Depuis Israël, Michel Jefroykin lit la Presse pour nous. “Les libérations, une horreur et un soulagement quotidiens – mais ce sera pourtant le plus facile”. David Horovitz

Des membres armés du groupe terroriste Jihad islamique accompagnaient les otages jusqu’à un point de rencontre avec la Croix-Rouge, aux côtés des terroristes du Hamas, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 28 novembre 2023. © AFP

Devant nous, une offre “tous contre tous” – la libération de tous les otages en échange de celle de tous les terroristes emprisonnés et la fin de la guerre. Israël aura plus que jamais besoin de son allié américain

Le cauchemar permanent vécu par Israël depuis le 7 octobre s’est transformé, ces derniers jours, en scènes que peu de nations – si ce n’est aucune – qui revendiquent la valeur de la vie ont été dans l’obligation de vivre ; des sentiments de joie, de soulagement profonds, mélangés à la crainte incessante et au déchirement.

Tous les jours depuis vendredi, la nation attend, impuissante, les armes réduites au silence, de voir si les mêmes monstres dépourvus de cœur qui ont massacré 1 200 des nôtres, dans leurs habitations et ailleurs, il y a quelques semaines, daigneront honorer un accord – écrire seulement ces mots paraît totalement ridicule et surréaliste – et s’ils nous permettront de retrouver ceux qu’ils ont odieusement arraché vivants de leurs familles, de leurs communautés.

Certains jours, le processus de libération s’est relativement bien déroulé. D’autres jours, les choses ont traîné. Dernièrement, ce processus compliqué a à nouveau subi des revers, le Hamas ayant préparé des cérémonies élaborées autour du transfert des captifs devant une foule d’admirateurs, sous une lumière éclatante, utilisant pour ce faire de multiples caméras.

Le Hamas torture ses otages une fois de plus, montrant à un monde instamment crédule son ostensible magnanimité (Hé, les gars, regardez ça ! Mia a encore son chien) et montrant avec malveillance à tous ceux qui ne le soutiennent pas, à Gaza, et à Israël, le contrôle et la puissance qu’il conserve sur son territoire.

Il a libéré des enfants devenus orphelins par sa faute et des enfants sans leurs mères ; il a maintenu en captivité tous les hommes, des pères. Il avait rapidement libéré une femme âgée qui avait expliqué avoir été bien traitée ; il avait réussi à créer un narratif qui est dorénavant lentement déconstruit par les récits du traitement effroyable qui était réservé aux otages – des témoignages apportés par ceux qui ont eu la chance d’être récemment libérés et en particulier par les proches d’enfants traumatisés.

Les premières heures d’Avigail Idan en compagnie de sa famille : sa tante Liron, son oncle Zuli, ses grands-parents Shlomit et Eitan, à l’hôpital pour enfants Schneider le 27 novembre 2023.
© Hôpital Schneider

Il a choisi de relâcher Avigail Idan, quatre ans, une petite ressortissante israélo-américaine dont les parents ont été tués devant ses yeux, afin d’attirer l’attention de Biden – trouvant un avantage à apaiser un président américain qui, espère-t-il, saura métamorphoser la “pause” en “cessez-le-feu” permanent.

Mais le Hamas a choisi de retenir par ailleurs un autre visage emblématique de l’innocence – Kfir Bibas, 10 mois, qui, avec son frère Ariel de quatre ans et leurs parents, déchirent la plaie encore béante dans le cœur des Israéliens et maintiennent la pression sur les leaders de l’État juif, qui savent que la guerre devra reprendre jusqu’à ce que le Hamas soit démantelé mais qui ont aussi indiqué qu’aucun effort ne devait être épargné pour rapatrier les otages.

Kfir Bibas. © Forum des Familles des otages et des portés-disparus

Et pourtant, ces journées insupportables des derniers jours, cette dernière phase dans une épreuve de force entre Israël et le Hamas qui a été si fatale à l’international a été sans aucun doute la partie la plus facile.

Les femmes et les enfants d’abord ?… Bien entendu, Israël a suspendu son assaut contre la machine de guerre du Hamas pour permettre les libérations. Les hommes âgés viendront après, peut-être certains pères ? Il est évident que la trêve sera prolongée s’ils peuvent être libérés.

Mais ensuite viendra l’offre des terroristes de libérer tous les otages qu’ils avaient enlevé le 7 octobre – il s’agira principalement de soldats et d’anciens soldats – contre tous les prisonniers sécuritaires palestiniens incarcérés en Israël : tous des meurtriers, tous les instigateurs, les cerveaux, les auteurs d’attentats terroristes, tous ceux qui ont notamment été capturés en Israël et rapidement après le 7 octobre.

Une offre qui sera probablement négociée par le Qatar – ce faiseur de trêve habile… dont le financement a aidé le Hamas à se maintenir au pouvoir. Et elle sera présentée et considérée par cette grande partie du monde qui est dans l’incapacité – ou qui ne souhaite pas – faire la distinction entre ceux qui cherchent à protéger la vie et ceux qui sont voués à y mettre un terme, comme éminemment raisonnable: vos hommes et vos femmes armés contre les nôtres.

Ditza Heiman, 84 ans, otage depuis le 7 octobre, est remise à la Croix-Rouge par des terroristes du Hamas et du Jihad islamique à Rafiah, dans le sud de la bande de Gaza, le 28 novembre 2023.
© AFP

Mais l’offre ne s’arrêtera pas là. Le retour du reste des otages israéliens nécessitera également de mettre un terme à la guerre.

Il n’y a probablement pas un seul ministre dans le gouvernement de la ligne dure du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui y consentira. Il y a d’ailleurs très peu de personnalités mainstream siégeant dans l’opposition qui l’accepteront.

Mais les familles ?… Loin d’être convaincues par l’argument affirmant que c’est l’offensive israélienne qui a suffisamment pressé le Hamas pour qu’il autorise ces remises en liberté, inquiètes à l’idée d’une reprise des combats qui pourrait porter atteinte à leurs proches, estimant qu’une offre “tous contre tous” pourrait bien être leur dernier espoir, certains pourraient supplier d’accepter un tel accord – et qui pourrait les en blâmer ?

Et que dire de la communauté internationale ? Une grande partie d’entre elle accusera Israël de pilonner Gaza sans nécessité avec toutes les morts et toutes les destructions conséquentes alors même qu’une opportunité est donnée de restaurer le statu-quo (ce qui revient à faire passer 1 200 Israéliens massacrés pour des pertes et profits ; à voir un Hamas en pleine jubilation encore au pouvoir à Gaza ; à renforcer la popularité de l’extrémisme islamique meurtrier en Cisjordanie et à encourager un Iran déjà férocement enhardi).

Et qu’en est-il, avant tout, des États-Unis et d’un président qui, jusqu’à présent, a constamment approuvé la détermination israélienne à éliminer le Hamas ?

Netanyahu a solennellement déclaré, au début du mois, qu’Israël “se dressera avec fermeté contre le monde si nécessaire” dans la poursuite de sa guerre contre le Hamas, jusqu’à l’ultime victoire.

Il est le leader le plus clivant de toute l’Histoire d’Israël ; un leader qui est à la tête du gouvernement le plus extrémiste et le plus dysfonctionnel depuis la formation de l’État, bénéficiant d’une réserve de soutien réduite comme peau de chagrin à l’international. Il est celui qui a supervisé la politique de tolérance à l’égard du Hamas et ce, depuis de nombreuses années. Toutefois, Netanyahu a raison quand il insiste sur la nécessité de détruire le Hamas ; il a raison quand il dit que le cerveau du 7 octobre, Yahya Sinwar, ne doit pas survivre ; il a raison quand il dit que la menace d’autres assauts similaires à celui du mois dernier doit être éliminée.

Le cas échéant, il ne fait aucun doute que le Hamas tentera de commettre des massacres à plus grande échelle encore ; que le Hezbollah et l’Iran redoubleront d’efforts pour effacer Israël de la carte ; que les citoyens israéliens ne retourneront pas vivre à proximité de nos frontières et qu’ils ne se sentiront plus en sécurité dans leur sommeil où que ce soit, dans cette nation qui fait la taille du New Jersey. Les extrémistes islamistes, tout à leur culte de la mort, recruteront et élargiront leurs actions partout.

Mais au-delà de ses potentielles exagérations, Netanyahu peut en effet défier une grande partie du monde – mais une grande partie seulement. Nous ne serions pas en mesure de “nous dresser avec fermeté” contre des États-Unis qui estimeraient que la guerre a terminé son cours.

Israël ne demande à aucun de ses alliés de risquer sa vie pour nous. Cela fait longtemps que nous déclarons que nous pouvons nous protéger seuls, et nous le faisons.

Mais Israël dépend des États-Unis au niveau pratique – pour les missiles intercepteurs défensifs qui sont largement venus à bout des milliers de roquettes qui ont été tirées en direction de l’État juif, ces dernières semaines, et pour l’approvisionnement constant en armements offensifs qui ont été utilisés par l’armée lorsqu’elle a attaqué le Hamas et ses infrastructures à Gaza. Presque huit semaines après le début de la guerre, l’armée échoue encore à fournir de manière fiable de la nourriture au nombre de soldats sans précédent qui a été rappelé ; elle n’était absolument pas prête pour un conflit aussi grave que celui-ci et sous-équipée en armes pour permettre de le continuer dans de bonnes conditions.

Si nous ne voulons pas dépendre des États-Unis à ce niveau pratique, nous devrons faire basculer un axe central de l’économie en le faisant passer du secteur high-tech à la fabrication d’armes. Ou plus exactement, nous aurions dû le faire il y a une décennie.

Presque huit semaines après le 7 octobre, notre cauchemar permanent nous montre Israël affrontant un Hamas qui reste largement fonctionnel ; qui fait avancer la même ambition génocidaire qui avait été ignorée par les leaders politiques et militaires alors même que le groupe terroriste s’entraînait au grand jour à planter son drapeau dans les profondeurs de notre pays ; qui a construit des infrastructures souterraines sous-estimées par Tsahal depuis des années et qui reste potentiellement capable d’envoyer des hommes armés dans des secteurs qui, selon les militaires israéliens, étaient sûrs.

Pour faire court, la guerre n’est pas encore terminée, loin de là. Et l’impératif de conserver le soutien vital des États-Unis est donc énorme. Ce qui signifie de faire tout ce qui est possible, dans des circonstances impossibles, pour minimiser, comme le demandent les Américains, les victimes civiles et les atteintes dans un Gaza où les soldats ne laissent derrière eux que des décombres, parce que des tueurs se trouvent à l’intérieur ou sous presque chaque bâtiment.

Le président américain Joe Biden et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, à Tel Aviv, le 18 octobre 2023.
© Haïm Zach/GPO

Dans un tweet paru mardi, Biden a déclaré que “le Hamas a lancé une attaque terroriste parce qu’il ne redoute rien de plus que de voir les Israéliens et les Palestiniens vivre côte à côte, dans la paix. Continuer dans la voie qui est celle du terrorisme, de la violence et de la guerre, c’est offrir très précisément au Hamas ce qu’il cherche. Nous ne pouvons pas le permettre”. Des phrases extraites d’un discours prononcé dimanche, au cours duquel il a répété que l’objectif poursuivi par Israël d’éliminer le Hamas était “un objectif légitime”.

Le président américain – ou ceux qui ont choisi de répercuter ces paroles en particulier sur les réseaux sociaux et en son nom – serait-il en train de signaler un changement de positionnement dans son soutien à la guerre ? Ou dit-il seulement l’évidence, à savoir que le Hamas ne recherche rien d’autre que la guerre ? C’est probablement la dernière hypothèse.

Mais les États-Unis veulent des objectifs contradictoires – qu’Israël démantèle le Hamas mais qu’il le fasse sans tuer un trop grand nombre de Gazaouis qui peuvent soutenir ou ne pas soutenir le Hamas, et sans évacuer les Gazaouis qui sont utilisés comme boucliers humains par le groupe terroriste de leurs habitations.

Et pourtant, sans l’administration américaine aux côtés d’Israël – une administration répétant les enjeux à fois moraux et pratiques du conflit, défiant les pressions internationales et domestiques, donnant à Israël les moyens de combattre – les conséquences seraient plus que brutales. Nous serions perdus.

© David Horovitz

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