Ils sont partis comme ils se sont aimés: Ensemble

Louis Velle avait cru bon de s’absenter de nos chemins en février, Frédérique Hébrard l’a enfin rejoint.

Il avait été un comédien à grand succès, un auteur de théâtre, tant de choses.

Frédérique était la fille d’André Chamson, de l’Académie Française. Ils étaient nîmois.

Je les avais rencontré deux ou trois fois chez Jean-Louis Barrault, et j’avais eu sous les yeux cet émerveillement de ces deux couples, Simone Valère et Jean-Louis, 50 ans de vie commune, il la guettait dans sa blancheur d’un oeil vigilant toutes les 5 minutes, elle, jalouse, faisait la non-voyante et de temps en temps se levait pour lui toucher l’épaule.

Frédérique et Louis, c’était plus encore. Une vie entière, 66 ans de vie d’amour, d’admiration mutuelle, de charme, de rires, de soucis, et ces yeux, ces yeux qui se regardaient sans cesse …

Une vie dans laquelle le désir ne s’était pas assouvi, l’amour était resté à veiller sur eux.

Mais ce qui m’avait le plus ému était l’immense respect de Louis pour celle qui partageait sa vie, il ne lui parlait pas comme à sa compagne, sa femme, son épouse, mais comme s’il la flirtait encore, avec tant de respect et d’admiration. Ce qui était amusant, je les ai rencontrés quand ils étaient sur les 40 ans de vie commune, était les regards avides de Frédérique sur Louis. Elle ne l’admirait pas, elle le mangeait.

Souvent, au détour d’un mot, ils se prenaient la main, se regardaient. Ils promenaient une bulle d’eux-mêmes dans la vie.

Ils sont partis presque main dans la main, sans maladie autre que le temps. Sentant sa fin s’approcher, Frédérique a dit seulement : “Enfin” …

Il y a de grandes et mystérieuses et belles leçons dans ces couples.

Ils ne se sont pas aimés, ils ont désiré s’aimer, il se sont choisis alors qu’ils devaient passer outre ce chemin.

Frédérique pensait qu’il était bien trop beau pour elle, et lui pensait que la fille d’un académicien…

Ils se sont parlé. Louis avait un petit engagement de tournée avec les Karsenty dans les théâtres de province. Chaque semaine, il envoyait une carte. Puis chaque jour. Elle lui répondait dans le prochain théâtre, parfois lui téléphonait avant la séance.

Louis avait été un homme à femmes. Ils disaient : “Elles se sont effacées devant elle la première fois que je l’ai vue”.

Elle disait : “Il était tellement différent … J’avais peur”.

C’est merveilleux de rencontrer cette rareté et de penser que le hasard et notre volonté peuvent s’allier dans une si belle aventure de la vie.

S’accompagner ainsi, se construire, se protéger, s’aider, se parfaire l’un l’autre, créer son monde dans le monde …

Peu de gens se souviennent d’eux. Nous vivons l’époque des chaos, des choses laides et inutiles, cependant chacun peut prendre route vers les nuages du ciel.

Il est bien évident que conter qu’on dînait avec Barrault et ses amis, quand plus personne ne sait qui ils étaient, fait moins de frais que de se vanter d’une muflée avec Hallyday et sa blonde.

J’ai eu beaucoup de chances d’être sur la route d’exceptions humaines. J’ai toujours ce parfum du rare et du sublime qui me colle à la peau.

Jean-Luc de Cabrières

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4 Comments

  1. Très émouvant 💘
    “L’amour intéressé ne dure pas, l’amour désintéressé se maintient toujours.”
    “Dieu réside au milieu d’un couple qui s’aime”
    (Le Talmud)

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