements ont-ils été ignorés ?

Yigal Carmon: Parce que le public israélien a oublié qu’il se trouve dans une zone de culture différente. Nous avons une culture de la vie et eux une culture de la mort. Même lors des funérailles des combattants, en Israël, tout tourne autour de la vie, on évoque combien le combattant aimait danser, combien de belles choses il avait réalisées dans sa vie ; au contraire, dans leurs funérailles, à Gaza, on n’entend que des cris de rage meurtrière et des coups de feu tirés en l’air.

En Israël, la gauche a nourri des rêves de champs de fleurs et d’une vie communautaire. Puis le Hamas est arrivé et a kidnappé nos enfants, nos femmes, nos personnes âgées et a expliqué qu’il n’avait pas l’intention de vivre en paix avec nous.

Lorsque les premiers otages ont été libérés, les commentateurs de télévision ont rivalisé en matière de superlatifs à propos du Qatar. Mais pour Yigal Karmon,  “le Qatar est le Hamas et le Hamas est le Qatar. Le Qatar travaille pour le Hamas et continue d’héberger ses commandants à Doha. Toute libération est bienvenue, mais la vraie question est de savoir s’il aurait été possible d’obtenir un meilleur accord pour la libération des otages si le gouvernement avait travaillé non pas avec le Qatar, mais face à lui. […]

Le désastre, poursuit-il, ne nous est pas tombé dessus venu de nulle part, il est survenu après des années pendant lesquelles l’État terroriste du Qatar, qui soutient toutes les organisations terroristes du monde, a nourri le Hamas, une toute petite organisation dans la bande de Gaza à coup de centaines de millions de dollars et en a fait une organisation mondiale dotée d’une véritable puissance militaire. Aujourd’hui, avec l’aide du Qatar, le Hamas possède des missiles, des armes et des munitions, des dizaines de milliers de combattants et une ville entière souterraine constituée de centaines de kilomètres de fortifications et de tunnels. Netanyhou n’a pas dit  le moindre mot contre le Qatar depuis le début de la guerre et il n’en dira pas, car sans son approbation tout cet argent n’aurait pas été versé et, en conséquence, toute la puissance militaire du Hamas n’aurait pas vu le jour. Grâce à notre Premier ministre Benjamin Netanyhou, voici le Qatar aujourd’hui libéré de son statut d’État terroriste. Pire, Netanyahou n’a jamais fait reproche au Qatar d’avoir accueilli des commandants du Hamas, ni avant, ni après le 7 octobre . 

Maariv : Question : Qu’en est-il de l’Égypte ?

Yigal Carmon : L’Égypte déteste le Hamas et agit contre lui, contrairement au Qatar. Je le dis sans hésitation : Netanyhou a peur d’affronter le Qatar. C’est choquant, mais le Premier ministre israélien entretient une image positive de lui-même sur le dos des enfants et des femmes, des personnes âgées et des soldats, des blessés en permettant la libre diffusion de Al Jazeera, la chaîne pro Hamas. La conseillère juridique du gouvernement avait pourtant approuvé la fermeture de la chaîne Qatari. Seul M. Netanyahou s’y est opposé.

Il n’y avait rien de raciste à dire haut et fort que le Hamas avait des intentions meurtrières

Je prends au sérieux les organisations terroristes comme les êtres humains qui développent des idées choquantes. Le satanisme a un visage humain, il ne ressemble pas à l’image convenue d’un ange de la mort brandissant une fourche. Les terroristes sont des gens sérieux. Le Hamas possède des établissements d’enseignement et des hôpitaux. Cela ne signifie pas pour autant qu’il a abandonné ses intentions meurtrières. Mais nous, en face, nous avons développé une culture du politiquement correct, la culture d’une société juste et libérale dans laquelle dire que le Hamas veut nous tuer passe pour un propos raciste et odieux. Nous avons publié des documents de recherche sur les manuels scolaires palestiniens qui éduquent les enfants à la destruction d’Israël. Qui cela a-t-il intéressé dans la société israélienne ? Personne. Et quand nous avons fait remarquer que les gens du Hamas pensaient ce qu’ils disaient, on nous a répondu une fois encore que nous étions racistes. 

De nombreux habitants des kibboutzim du Negev occidental ont été kidnappés et assassinés. Tous étaient de gauche. Les survivants ne comprennent pas pourquoi cela leur est arrivé. Ils ont aidé les Ghazaoui à travailler chez eux en ne comprenant rien à leur univers mental. Par exemple, ils ne comprennent pas les Palestiniens, lorsque ceux-ci leur disent : “Vous nous avez pris notre terre et maintenant vous êtes bon envers nous ?” Pour eux, nous sommes des conquérants, des salauds qui ont volé leurs terres. Les Palestiniens du Hamas n’accepteront jamais notre existence. Mais les Israéliens qui en ont assez des guerres et des menaces constantes sur leur sécurité ont décidé que nous étions l’Europe, telle une “villa dans la jungle”.  

“Les Palestiniens n’ont pas renoncé à leurs revendications, Nous devons le dire”

On peut ressentir de l’empathie pour la souffrance des Palestiniens sans accepter un seul instant l’hypothèse selon laquelle ils ont renoncé à leurs revendications. La gauche sioniste au début de l’Etat l’avait compris. C’est pourquoi les pilotes, les combattants comme la population des kibboutzim de gauche ont défendu la sécurité d’Israël. Ils pouvaient avoir de l’empathie pour eux, sans pour autant accepter leurs positions.

Ce qui est arrivé  le 7 octobre fut un effondrement total. Un échec d’une ampleur colossale de la part de tous les services de sécurité alors qu’aucun travailleur de Gaza ne peut quitter cette enclave territoriale sans autorisation du Hamas et sans subir un interrogatoire à son retour.

Même debout devant le cadavre de Sinwar, Netanyhou Doit entendre que nous avons été vaincus le 7 octobre

Le Hamas n’a pas participé aux deux dernières attaques du Jihad islamique. C’était intentionnel et c’était destiné évidemment à nous endormir. De son côté, Netanyhou a imposé cette vision selon laquelle le Hamas avait été désormais dissuadé de nous attaquer. Et que depuis les Accords d’Abraham, il n’y avait plus de guerre existentielle. Les Accords d’Abraham étaient destinés à contrer le Hamas, ils n’étaient pas destinés à assurer notre sécurité.  Netanyhou ne comprend pas que même s’il se tient debout devant le cadavre de Yahia Sinwar, nous ne gagnerons pas parce qu’il n’y a pas de possibilité de victoire dans cette guerre. Nous avons été vaincus. 

Le plus grand crime du Qatar, en finançant et en renforçant le Hamas, est de ne pas permettre aux musulmans de progresser.  

Le 7 octobre a révélé la réalité de ce monde musulman et a réveillé tous les antisémites du monde qui refusent l’existence d’Israël

La guerre d’octobre 2023 a non seulement révélé la réalité d’un monde musulman qui s’oppose à notre existence, mais elle a également réveillé tous les antisémites du monde. Les Arabes et les musulmans n’ont jamais accepté l’existence d’Israël.

Une idéologie peut être réduite à l’impuissance

Maariv : Est-il possible de détruire une idéologie ?

Yigal Carmon : Non, mais elle peut être réduite jusqu’à ce qu’elle soit ne soit plus une menace. Le nazisme était également très puissant, tout comme le communisme et le fascisme et au fil des années ces idéologies ont régressé jusqu’à ne plus être menaçantes. On n’élimine pas une idéologie, on la démonétise et on la condamne à l’impuissance.  Les régimes arabes qui ont fait la paix avec Israël tremblent face aux manifestations anti israéliennes massives qui les menacent directement.  

En Israël, dans les universités, les Arabes israéliens savent qu’il n’y a qu’en Israël qu’ils peuvent être révolutionnaires. Et que dans n’importe quel pays arabe, ils ne seraient pas en état de mener une révolution tout simplement parce qu’ils croupiraient en prison.

Nous réconcilier avec l’ethos sioniste fondamental

En Israël, il nous faut parvenir à un accord ni avec l’extrême droite ni avec la gauche qui se ment à elle-même. Il s’agit de nous réconcilier avec l’ethos sioniste fondamental qui justifie notre destinée sur la terre d’Israël. Il faut comprendre et répondre sans accepter les discours contraires à la vérité historique sur les origines de notre Etat. Cela est peut-être difficile, mais c’est tout à fait possible.

© Yigal Carmon

Source: Maariv מעריב, le Soir. 1er décembre 2023

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*