Mémoire juive de Béziers. “Les leçons de sagesse de Francine”

Parmi nos auditeurs les plus attentifs des journées du patrimoine, il y avait cette jolie petite dame au visage et au sourire si doux, qui était venue accompagnée d’une amie. Le vent dérangeait ses boucles rebelles et de temps en temps elle tentait de les discipliner d’un geste gracieux de la main.

Elle vibrait à l’écoute de l’histoire des juifs de Béziers, et frémissait à l’évocation des misères endurées à l’époque de l’abominable coutume de la lapidation. J’ai compris pourquoi quand nous avons commencé à discuter.

“J’ai 95 ans. On se fait vieux, mais c’est beau de pouvoir vieillir, tout le monde n’a pas eu cette chance. Mes parents étaient des juifs polonais. Ils sont venus s’installer en France après leur mariage. Ils aimaient beaucoup ce pays qui les avait accueillis. C’est pour cela qu’ils m’ont appelée Francine.

Mon père s’appelait Blajmann. C’était un homme très pieux. Il était ministre officiant à Pont à Mousson. De Nancy nous avons déménagé à Limoges où il y avait une grande communauté. Il y avait des gens qui étaient gentils avec nous, et d’autres pas du tout. A limoges, comme j’avais dû manquer des contrôles, ma maîtresse s’acharnait à me punir. Pendant la guerre mes parents ont reçu le soutien de gens qui les ont aidés à se cacher. Ma sœur et moi avons été confiées par l’ORT à un home d’enfant en Suisse. 

Plus tard je me suis mariée. Mon mari était grand résistant à Pau. C’était un maquisard. Il a été blessé à la Libération et décoré de la Légion d’Honneur. On a beaucoup vécu sur Avignon. Mon mari était champion de France de bridge. Pendant le tournoi de Monaco nous avons même été invités à la table du prince. Nous étions commerçants, comme tous les juifs (dit-elle en souriant), marchands forains.

Il y a 3 ans nous nous sommes installés sur Béziers. J’ai une fille et un fils qui est rhumatologue ici.

Tout ce que j’ai vécu, j’y repense souvent. C’était dur d’être juifs. Mais il ne faut jamais se plaindre. Ça aurait toujours pu être pire, ma mère me le disait toujours. Nous avons été aidés et sauvés par des gens. Alors il faut y penser mais essayer d’oublier le mauvais pour ne garder que les bons souvenirs. On est obligé d’avoir une certaine sagesse avec tout ce qu’on a subi. Mais ça ne reviendra plus jamais”.

Les journées du patrimoine ont apporté à Francine une moisson de beaux souvenirs. Touchée, parfois émue aux larmes, toute l’équipe de Mémoire Juive s’est empressée autour d’elle. Nous lui avons offert tous nos trésors : un badge d’Israël et un de notre association, une peluche de Yoffi le lion, un T-shirt Béziers Beders beaucoup trop grand pour sa frêle silhouette, une pomme et un petit pot de miel pour lui souhaiter Shana tova ! On aurait voulu faire tellement plus ! Et finalement nous avons réussi ! Comme Francine ne peut plus se déplacer pour se rendre à la synagogue, nous avons appelé notre rabbin, Avraham Nisenbaum, qui est venu sonner du chofar spécialement pour elle.

Je sais qu’elle lira ces lignes car son amie qui a Facebook a promis de les lui montrer, alors je lui adresse ce message pour lui dire toute mon admiration pour sa sagesse, et toute mon amitié.

Tribune juive se joint à Mémoire juive Béziers pour souhaiter Shana Tova à Françoise.

Mémoire juive de Béziers

L’association Mémoire Juive de Béziers a été créée en 2018 pour valoriser l’Histoire et le Patrimoine juifs de la ville.
Ce compte facebook, ainsi que notre site www.memoirejuive-beziers.org ne sont pas à destination seulement des personnes issues de la communauté juive, mais de tous les passionnés d’Histoire
et notamment de celle de la cité Biterroise.

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