Liliane Messika. Ensauvagement

Lors d’un récent sondage pour Grand-Méchant-Média, on a appris que 89% des loups récusaient le dicton : “l’homme est un loup pour l’homme”.  En effet, quand une louve dit à son fiston : “Tu seras un homme, mon fils”, dans sa gueule, c’est tout sauf un compliment.

De fait, le terme “ensauvagement” ramène l’humain à ses fantasmes, plutôt qu’à la situation objective de l’espèce sur la planète Terre en 2023 et encore moins au comportement animal. “La violence animale naît de l’altération des lois de la nature, alors que la violence humaine naît de leur transgression dans la parole et la civilité[1]“, explique Boris Cyrulnik. 

Les animaux sauvages tuent pour manger, pas pour obliger leurs semblables à croire que la lune est constituée de fromage blanc ou qu’une couleur de peau est un signe extérieur de bonté alors qu’une autre signale une méchanceté ontologique. (Aie ! aie ! Pas sur la tête : on n’a pas dit de quelles couleurs il s’agissait !)

À défaut d’avoir trouvé un autre vocable pour désigner la perte de toute apparence de civilisation chez nos congénères, l’insatisfaisant “ensauvagement” devra faire l’affaire, car “décivilité” a été préempté par un jeune président velléitaire.

En effet, la violence étant le dernier refuge de l’incompétence (dixit Isaac Asimov), il en ressort que moins on est capable de communiquer en mode verbal, plus on est bête. 

Mais les bêtes sauvages ayant entrepris une action devant le tribunal du wokisme pour inscrire la criminalisation de la bêtophobie dans la Constitution, nous sommes à la recherche d’un équivalent qui ne nuise à la sensibilité d’aucun membre de la faune ou de la flore terrestre.

Quand la richesse est criminalisée, voler les riches devient un sport populaire, rarement puni, voire une bonne action dont il convient de se vanter. On l’a vu aux “révoltés par la mort de Nahel”, qui sortaient des magasins razziés les bras pleins de survêt’s de marque, quand les plus rapides poussaient des T.Max hors des concessions de scooters.

Quand il n’y a pas de vitrine à casser, on peut toujours s’en prendre à la voiture des voisins : “si  je ne l’ai pas, il n’y a pas de raison qu’un autre en profite”, d’où ce que les statistiques nomment “violence gratuite”, c’est-à-dire un vandalisme sans gain pour son auteur (voitures rayées, vitres cassées, poste incendiées, etc.)

L’ensauvagement devrait être une grande cause nationale dans notre pays, mais pour que cela se produise, il faudrait déterminer le pourcentage de population qui en est victime. 

Or les premières victimes du phénomène sont les instituts de sondages : quelle population vont-ils sonder, puisqu’il n’existe plus d’ensemble que l’on puisse nommer “les Français” ? Parleront-ils aux bobos dont l’escalier ne sent pas l’urine et dont l’ascenseur n’est pas colonisé par les dealers pour en faire leur bureau ? Aux habitants qui, n’ayant pas les moyens de changer de “quartier”, doivent subir ces atteintes à leur vie quotidienne ? Aux dealers eux-mêmes ?

Le peuple français des temps jadis (le XXe siècle) s’est d’abord scindé en Français d’en haut et Français d’en bas, les premiers urbains et les seconds périphériques. L’étape suivante de son évolution anti-darwinienne vit une multitude de communautés, amalgamées autour d’une plus petite victimitude commune, se battre férocement les unes contre les autres pour obtenir la plus grande part possible du gâteau aux amendes (le PIB) à coup de surenchères victimaires. 

Si on les écoute, le gâteau est voué à diminuer substantiellement, puisque leur souhait est de vivre dans un monde purgé de ses milliardaires[2].

Si la dogmaticlown qui a fait cette déclaration avait eu un cerveau, elle se serait au moins demandé d’où l’État tirerait les moyens de subvenir à tous les pauvres du monde à qui ces mêmes victimes veulent ouvrir tout grand les portes de notre pays.

Vaclav Havel, qui a vécu sous le joug communiste avant de devenir Président de son pays au retour de la démocratie, avait parfaitement décrit ce phénomène : “une lutte pour tout est forcément une lutte contre tout et ne peut se terminer tôt ou tard que par un massacre général”. 

Et sinon, c’était bien, vos vacances ?

© Liliane Messika


Notes

[1] www.amazon.fr/nourritures-affectives-Boris-Cyrulnik/dp/2738107915/

[2] https://www.ladepeche.fr/2023/01/18/nous-voulons-une-france-sans-milliardaires-marine-tondelier-secretaire-generale-deelv-sinsurge-contre-les-vampires-10934112.php


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