Liliane Messika. Quand l’ONU s’en mêle, Guterres s’emmêle les pédales

António Guterres, le Secrétaire général des Nations unies, 9 octobre 2023
© Craig Ruttle/AP/SIPA

Le Hamas a lancé sa guerre contre Israël : « Déluge al-Aqsa ».

L’État juif a répondu par l’opération « Épées de fer ».

Le Secrétaire général de l’ONU se croit dans un jeu vidéo.

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Le Droit international prend la parole

Antonio Guterres a, pour la première fois, prononcé une “condamnation absolue des attaques odieuses menées par le Hamas et d’autres contre des villes et des villages israéliens dans la périphérie de Gaza, qui ont fait plus de 800 morts et plus de 2 500 blessés parmi les Israéliens. En outre, plus d’une centaine, voire plus, d’Israéliens – civils et militaires – auraient été capturés par des groupes armés, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées”.[1] 

Habituellement, l’ONU ne se réveille qu’au moment où Israël entame les représailles. Lors de la dernière guerre que le Hamas avait entreprise contre lui, la réaction du Secrétaire Général avait été de nommer une commission ad æternamdirigée par une antisioniste notoire, Navi Pillay, mandatée pour rechercher exclusivement des traces de crimes du côté israélien : “toutes les causes profondes des tensions récurrentes, de l’instabilité et de la prolongation du conflit, y compris la discrimination et la répression systématique fondées sur l’appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse”. 

Navi Pillay s’y emploie, depuis le 27 mai 2021, avec toute l’objectivité qu’elle avait déjà démontrée auparavant dans ses différentes  “campagnes contre Israël, notamment en signant des lettres au président Biden l’exhortant à mettre fin à l'”oppression” israélienne, et en signant des appels au boycott qui appellent à “sanctionner Israël État d’apartheid”[2]. Elle doit être impatiente, sur les starting blocks pour le prochain épisode.

Excusisme obligatoire

“Tout en reconnaissant les préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité, je lui rappelle que les opérations militaires doivent être menées dans le strict respect du droit humanitaire international. Les civils doivent être respectés et protégés à tout moment”, a affirmé Antonio Guterres, plus à l’aise dans son registre habituel que dans la compassion vis-à-vis d’une démocratie.

On se perd en conjectures sur le sens exact de cette phrase, surtout à cause des deux autres qui la précèdent : d’abord, l’aveu que “le Hamas et le Jihad islamique palestinien ont lancé des milliers de roquettes aveugles qui ont atteint le centre d’Israël, y compris Tel-Aviv et Jérusalem” et à sa suite, la reconnaissance des “griefs légitimes du peuple palestinien”, qui ne justifient cependant pas “ces actes de terrorisme et le meurtre, la mutilation et l’enlèvement de civils”. Chef, chef ! Les missiles, on peut, avec nos griefs légitimes, Chef ? 

Israël a des préoccupations légitimes, que l’ONU en la personne de M. Guterres veut bien reconnaître, mais ses civils n’ont pas à être respectés et protégés parce que Gaza, n’étant pas un État de jure, seulement de facto, n’a pas à respecter non plus le droit humanitaire international ?

“Nous disposons déjà d’informations selon lesquelles des missiles israéliens ont frappé des établissements de santé à l’intérieur de Gaza, ainsi que des tours d’habitation à plusieurs étages et une mosquée”.  En effet, les ripostes israéliennes visent les endroits d’où partent les missiles palestiniens, suivant les principes de la guerre énoncés par Clausewitz, en l’occurrence, celui du ‘retour à l’envoyeur’. Les infrastructures civiles ne doivent jamais être prises pour cible. Si elles abritent les bases de lance-missile, cela signifie-t-il qu’elles jouissent d’une immunité immuable ?

“Je suis profondément bouleversé par l’annonce faite aujourd’hui par Israël de l’instauration d’un siège total de la bande de Gaza, où rien n’est autorisé – ni électricité, ni nourriture, ni carburant”.  Si M. Guterres était capable de prendre autant de recul vis-à-vis des agresseurs que celui qu’il montre au détriment des agressés, il ne serait pas “profondément bouleversé”, il reconnaîtrait que les préoccupations légitimes des civils palestiniens en matière d’électricité, de nourriture et de carburant ont été sacrifiées à l’effort de guerre exterminatrice mené depuis 18 ans par le Hamas contre l’État voisin.

Le Secrétaire Général est un politique avant tout 

Quand on pilote un “machin” constitué de 95 dictatures et 72 démocraties[3], on sait qui on doit flatter et sur qui on peut cogner. C’est pourquoi Guterres “réitère (s)on appel à cesser immédiatement ces attaques et à libérer tous les otages”, mais c’est “instamment” qu’il “demande à toutes les parties concernées d’autoriser l’accès des Nations unies afin qu’elles puissent apporter une aide humanitaire urgente aux civils palestiniens pris au piège et sans défense dans la bande de Gaza”.  Car il est vital “de se projeter dans le long terme et d’éviter toute action irréversible qui enhardirait les extrémistes et réduirait à néant toute perspective de paix durable”.  C’est bien connu, ce sont les actions initiées par Israël qui enhardissent les extrémistes. De fait, depuis quelques semaines, l’État juif avait assoupli les échanges avec Gaza et, en particulier, accordé des permis de travail à 15 000 Gazaouis supplémentaires.

Les perspectives de paix durables n’ont jamais existé : il n’y a, pour le savoir, qu’à lire la charte du Hamas, telle qu’elle figure sur le site du Sénat français[4]. Elle dit explicitement que la disparition d’Israël doit être l’objectif de tout musulman et que le jugement dernier ne se passera pas tant qu’un seul Juif sera encore en vie : 

“La terre de Palestine est une terre islamique (waqf) pour toutes les générations de Musulmans jusqu’au jour de la résurrection. Il est illicite d’y renoncer en tout ou en partie, de s’en séparer en tout ou en partie”. (Article 11) ; “Renoncer à quelque partie de la Palestine que ce soit, c’est renoncer à une partie de la religion” (Article 13) ; “Le peuple palestinien a trop d’honneur pour dilapider son avenir, son droit et son destin en activités futiles [les initiatives de paix]” (Article 13) ; “L’Heure ne viendra pas avant que (…) les pierres et les arbres eussent dit : ‘Musulman, serviteur de Dieu ! Un Juif se cache derrière moi, viens et tue-le’.” (Article 7)

Si perspectives de paix il y a jamais eu, elles ont été anéanties en juillet 2005, quand les Israéliens, en se retirant de Gaza, ont laissé intactes les infrastructures qui avaient permis à leurs citoyens de cultiver et de produire de quoi nourrir toute la Bande. Mais les Gazaouis les ont détruites, avec la synagogue locale, en moins de temps qu’il n’en faut pour dire “merci”. 

Petites histoires à dormir debout sur l’Histoire majuscule

“Les violences les plus récentes ne sont pas le fruit du hasard. La réalité est qu’elle découle d’un conflit de longue date, avec une occupation qui dure depuis 56 ans et aucune fin politique en vue. Il est temps de mettre fin à ce cercle vicieux d’effusion de sang, de haine et de polarisation”.  Dans la réalité parallèle où évolue Monsieur Guterres, il y a une occupation qui dure depuis 56 ans. Sur terre, à Gaza, l’occupation a cessé depuis 18 ans, exactement depuis juillet 2005. Pendant ces 18 années, les autorités en place avaient tout loisir de construire des infrastructures qui, aujourd’hui, leur aurait fourni, en toute autonomie, ce dont Israël va le priver par un véritable blocus.

“Israël doit voir ses besoins légitimes de sécurité se concrétiser – et les Palestiniens doivent voir se réaliser une perspective claire pour la création de leur propre État. 

Seule une paix négociée répondant aux aspirations nationales légitimes des Palestiniens et des Israéliens,… [la) solution à deux États, … peut apporter une stabilité à long terme aux peuples de ce pays et à la région du Moyen-Orient dans son ensemble”. 

L’encéphalogramme plat de Monsieur Guterres n’a pas enregistré que la solution à deux États s’est déjà réalisée avec plus de deux États palestiniens créés sur le territoire de la Palestine mandataire (120 000 km2 en tout) : la Jordanie (89 340 km2) et Gaza (365 km2), plus un futur État déjà administré par l’Autorité palestinienne, représentée par Mahmoud Abbas, élu en janvier 2005 pour quatre ans (Cisjordanie : 5860 km2) et peuplé de 5,9 millions de « réfugiés » issus des 600 000 d’origine, contre lesquels l’État juif est régulièrement accusé de pratiquer un “génocide”[5].

En face, il reste Israël : 22 145km2, 9 millions d’habitants dont 7 millions de Juifs et 2 millions d’Arabes (issus des 156 000 qui n’ont pas fui la guerre menée contre Israël le jour de son indépendance par 5 pays arabes).

Nul doute que si la Judée Samarie (ainsi nommée dans la Bible et par l’ONU dans le plan de partage), devenue Cisjordanie par la grâce des médias français, obtenait le statut d’État, celui-ci serait aussi garant de paix et de stabilité internationales que son grand frère Gazaoui.

© Liliane Messika


Notes

[1] www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2023-10-09/secretary-generals-remarks-the-press-the-situation-the-middle-east

[2] https://unwatch.org/unhrc-chief-defends-navi-pillay-on-israel-inquiry-despite-her-sanction-israeli-apartheid-campaign/

[3] www.eiu.com/n/campaigns/democracy-index-2022/

[4] www.senat.fr/rap/r08-630/r08-630-annexe2.pdf

[5] Le président vénézuélien Nicolas Maduro a accusé lundi 9 octobre 2023 Israël de « génocide » contre les Palestiniens, après l’annonce israélienne d’un « siège total » de la bande de Gaza. 

www.ouest-france.fr/monde/venezuela/le-president-venezuelien-maduro-accuse-israel-de-genocide-contre-les-palestiniens-7f1ba9d8-13ff-409e-b73f-aee49704f38a


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