Depuis Israël, Michel Jefroykin lit la Presse pour nous: Conflit entre Israël et le Hamas : comment La France insoumise se distingue du reste de la gauche

Les députés de la France Insoumise à l’Assemblée nationale. © Abaca

ANALYSE
Brice Teinturier
Directeur général délégué d’Ipsos

La deuxième vague de l’enquête sur les élections européennes réalisée par Ipsos-Sopra Steria pour « Le Monde » et le Cevipof montre que les sympathisants LFI soutiennent davantage les Palestiniens que les Israéliens, une exception. En revanche, elle montre la désapprobation massive des sondés, même à gauche, envers les prises de position de Jean-Luc Mélenchon sur la guerre au Proche-Orient.

Ce que nous mesurons comme intentions de vote à six mois du scrutin européen est bien entendu très volatil et ne tient pas compte des effets que la campagne électorale produira. Pour autant, l’intérêt réside dans l’évolution des résultats depuis juin et dans leur croisement avec la perception du conflit au Proche-Orient. De ce point de vue, le faible niveau de la liste de La France insoumise (LFI) (7,5 %, – 1 point), la dynamique du Rassemblement national (RN) (28 %, + 4 points) et la désapprobation massive des prises de position de Jean-Luc Mélenchon constituent un fait notable et interpellent, même si le conflit n’explique évidemment pas tout.

L’enquête fait ainsi apparaître la très grande singularité des électeurs de LFI, y compris au sein de l’espace des gauches, et combien les événements du 7 octobre, date de l’attaque du Hamas contre Israël, ont ajouté une fracture supplémentaire au sein d’une Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) déjà amplement fragilisée.

La spécificité des prises de position des différentes familles politiques apparaît d’emblée sur un indicateur simple, celui de la sympathie, de l’antipathie ou de l’indifférence à l’égard des Israéliens, des Palestiniens, du Hamas et du gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Chez les Français, la balance penche en faveur des Israéliens : 53 % de sympathie, 18 % d’antipathie, contre 45 % et 25 % à propos des Palestiniens. Dans toutes les catégories politiques, la sympathie à l’égard des Israéliens est majoritaire… sauf chez les sympathisants de La France insoumise, où elle tombe à 41 % seulement.

En revanche, 72 % de ces mêmes sympathisants éprouvent de la sympathie pour les Palestiniens, chiffre qu’on ne retrouve dans aucune autre famille politique. Certes, le clivage gauche-droite fonctionne sur cet indicateur, les sympathisants écologistes et socialistes éprouvant un peu plus de sympathie à l’égard des Palestiniens que des Israéliens. Mais ce qui frappe, c’est bien que chez eux, le différentiel de sympathie entre ces deux peuples n’est que de quelques points alors qu’il est massif au sein de La France insoumise (31 points d’écart). Rappel utile : nous parlons là de la perception des peuples, pas du gouvernement israélien. Il y a donc incontestablement une hostilité à l’égard des Israéliens bien plus grande chez les sympathisants de LFI que dans la population tout entière et qu’au sein des gauches.

Inversion de la hiérarchie des responsabilités

Le deuxième point à relever est que le Hamas génère 6 % de sympathie chez les Français (soit tout de même un peu plus de 3 millions de personnes…) et 72 % d’antipathie mais que ce taux monte à 14 % chez les sympathisants de La France insoumise – et 13 % chez ceux du Parti communiste (PCF). Le refus de le taxer d’organisation terroriste et la volonté de le présenter comme un mouvement de résistance produit à l’évidence ses effets. De fait, à la question « Le Hamas est-il une organisation terroriste ? », 78 % des Français répondent oui et 6 % non.

Chez les sympathisants de La France insoumise, ce chiffre est également majoritaire – donnée manifestement non prise en compte par les responsables de cette formation… –, mais il est de 19 points en retrait de la moyenne des Français puisqu’il s’établit à 59 %. Surtout, 23 %, soit près d’un sympathisant LFI sur quatre, estime que le Hamas n’est pas un mouvement terroriste. Un résultat que l’on ne retrouve ni à droite, ni au PCF (9 %), ni chez les écologistes (3 %) ou au Parti socialiste (PS, 7 %). Là encore, singularité…

Interrogés plus spécifiquement sur le fait de savoir si le Hamas et Israël sont ou ne sont pas « responsables de la situation actuelle de la population civile palestinienne à Gaza », indicateur qui permet de mesurer les effets dans l’opinion des bombardements Israéliens, 88 % des Français considèrent que le Hamas est responsable de la situation et 65 % que c’est Israël. Un écart de 23 points qui reste significatif, même si la responsabilité perçue est forte chez les deux protagonistes. Pour autant, là encore, les sympathisants de LFI se singularisent puisqu’ils sont la seule famille politique à inverser la hiérarchie des responsabilités : chez eux 84 % estiment que la responsabilité est du côté israélien, 72 % du côté du Hamas.

Pompiers incendiaires

Reste à explorer la perception spécifique de Jean-Luc Mélenchon et de ses prises de position à propos du conflit entre Israël et le Hamas : 9 % seulement des Français l’approuvent et 57 % le désapprouvent, soit le plus fort niveau de rejet de toutes les personnalités testées. Un résultat d’autant plus important que 50 % seulement des sympathisants LFI l’approuve, près d’un sur quatre (23 %) étant dans la désapprobation – le reste des sondés estimant n’avoir pas assez d’éléments pour juger. Surtout, cette désapprobation atteint 62 % chez les sympathisants du PCF, 54 % chez ceux d’Europe Ecologie-Les Verts et 59 % chez ceux du PS. Une fracture aussi réelle que profonde à gauche.

Enfin, et ce n’est pas le moindre, les propos de Jean-Luc Mélenchon et de certains responsables de La France insoumise sont perçus par 46 % des Français comme des propos qui « vont au-delà de la critique d’Israël, sont antisémites et attisent l’antisémitisme au sein de la population », 35 % estimant qu’ils « ne sont pas directement antisémites mais contribuent, dans les arguments utilisés pour critiquer Israël, à attiser l’antisémitisme au sein de la population » et 18 % seulement qu’ils « ne sont pas antisémites et expriment simplement une critique de l’action d’Israël ». Antisémites ou pompiers incendiaires, tel est le jugement des Français. Mais il est aussi partagé par 33 % des sympathisants LFI, 72 % des sympathisants PCF, 78 % des écologistes et 81 % des sympathisants socialistes.

En résumé, une stratégie mortifère pour La France insoumise et la gauche tout entière, dont on verra si elle s’atténue dans le temps ou pas.

Sondage Ipsos-Sopra Steria, réalisé pour Sciences Po et Le Monde du 29 novembre au 12 décembre, sur un échantillon de 11 691 personnes, représentatif de la population française inscrite sur les listes électorales, âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas).

© Michel Jefroykin © Brice Teinturier

On ajoutera, cherry on the cake, médaille de la turpitude, les déclarations de “Thomas Porte”, lequel estime “qu’il est “inacceptable que des citoyens français participent aux opérations de l’armée israélienne, ces crimes de guerre. En conséquence, le … “député” appelle à … “traduire en justice les soldats israéliens ayant également la nationalité la nationalité française et qui combattent actuellement les terroristes du Hamas dans la bande de Gaza: “Au regard des crimes de guerre commis par l’armée israélienne, aussi bien à Gaza qu’en Cisjordanie, il est inacceptable que des citoyens français y participent”.

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