Alexandra Laignel-Lavastine. L’allocution du brave  soldat Švejk – Pour vous éviter le vrai discours présidentiel-

“En France, c’est-à-dire nulle part …”, un certain dimanche matin de l’an de grâce 2023

Françaises, Français, mes chers compatriotes !

Alors que nous célébrons en ce week-end du 11 novembre la signature de l’armistice et la victoire de 1914-1918, je me réjouis du fond du cœur : vous aurez été nombreux à défiler “Contre l’antisémitisme et pour la République”, bien conscients que le “problème juif” en Europe est toujours, d’abord et avant tout, celui des non-Juifs et de la démocratie dans son ensemble.

J’y vois un grand motif d’espérance.

Du même coup, certains se sont peut-être étonnés de ne pas m’y voir prendre la tête des cortèges, ainsi que l’aurait commandé le sens du moment historique. Mais il y a aussi le pragmatisme. Et il m’incombait à moi, le chef de l’Etat, d’y être sensible. Une tâche parfois ingrate. Aussi est-ce en même temps le cœur serré qu’il m’a fallu céder aux querelles politico-politiciennes hors de saison qui nous agitent depuis une semaine sur la question de savoir s’il fallait, ou non, apparaître au côté du Rassemblement national. Je vous l’avais déjà dit il y a quelques jours, il ne faudrait pas que la lutte contre l’antisémitisme en vienne à dissimuler une sorte d’hostilité envers la communauté musulmane, plus précisément envers la frange radicalisée de celle-ci. Là est bien le principal danger. Je relève d’ailleurs que l’imam de la Grande mosquée de Paris m’a lui-même donné raison en avertissant de son côté contre la tentation criminogène qui consisterait à monter les communautés les unes contre les autres au prétexte de manifester contre l’antisémitisme. Quand les Juifs rasent les murs, il faut se garder de toute islamophobie, bref, savoir hiérarchiser les priorités et les dangers.

C’est donc dans l’honneur, oui, mais sans concertation cette fois avec l’ennemi puisque l’ennemi, le déni, est désormais en nous-même, que j’ai choisi de me défiler tandis que vous défiliez.

Vous le comprendrez, j’ai dû choisir en responsabilité de répondre à un triple appel. À l’appel de la « rue arabe », celle de nos banlieues largement islamisées. À l’appel d’une autre « rue arabe », celle du Quai d’Orsay. Enfin à l’irrésistible appel exercé par la démission de vastes segments de nos élites – politiques, médiatiques, artistiques et intellectuelles, sans doute irrécupérables. Sûr, donc, de la confiance du peuple tout entier ou presque, j’ai décidé de faire don de ma personne à la France. Pour atténuer son malheur.

         Cette manifestation n’en porte pas moins un motif d’espoir quand, partout sur la planète, la haine antijuive explose dans de folles proportions et comme jamais depuis les années 1930, y compris en France, la patrie de l’Affaire Dreyfus et le premier pays d’Europe à avoir émancipé les Juifs. Un motif d’espoir, quand l’Europe, qui a déjà dû peiner pour pardonner Auschwitz aux Juifs, doit cette fois encore puiser en elle-même les ressources censées lui permettre de leur pardonner les sanglants massacres du 7 octobre dernier, les plus importants depuis la Shoah. La première fois, les Européens ont dû supporter la honte. Mais voilà que la seconde fois, il leur faut surmonter une nouvelle épreuve :  se taire tandis que l’Etat hébreu entend se défendre. Les Israéliens sont-ils bien conscients qu’on ne saurait pas non plus éternellement demander l’impossible aux nations ?

Si l’Europe s’est officiellement construite sur le “plus jamais ça”, le ça est revenu ce 7 octobre et commence à bien faire dans l’esprit de beaucoup. Voyez l’Angleterre ce vendredi, un pays où, depuis la boucherie du Shabbat noir, la haine antisémite a explosé de plus 1000% : près d’un demi-million de manifestants pour réclamer la fin des hostilités et le droit des Juifs à se laisser exterminer. Jusqu’à quand les Gentils vont-ils tolérer pareils désordres ? Et en France, plus de 1 100 actes antisémites recensés en un mois et, comme il fallait s’y attendre, un retournement tous azimuts de l’accusation de génocide contre ceux qui viennent d’en être les victimes.

Alors oui, l’heure est grave. Car comment les Juifs ne comprennent-ils pas qu’ils sont en train de perdre la bataille de la com’ en se mettant malencontreusement à dos les trois quarts de la planète ? Ils disent surtout se préoccuper de faire la guerre, et même une guerre de survie, bien déterminés, cette fois, à en finir avec leur ennemi. Mais à l’ère communicationnelle, la guerre contre un adversaire qui jure de vous tuer jusqu’au dernier n’est-elle pas d’un autre âge ? 

Il faut bien comprendre les ressorts de cette passion planétaire qu’est l’antisémitisme, un des aspects les plus épineux du problème venant de ce que les Israéliens de 2023 ne sont plus les Juifs de 1943. Si seulement les Israéliens pouvaient être des nazis, la donne s’en trouverait simplifiée, ce pourquoi cela commence aussi à se clamer un peu partout. 

Cela ne vous aura pas échappé, je donne moi-même de ma personne pour que nous n’en arrivions pas là. “Cessez-le-feu immédiat !”, dis-je, car comment oser des bombardements quand on mène une incursion terrestre à hauts risques et une guérilla urbaine redoutable en territoire ennemi, même si Tsahal veille à prévenir les populations civiles de ses frappes ? Voyez en juin 1944, au moment d’un Débarquement qui nous a libéré du nazisme : la France fut lourdement bombardée car il fallait, disait-on, affaiblir l’Occupant et cibler ses points stratégiques. Et même pas de couloirs humanitaires, comme ceux qu’autorisent aujourd’hui l’armée israélienne pour minimiser les pertes civiles. C’est qu’à l’époque, les Français Libres du général de Gaulle et leurs alliées étaient bien cruels. Ne parlons même pas de l’armée Rouge à Stalingrad ou Berlin. Depuis, nos mœurs se sont adoucies. Depuis, la soumission est en marche et comment ne pas s’en féliciter.

D’où mon humanitaire conférence de la semaine dernière, qui n’a malheureusement réuni qu’un bal d’hypocrites et de second couteaux. Il y avait bien la Croix-Rouge, dont le patron, autrefois favorable aux nazis, avait veillé, pendant la dernière guerre, à visiter un certain nombre de camps nazis. Une organisation qui persiste aujourd’hui dans la même veine en refusant de s’intéresser aux 240 otages retenus à Gaza, hommes, femmes et enfants, dans des conditions qu’on n’ose imaginer.

Il y avait encore là les représentants si tolérants de l’UNRWA. Voilà en effet des années qu’ils ferment les yeux et autorisent le Hamas à se servir de leurs infrastructures – écoles, jardins d’enfants et hôpitaux – pour y placer leur arsenal de guerre. Pourquoi des enfants et des malades ne serviraient-ils pas de boucliers humains ? Mais l’heure n’était évidemment pas aux vaines polémiques. Une seule urgence : exhorter d’une main l’armée israélienne à arrêter ses frappes et ainsi espérer contraindre le pays à exposer la vie de ses soldats, de ses fils et de ses filles, tout en réaffirmant de l’autre son droit à la légitime défense. Je vous l’accorde, ces contorsions n’avaient rien d’évident, aussi mes efforts n’en sont-ils que plus louables quoique confortés par des millions d’idiots utiles du Hamas de par le monde. Mais voilà encore que pour d’incompréhensibles raisons, l’Etat hébreu s’obstine et s’entête.

Je reviens à mon refus de manifester parmi vous contre l’antisémitisme en ce dimanche 12 novembre. Quitte à conforter le sentiment de solitude et d’abandon éprouvés par les Français juifs. Ils s’en remettront. Par contre, cette résilience n’est pas donnée à tout le monde. De fait, il n’échappe à personne qu’au sein de la France d’en haut, la plus grande panique règne forcément à bord depuis la contre-offensive du 27 octobre. Pourquoi sommes-nous à ce point tétanisés ? 

D’abord, parce que nous avons un double problème sur les bras, notre territoire abritant à la fois la plus importante communauté juive et la plus importante minorité musulmane d’Europe. Une réalité qui ne poserait pas de problème particulier si l’islam n’était en train de se radicaliser partout depuis vingt ans, tandis que les nouvelles générations et les nouveaux venus s’intègrent de plus en plus mal. Inutile de vous rappeler sur ce point les tueries islamistes qui ont ensanglanté l’Hexagone en 2015 et 2016, de Charlie à la promenade des Anglais à Nice, en passant par le Bataclan et autres décapitations ou assassinats survenus depuis. Il va en effet de soi que la radicalisation islamiste a encore progressé depuis 2016, grâce à notre complaisance, à notre lâcheté et à notre aveuglement. 

Mettez-vous à ma place : et si des hordes ensauvagées de jeunes issus de nos quartiers émotifs, chauffés à blanc par la propagande anti-israélienne qui se déchaîne sans frein depuis un mois, décidaient de sortir les scooters et les armes qui s’accumulent dans les caves de leurs cités pour aller faire des cartons dans les quartiers notoirement habités par des Juifs, mais aussi par nombre de « Français innocents » ? Il ne manquerait plus que l’équivalent des massacres perpétrés dans les kibboutz du sud d’Israël surviennent dans nos villes et jusque dans nos foyers.

Ensuite, imaginez qu’Israël, dont l’opération au sol se déroule beaucoup mieux que prévu, gagne cette guerre, ainsi que la tournure prise par les événements le laisse craindre à l’heure où je vous parle. Ce serait terrible. Imaginez en effet que finisse par nous être reproché le soutien indéfectible que nous n’avons cessé de fournir aux Palestiniens de Gaza depuis quinze ans, c’est-à-dire, pour être plus précis, au Hamas et à lui seul, à un régime de dictature qui n’a évidemment cure de sa population. Pis, les informations qui nous parviennent à cet égard le confirment tous les jours depuis le début de l’opération au sol à Gaza, d’où l’extraordinaire difficulté où nous sommes : non seulement il apparaît au grand jour que notre aide a été massivement détournée pour servir notamment à creuser des tunnels d’attaque, une véritable ville souterraine (qui aura englouti plus d’un milliard d’euros tout droit sortis des poches du contribuable). Mais il ressort également qu’il n’est pas une école, pas une mosquée ni un seul hôpital qui, à Gaza, n’abrite dans ses sous-sols des batteries lance-missiles, des fabriques d’armements et d’explosifs ou encore des cellules du Hamas, comme sous l’hôpital Shifa, qui sert de QG au commandement de l’organisation terroriste, d’où l’âpre bataille qui s’y déroule. Quant aux civils gazaouis, nul ne peut plus nier désormais que le Hamas s’évertue par tous les moyens à les empêcher d’évacuer les zones bombardées, quitte à les tuer en masse et à retenir en otages des milliers de familles. Au point que les soldats de Tsahal doivent quotidiennement s’interposer entre ces populations et la branche armée de l’organisation au pouvoir dans l’enclave. À cet égard, la multiplication des informations, des vidéos et des images qui nous parviennent, dûment étayées et vérifiées, ne laissent malheureusement plus planer le moindre doute.

“Nous vaincrons car nous sommes les plus forts”, clamait-on en France avant juin 1940. Nous avons retenu la leçon et avons compris, depuis, qu’il nous fallait inverser ce slogan : “Nous vaincrons, car nous sommes les plus morts”. Vaincre est passé de mode. Nous durerons et nous subsisterons, là est l’essentiel, fut-ce dans l’abdication de toutes nos valeurs. “Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre”, disait Churchill.

Il avait tort car en ces heures douloureuses, je tiens à vous rassurer : nous n’aurons pas la guerre car nous n’avons aucune intention de la livrer. Sur ce point, je résisterai comme un lion et me montrerai intraitable. Aujourd’hui, je ne vous dirai donc pas, le cœur serré, qu’il faut cesser le combat. À l’adversaire, je garantis que nous ne l’engagerons pas. Et avec toute la solennité requise, je lui dis à lui, droit dans les yeux : nous demeurerons l’arme aux pieds. Et à vous, malheureux manifestants de ce dimanche 12 novembre 2023, à vous Juifs et non-Juifs qui, dans votre dénuement, avez cru bon sillonner le pavé, j’exprime ma compassion et ma sollicitude.

Pendant ces dures épreuves, je vous demande, mes chers compatriotes, de vous regrouper autour de mon gouvernement et de faire taire votre angoisse pour n’écouter que votre foi dans le destin de la patrie.

Pour vous y aider, et pour occulter l’inopportune coïncidence de la victoire (1918) et de la chute (2023), mes conseillers en communication m’ont suggéré une veillée patriotique et populaire, qui s’est déroulée pour la toute première fois sous l’Arc-de-Triomphe en ce 11 novembre 2023, à l’occasion du centenaire du premier allumage de la flamme du soldat inconnu.

Vive la République et vive la France !

© Alexandra Laignel Lavastine

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2 Comments

  1. Tout est dit, et le défilé du 12 octobre, c’est la tristesse dans les yeux de tous ces moutons, pas un seul berger au regard clair pour les garder des loups, pas un seul “Israel vaincra”, pas un seul “Hamas assassin”, pas un seul “LFI, islamo-nazis”

  2. Alexandra Laignel-Lavastine, nous l’apprécions pour sa sa drôlerie et son humour décapant. Elle nous relate la macronie dans toute sa lâcheté, la poudre aux yeux d’un président assujetti à la premiére religion de France : l’islam et le président des français s’y soumettant, en sacrifiant les Juifs de France .

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