Gérard Kleczewski rencontre Gilles Emsellem, auteur de “L’héritage antijuif – Faits et documents” 

J’ai rencontré Gilles Emsellem à l’occasion d’un salon littéraire parisien. Il a écrit un livre qui mérite le détour : “L’héritage antijuif – Faits et documents” aux Éditions de l’Harmattan. J’ai tenu à échanger avec lui sur son ouvrage et sur certains des points qu’il soulève.

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Gérard Kleczewski : Bonjour Gilles Emsellem, vous êtes économiste et passionné par l’histoire juive. La retraite venue, vous avez décidé de réunir des documents historiques et des notes de lecture à l’attention des jeunes générations autour de la question de l’antisémitisme ou plutôt de l’antijudaïsme. Du reste vous dédiez votre livre à vos petites-filles Emma, Ava et Lena en leur soumettant le triptyque magique des 3C : Connaître Comprendre Combattre. Dites-nous en plus sur vos intentions

Gilles Emsellem – Bonjour Gérard. Bref retour en arrière : je lisais l’Histoire moderne du peuple Juif de Simon Doubnov. Il mentionnait un texte qui était pour lui, le texte le plus inhumain de l’histoire de l’humanité (je cite de mémoire) : la Constitution des Juifs de Rome.  J’ai voulu retrouver ce texte de 1775. Après de multiples et très longues recherches, j’ai fini par trouver, en anglais, l’Editto sopra gli Ebrei. Quatorze ans avant 1789, en plein siècle des Lumières, Pie VI, qui a le pouvoir régalien sur le ghetto de Rome confirme les règlements précédents, et les aggrave. Quarante-quatre articles qui privent les Juifs d’à peu près tout. Vous imaginez, quand cette autorité spirituelle a le pouvoir temporel, voilà ce qu’elle fait, et donc ce qu’elle préconise aux princes catholiques régnants. L’ignominie de ce texte m’a révolté, et j’ai eu envie de le partager. Connaître. Même si ce n’était pas votre ambition initiale, quand vous mettez bout à bout, de façon thématique les principaux textes qui ont jalonné l’histoire de l’antisémitisme, une idée prend forme, qui permet de relier les temps et les lieux. Comprendre. Et la rage vous prend, vous voulez apporter votre pierre à la lutte contre cette calamité. Combattre. 

GK : Pourquoi parlez-vous d’héritage dans votre titre et utilisez-vous le terme antijuif et pas antisémite ? 

GE – Avez-vous vu le documentaire de William Karel et Nellu Cohn, sur le pogrom de Iasi, en 1941 ? Une rescapée raconte qu’elle passe devant un voisin qui lui assène des coups de bâtons et elle lui demande : pourquoi ? Parce que vous avez tué Jésus. Vous. Mon épouse à l’école communale dans les années 60, a reçu comme une gifle, dans la cour de récréation : tu as tué Jésus. Tu. Cela vient de loin. Saint Augustin. L’Héritage. J’ai hésité avec la Tradition ou l’Habitude.  Des centaines d’années de médisance, de mesures discriminatoires, de tueries, ça laisse des traces. Vous connaissez la blague juive : Hitler veut tuer tous les Juifs et les coiffeurs ! Pourquoi les coiffeurs ?

Je n’aime pas le mot antisémitisme, parce qu’il donne l’impression que ce mot, créé fin XIX e siècle, décrit un phénomène nouveau, de cette époque. Pourtant, c’est bien ancien. En 1569, le pape Paul V, qui justifie son décret en expliquant que les Juifs sont des voleurs et des violeurs, sait bien que la religion juive, dans son acte fondateur, les dix commandements, interdit le vol et le viol. Les arguments théologiques, c’est trop compliqué pour ses ouailles. Alors, à l’appui de son antijudaïsme, il invente des tares supposées qu’auraient les Juifs. Le peuple Juif. 

Je n’aime pas non plus le mot antisémitisme parce qu’il me semble un peu trop policé, comme le mot israélite. Il faut appeler, un chat, un chat. Il me semble d’ailleurs, que le président du Congrès Juif Mondial, Ronald Lauder, demande lui aussi qu’on arrête de parler d’antisémitisme, et qu’on utilise : the hate of Jews, la haine du Juif. Au moins c’est clair. 

GK: La démarche consistant à utiliser des textes connus, ayant jalonné l’histoire de l’antisémitisme, vous paraît-elle être la meilleure méthode pour combattre cet antisémitisme qui reste aussi virulent en 2023 ?

GE – Non, bien sûr. C’est seulement une condition nécessaire, pour connaître et pour comprendre. Mais ce n’est pas une condition suffisante. Ensuite, il faut élaborer un programme pour combattre. 

GK: Vous bénéficiez pour votre ouvrage d’une préface, très intéressante, signée Richard Prasquier. Il valide en quelque sorte votre méthode de décryptage et d’explication en rapprochant l’antisémitisme, ou plutôt les antisémitismes d’hier, avec toutes les formes modernes et actuelles. C’était important pour vous d’obtenir cette caution ?

GE- On est à l’époque du Do It Yourself. Tout le monde peut-il écrire l’histoire selon son point de vue de YouTubeur ou d’influenceur ? Non. L’histoire est une discipline scientifique qui obéit à des règles. J’ai essayé d’être rigoureux, de faire référence à des sources sérieuses et incontestables, de les citer avec précision. Sur 500 pages, 450 sont des textes officiels ou des écrits de référence. Je ne donne mon point de vue qu’en introduction ou en fin d’ouvrage. J’ai donc eu besoin, oui on peut le dire, d’une validation. Quelques historiens consultés m’ont superbement ignoré. Richard Prasquier a lu mon texte et il a approuvé ma démarche, avant d’écrire sa préface. Et surtout, il m’a conseillé sur plusieurs points, fait connaître des faits ou des textes que je ne connaissais pas, amendé certaines parties. Je lui dois beaucoup. 

GK: Vous montrez, par le choix habile de vos textes, l’universalité de l’antisémitisme, présent géographiquement partout et à toutes les époques. Y en a-t-il un dans toute la liste des textes que vous avez compilés et commentés auquel vous pensez qui pourrait éclairer ce que nous vivons actuellement en France ?

GE- Vous parlez de l’antisémitisme des banlieues, habilement appelé antisionisme, notamment par une certaine gauche bien pensante ? Oui, les deux textes de Jaurès que je cite. Cet homme de bien, qui est une référence pour la gauche, n’était sûrement pas antisémite. Mais, il véhicule, sans s’en rendre compte, des poncifs antisémites les plus stupides (les Juifs, d’Algérie en l’occurrence, détiennent la presse et les institutions financières, ils s’adonnent à des voleries sournoises). Et, en 1912, il pourfend le pouvoir, la police, l’armée, la justice pour leur action sur les émeutiers de Fès, en oubliant le massacre des Juifs et le pillage de leurs commerces. 

GK: Si votre livre, de près de 500 pages, ne comporte pas d’illustrations, il ne se limite pas uniquement à des textes mais aussi à des tableaux et à des chiffres. Je pense en particulier à celui qui mesure l’ampleur du désastre de la Shoah pays par pays, lieu d’extermination par lieu d’extermination. Un tableau instructif et terrible qui montre, par exemple, que sur une population juive en France qui comportait avant-guerre 350 000 âmes, pas moins de 90 000 ont été assassinées soit plus de 26% ! Une belle contradiction à ceux qui prétendent qu’in fine peu de juifs auraient été exterminés depuis la France, parce que protégés par le régime de Vichy. C’était votre intention de tordre ainsi le coup à certaines idées préconçues ou déformées à des fins politiques ? 

GE- Dans mon manuscrit initial, j’avais fait une recherche iconographique approfondie. Mais, bon, je n’ai pas été édité chez Larousse, j’ai mis ces illustrations par pertes et profits ! Mais puisque vous en parlez, je vous recommande trois joyaux : le plus ancien, de Paolo Ucello, le peintre des Batailles et du cloître vert : le miracle de l’hostie profanée ; les caricatures de guerre d’Arthur Szyk pendant la seconde guerre mondiale, et la très récente BD de Nina Caputo et Liz Clarke, éditée par Oxford University Press sur la dispute de Barcelone en 1263, Debating truth.  

Non, mon livre ne visait pas les stupidités ambiantes. C’est une retombée intéressante !

GK: J’ai particulièrement apprécié la construction de votre ouvrage avec le regroupement des textes, si j’ose dire, par niveau d’antisémitisme ou plutôt par époque et par personnage. Ainsi le premier chapitre concerne les sources théologiques, qu’il s’agisse des sources chrétiennes ou des sources musulmanes. Le chapitre suivant concerne les directives religieuses, des conciles aux pactes et aux codes. Enfin, vous abordez des personnages que vous caractérisez comme « malveillants ». A noter qu’ici vous séparez volontairement l’antijudaïsme de l’antisémitisme, puis l’antijudaïsme, débutant dès le 9e siècle avec Saint Agobard de Lyon jusqu’aux musulmans en 2020, avec l’antisémitisme que vous décrivez à travers les personnages de Drumond, d’Henry Ford, de Céline, d’Adolf Hitler bien entendu, de Paul Riche, etc. Dans cette partie, vous séparez l’antijudaïsme de l’antisémitisme puis l’antisémitisme de l’antisionisme et là on aborde une question fondamentale qui continue à agiter un certain nombre de débats au 21ème siècle, en dehors de la communauté juive : peut-on encore vraiment distinguer aujourd’hui l’antisionisme, ou ce qui se prétend comme tel, de l’antisémitisme ?

GE- Par commodité, j’ai fait le distinguo entre l’antijudaisme, qui vise la religion, l’antisémitisme qui vise le peuple, l’antisionisme, qui vise l’État. Mais on est bien d’accord, les arguments des uns et des autres se recoupent. C’est bien la haine des Juifs qui est le dénominateur commun, peut importe la raison de son utilisation. L’IHRA a bien précisé les définitions. 

Il ne faut pas être dupe : quand un politique, souvent d’extrême gauche, se décrit comme antisioniste, il manie le double discours que nous devons décrypter et dénoncer. J’emploie ce mot, parce que j’ai le droit de critiquer la politique d’Israël, dit-il à ses interlocuteurs juifs (omettant le fait qu’aucun autre Etat dans le monde n’a un terme équivalent pour décrire que l’on est contre son gouvernement en place…) Il sait très bien, par ailleurs que ce mot sera compris différemment dans tout le monde arabe : je suis contre l’existence d’un Etat Juif en Palestine. 

GK: J’ai particulièrement apprécié et trouvé édifiant le chapitre 4 qui s’appelle « les accusations ». Vous montrez l’évolution à travers les époques des accusations qui ont frappé les Juifs partout dans le monde. Les plus connues : les Juifs seraient à l’origine de la peste noire, de la lèpre, de diverses profanations, … puis il y a l’affaire Dreyfus, le trop fameux Protocole des sages de Sion remis au goût du jour par les islamistes, etc. Que peut-on dire de « l’actualité » de ces accusations qui perdurent malgré toutes les preuves mises sur la table ? Peut-on considérer qu’elles sont finalement toujours les mêmes quand bien même elles prennent des formes différentes en fonction de l’époque? 

GE- Ce sont les principes de base de la propagande : ne pas se disperser, utiliser toujours les mêmes arguments, ne pas tenir compte des dénégations, s’en servir comme preuve qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Il faut simplement adapter la matrice de base à l’époque et au lieu. Tout le travail a été déjà fait, pourquoi s’éparpiller ?

GK: Quand on prend conscience aujourd’hui du dernier sondage mondial de 2020, auquel vous faites référence, sur la prétendue conspiration juive mondiale, la lutte contre l’antisémitisme a-t-elle échouée ? N’a-t-on pas fait du surplace depuis la deuxième guerre mondiale qui, pour les plus optimistes, aurait dû marquer définitivement l’impossibilité de se dire ou de comporter en antisémite ?

GE- C’est la question la plus importante, je vais m’étendre longuement, si vous le voulez bien. 

La Shoah, par son horreur extraordinaire a tout effacé. Et, le commun des mortels ne peut que dire, plus jamais cela. La Shoah prédomine tout, au point que l’on ne parle plus de ce qu’il s’est passé avant. Des éminentes personnalités juives, ne veulent plus entendre parler de “l’histoire lacrymale” du peuple Juif. On peut pleurer sur les noms des déportés, convoi par convoi, que l’on commémore régulièrement, mais pas question de rappeler que la ville de Worms, par exemple, a connu l’extermination de sa population juive par deux fois avant la seconde guerre mondiale (lors des croisades, et lors de la peste noire). On peut parler du ghetto de Varsovie, mais pas des dizaines de ghettos italiens qui ont existé parfois jusqu’en 1870.   

Pourtant, en faisant de la Shoah, un accident exceptionnel de l’histoire on ne comprend plus sa genèse. Or, il faut avoir en tête que l’antisémitisme n’est pas le monopole de méchants le couteau entre les dents. Non, c’est une création d’autorités religieuses, qui l’ont conçu, promu, répandu. Or, ces autorités religieuses revendiquaient et représentaient le bien, la morale, la sagesse et non le mal absolu. Ce n’est pas le mal qui est banal, c’est le bien, celui que l’on vous a désigné ainsi. 

L’ancien grand-rabbin d’Angleterre, Lord Jonathan Sacks, a dans un livre lumineux, Dieu n’a jamais voulu ça,développé cela en parlant du mal altruiste : certains sont persuadés d’incarner le bien, sont persuadés que les autres sont des démons qui veulent vous tuer et que donc il faut les prendre de court et les tuer avant qu’ils ne vous tuent.  C’est la clé du problème.  C’est aussi la démarche des nazis ou des djihadistes. La théorie du complot, les prétendus protocoles des Sages de Sion, c’est la même idée : il faut les éliminer puisqu’en sous-main ils tirent les ficelles et veulent être les maîtres du monde. 

Ce n’est donc pas par le sentiment ou par la raison qu’il faut les en dissuader : comment accepter ce que dit l’instituteur, si votre maître à penser, la personne à qui vous avouez vos péchés, et vous dicte la morale, la parole de Dieu, vous dit que les Juifs ont tué Jésus, ou descendent des singes et des porcs ? 

Non, il faut se placer sur leur terrain, l’idéologie, la religion si vous préférez. Jules Isaac, après guerre l’avait compris, et d’autres avec lui, notamment l’Amitié judéo-chrétienne. Vatican II l’a concrétisé dans des décisions courageuses. Depuis la guerre, il y a eu de nombreuses déclarations positives de tout le monde chrétien. Mais, comme je le dis dans mon livre, il reste deux points sensibles : les chrétiens intégristes et les différents courants de l’islam. 

GK: La Pandémie du Covid19 a été marquée par l’apparition d’un nouvel antisémitisme délirant mais reposant sur des éléments maintes fois vus par le passé ? Les Juifs sont-ils condamnés à être perpétuellement ciblés ? 

GE- Non, non et non. S’attaquer aux Juifs n’est pas une donnée de la nature. Certaines personnes, que j’apprécie d’ailleurs, parlent de virus, de maladie. Non. De poison si vous voulez, de virus non. C’est une création de l’homme et ce que l’homme a créé l’homme peut l’effacer. Soyons précis, c’est une création des autorités religieuses. Et c’est à elles, à leurs successeurs, d’éradiquer leur création malsaine. Les Juifs doivent hausser le ton pour exiger l’arrêt de cet anathème. 

GKVotre organigramme des pages 468 et 469 sur les mutations de l’héritage antijuif est à la fois passionnant et effrayant. Il vous a pris beaucoup de temps à établir ? Vous avez pris soin dans ce schéma de séparer les actions des opinions, le distinguo est majeur car l’opinion ne conduit pas toujours à l’action quand bien même elle la facilite ?

GE- Le graphique est un résumé du livre, il vient logiquement. Il se construit au fur et à mesure de l’avancée du texte. Et, je suis un scientifique, j’aime bien les schémas. 

Sauf exception, dans leur petit État, les papes n’avaient pas de pouvoir régalien. C’est donc par la persuasion qu’ils amènent les rois à prendre des mesures sur les Juifs. Le concile de Latran IV qui préconise de marquer les Juifs, c’est en 1215. Saint Louis décrète la rouelle en 1269, après les Anglais et les Espagnols. C’est à force d’avoir entendu que les Juifs sont fourbes que lorsque arrive l’épidémie de Peste Noire, le bouc émissaire est tout trouvé. Il en résulte des vagues de massacres dans toute l’Europe. 

Actions, opinions, c’est aussi l’histoire de la poule et de l’œuf. Pendant des siècles, on vous explique que le Juif est un être vil, on prend des mesures pour le marquer, pour le parquer, on l’expulse d’ici, puis de là, on le cantonne dans des métiers peu sympathiques. C’est vrai qu’ils ne deviennent pas très avenants ces SDF. Les nazis ont fait cela en quelques années. Supprimer toutes sources de revenus, affamer, parquer et entasser dans des ghettos, sans ressources, ni médicaments. Goebbels a pu faire des films convaincants après cela !

GK: Après avoir abordé dans les chapitres suivants les formes et les pratiques antisémites, des marques de ségrégation aux éléments de la vie religieuse en passant par l’organisation de la vie civile, des lieux de résidence et des expulsions, vous listez un grand nombre des tueries antisémites qu’on a connu depuis le 11e siècle pour finir par la Shoah. Vous abordez enfin à partir du chapitre 13 et suivants des éléments qui incitent plutôt à l’optimisme. On s’aperçoit que leur poids est bien réduit par rapport aux autres chapitres. Je pense en particulier au chapitre « les bienveillants » (miroir inversé par rapport aux malveillants) avec certains papes, certaines municipalités, ou états protecteurs, la période des lumières, les réformateurs turcs et puis Victor Hugo, Émile Zola, les Justes pendant la 2e guerre mondiale mais aussi, dans le chapitre 14, les nouvelles résolutions, avec en particulier le concile de Vatican 2. Difficile malgré tout d’être optimiste n’est-ce pas ? 

GE- Je ne dirais pas cela. La situation des Juifs aujourd’hui dans le monde chrétien n’a plus rien à voir avec ce qu’elle a été dans les siècles passés. Les constitutions prônent toutes l’égalité de tous, indépendamment de la race ou de la religion, et cela ne vise pas uniquement les Juifs, bien entendu. Il reste des foyers d’antisémitisme d’extrême-droite ici ou là, il reste un monde musulman hostile, une extrême-gauche hypocrite, mais les choses bougent un peu. 

GK: Au fond de vous, diriez-vous que l’antisémitisme n’a aucune raison de disparaitre ? Vous n’avez pas perçu dans l’époque récente de faits objectifs incitant à l’optimisme ? 

GE- Je vous renvoie à une question précédente. Création de l’homme, la haine du Juif n’est pas génétique. Il faut combattre les idées par les idées, il n’y a pas de raison de s’avouer vaincus. Je vais faire un aparté. Arrêtons de pleurnicher et de vouloir trop réglementer les réseaux sociaux. Utilisons- les. Créons des officines avec des petites mains sur des claviers qui répondent point par point aux messages haineux. Non par la haine, mais par des faits, des arguments solides. Israël est un état d’apartheid ? Non, voici pourquoi, et en revanche, voici la législation dans tel ou tel pays…

GK: Vous dites dans votre conclusion « telle est la spécificité de la perversion antijuive : un ostracisme religieux devenu à la longue, de dévoiement en dévoiement, d’habitude on habitude, une tradition profane insensible à la raison, ni même à l’émotion. » Mais vous pointez ensuite le fait que la religion a fait un retour impressionnant au sommet des sources de l’antisémitisme. Ce, par l’islam et les islamistes, plus par les églises. Qu’il ne sert à rien de s’adresser aux fidèles souvent fanatisés, il faut parler sans relâche aux autorités religieuses islamiques et leur demander d’agir… Reste à trouver les arguments susceptibles de les convaincre. Avez-vous une idée d’argument qu’on pourrait utiliser, auxquels ils seraient sensibles ? 

GE- Pas vraiment, je ne suis pas expert de la religion musulmane. Il faudrait qu’émerge un nouveau Jules Isaac, un homme capable de faire comme lui (et les personnes autour de lui). Il a pris la plume et il a écrit des propositions concrètes qu’il attendait de l’Eglise. Relisez les dix points de Seelisberg dans mon dernier chapitre, c’est clair, détaillé, précis, ce ne sont pas de vagues récriminations. L’islam est très vaste, il me semble qu’il faudrait commencer par prolonger le projet Aladin, avec le Maroc, et entrer dans le concret de l’enseignement sunnite. Mais là, je n’affirme pas. 

GKQuant à ceux qui ne mettent pas une religion en avant, ajoutez-vous, la raison et l’émotion peuvent bien sûr faire bouger les lignes à condition que l’exemple vienne d’en haut des responsables politiques et des autorités publiques, des intellectuels et des universités. Et là, concluez-vous, il faudra une véritable prise de conscience pour que soit reconsidéré le traitement injuste fait à l’état d’Israël par les grandes institutions internationales avec la complicité de nombreux pays occidentaux. On n’a jamais connu un défi aussi complexe et fort, n’est-ce pas ? 

GE- Le problème est celui du fonctionnement des institutions internationales, un État, une voix. D’où les majorités automatiques de ces instances, ONU, UNESCO, Commissions des droits de l’homme, lors de résolutions fumeuses sur l’Etat Juif. La France dépend de son commerce international avec les pays du Moyen Orient, elle ne veut pas non plus heurter la sensibilité d’une partie de sa population. On peut le comprendre, on peut comprendre les politiques qui tiennent un discours qui va dans le sens de leur électorat. Mais, moi, je ne peux le comprendre, je le déplore, je déplore le manque de courage politique. Je ne peux le comprendre, parce que l’histoire m’a appris que le silence est complice du crime. De même je ne peux pas comprendre ces intellectuels, ces universitaires qui gangrènent la pensée scientifique. Vous parliez d’opinion et d’action tout à l’heure. Leur idéologie, en trahissant l’Histoire, incite à la haine et commandite le crime. 

GK: Merci Gilles Emsellem, on conseille vivement votre livre aux éditions de l’Harmattan :  “L’héritage antijuif” sous-titré “Faits et Documents” et préfacé par Richard Prasquier. 

GE- Merci à vous.  

Entretien mené par Gérard Kleczewski

https://www.editions-harmattan.fr/livre-l_heritage_antijuif_faits_et_documents_gilles_emsellem-9782140266492-74

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