Le billet de Philippe Bilger
Sorti de prison, où il avait purgé entre 2016 et 2020 une peine pour avoir fomenté une attaque dans le quartier des tours de la Défense, Armand Rajabpour-Miyandoab n’a eu de cesse de dire aux médecins, à ses proches et à la police qu’il s’était « déradicalisé ». Aujourd’hui, la réalité des troubles psychologiques du terroriste interroge autant que la qualité de son suivi médical et judiciaire.
Armand Rajabpour-Miyandoab, Franco-Iranien âgé de 26 ans, fiché S pour islamisme radical, armé d’un couteau et d’un marteau, a tué à Paris dans la soirée du 2 décembre un touriste allemand et blessé deux autres personnes. Il a été appréhendé par des fonctionnaires de police de voie publique – dont l’un a usé d’un taser électrique pour le neutraliser – dont il faut saluer le remarquable professionnalisme. Je salue aussi le chauffeur de taxi courageux dont l’intervention a sauvé une femme.
“Pas d’amalgame”, saison 47
Manuel Bompard (LFI) a déclaré qu’il ne faut pas tirer de “leçon générales” de ces péripéties criminelles. Bien sûr que si ! Sinon à quoi serviraient les tragédies qui en matière de terrorisme dispensent à peu près toujours les mêmes enseignements quand les auteurs sont appréhendés vivants ? Je tiens d’autant plus à ce type de considérations que les informations recueillies sur son parcours, sa condamnation pour association de malfaiteurs terroriste, l’exécution de sa peine – cinq ans dont un assorti d’un sursis probatoire -, la date de sa libération et les modalités de suivi, de traitement et de contrôle mises en place ensuite demeurent encore à préciser dans le détail.
Il me semble toutefois qu’au regard des éléments déjà sûrs, on peut tirer des observations que j’ai déjà eu l’occasion de formuler et qui me paraissent consubstantielles à la matière du terrorisme.
Les troubles psychiatriques et neurologiques dont le mis en cause a paru souffrir ont fait l’objet d’un traitement médicamenteux arrêté au mois de mars 2022 en accord avec le médecin, puis au mois d’août d’un suivi psychologique et d’une injonction de soins. Ils n’étaient sans doute pas imaginaires mais exploités par le principal intéressé au point qu’ils pouvaient aller de pair avec des résolutions criminelles renouvelées. C’est à cause de ce parallélisme que je me méfie toujours des appréciations des experts. D’ailleurs, au mois d’avril 2023, aucune dangerosité d’ordre psychiatrique n’était relevée. Pour les terroristes, et ce Franco-Iranien en particulier, on pourrait presque soutenir que la psychiatrisation est comme la continuation d’une lutte criminelle par d’autres moyens : un bouclier, une sauvegarde momentanés avant le passage à l’acte.
Certains qui l’ont connu de près n’ont d’ailleurs pas été dupes de ses simulacres. Des membres actuels ou anciens du programme Pairs ont confirmé n’avoir jamais cru en son déséquilibre.
Il ne faut jamais croire un terroriste sur parole.
Leur taqîya, notre Etat de droit
Je maintiens que le terrorisme, ses règles, son appréhension, sa nature et son discours ne doivent pas relever d’une criminalité ordinaire. Par exemple, créditer un terroriste d’une sincérité quand il se repent, qu’il affirme ne pas vouloir recommencer, est évidemment se laisser égarer par une malignité qui profite de notre Etat de droit. Pour commettre, une fois que la Justice aura été abusée, le crime qui sera toujours resté comme une finalité fondamentale.
Quelle absurdité d’avoir accordé même un soupçon de crédibilité, en 2016 et par la suite, aux dénégations de cet assassin de 2023 quand il affirmait avoir été « radicalisé mais ne l’être plus », et d’avoir accepté sa parole comme si elle était frappée de vérité alors qu’elle ne visait qu’à égarer. D’autant plus que par moments, tout au long de ce parcours – condamné en 2018, puis divers avec un suivi psychiatrique et neurologique -, il ne cachait pas la vérité : il admettait par exemple que le massacre de Nice ne lui avait pas déplu !
L’Etat de droit classique ne les concerne pas. Ils en profitent pour mieux tuer demain. La déradicalisation est un leurre. La folie est souvent un masque. Surtout, ne jamais, jamais, les croire sur parole.
© Philippe Bilger
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