Hier, grand jour des premières fois, un jeune Juif de vingt ans a foncé avec sa voiture dans un groupe de manifestants et en a blessé trois

Un vote sur le projet de loi sur le caractère raisonnable à la Knesset, le parlement israélien à Jérusalem, le 24 juillet 2023. Yonatan Sindel/Flash90

Jusqu’au bout. Jusqu’au dernier instant. Jusqu’au dernier votant. On a voulu y croire. Toute la matinée on a suivi les tractations, les va-et-vient du ministre de la Défense, Yoav Galand, du chef de l’opposition, Yair Lapid, du président Herzog, et bien sûr de Netanyahu, sorti in extremis de l’hôpital pour participer au « vote historique ». On voulait croire que la sagesse l’emporterait sur la passion, et la raison d’État sur les ambitions. Que l’amour de la patrie, que notre histoire imposeraient l’union comme unique solution. Devant les écrans géants qui transmettaient en direct le déroulé du vote, alors que l’opposition avait quitté la salle en signe de protestation, on a cru que s’élèveraient contre ce coup de force des voix de la coalition, quelques-unes, deux ou trois, une peut-être, une nous aurait suffi, symbolique, pour prouver que nos représentants n’étaient pas tous assez fous pour creuser de leurs propres mains le fossé entre nous, entre frères. Qu’ils ne risqueraient pas la sécurité du pays. Que nous n’étions pas nous non plus complètement fous d’espérer.

Jusqu’au bout. Jusqu’au dernier instant. Jusqu’au dernier votant. On n’a pas voulu croire que sans un regard en arrière, notre Premier ministre nous abandonnerait. Malgré l’ombre de corruption qui plane au-dessus de lui et son art consommé, avéré, du mensonge – son talent de stratège, selon ses groupies, les bibistes –, personne n’imaginait qu’il pousserait le cynisme à ces extrémités. 

Ainsi, portant haut nos drapeaux, nous avons des jours durant entonné avec ferveur notre Hatikva, notre espoir. À tue-tête.

Dernier votant. Dernier « bead » – dernier pour. Pour l’abolition de la clause de raisonnabilité. Devant les écrans géants, chacun dans la foule se tasse. Assommé. Pas un député du Likoud n’a osé aller à l’encontre de la discipline de parti. Pas un. Alors que, en coulisse, certains exprimaient leurs réserves. Pas un ! Ce qui donne à réfléchir quant à leur conception de la démocratie. Quant à l’amour de la patrie ! Lorsqu’on sait que Netanyahou a refusé de rencontrer, pour un point avant le vote, le général d’armée Herzi Halevi, chef d’état-major de Tsahal, on peut s’interroger sur ses priorités. Pas un seul député pour dire qu’il nous a entendus.

Ce matin, le grand rabbin ashkénaze d’Israël, harav David Barouch Lau, a conclu son interview sur Galei Tsahal en ces termes : « On ne triomphe pas de ses frères, on fait la paix avec eux ». D’autres ont affirmé qu’hier, il n’y a pas eu de gagnants. Que des perdants. Possible. Mais la réalité nous permet d’en douter. Certains n’ont même pas attendu que le jour soit passé pour se comporter en vainqueurs, en maîtres, pour se lâcher.

Hier soir, la répression de la contestation s’est nettement intensifiée. Les vidéos qui circulent montrent que la retenue dont se félicitait jusqu’ici la police a fait place à la violence. Canons à eau dirigés sur les manifestants, à bout portant, directement, coups de poing au visage, emploi du « boesch », putois en français, un gaz puant insupportable, qui colle plusieurs jours à la peau, utilisé pour la première fois depuis le début du mouvement. Violence dont s’est déclaré satisfait aujourd’hui Itamar Ben Gvir, le triste sire, ministre de la Sécurité publique, bientôt de l’Insécurité publique.

Car la violence est contagieuse. Or, au cours de ces derniers mois, elle a été encouragée par diverses déclarations de dirigeants irresponsables. Et hier, grand jour des premières fois, un jeune juif de vingt ans a foncé avec sa voiture dans un groupe de manifestants, et en a blessé trois.

Triste. Tragique même, bien qu’il n’y ait pas eu de morts. Mais comme, finalement, rien ne sert de désespérer je préfère choisir de croire à un cas isolé. Et recommencer d’espérer.

© Judith Bat-Or

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