La Colonne de Judith Bat-Or. Journal d’une Invisible. -24-

Judith Bat-Or

Il y a des thématiques que je crains d’aborder car l’air du temps ne semble autoriser à leur sujet que deux positions, radicales, et radicalement opposées. Ce mal très actuel qui se manifeste par la perte du sens de la nuance s’appelle la “polarisation”. Une des plus graves conséquences en est le bannissement du doute et de l’interrogation, essentiel à la réflexion.

Ainsi, lorsque sur certains thèmes on se permet de s’éloigner des idées qui fédèrent, on doit se préparer à être montré du doigt, jugé, méprisé, insulté, voire – pour les personnalités – condamné à la peine ultime : l’annulation, de “cancelled”, en anglais. Ce qui a donné naissance à la “cancel culture”. Culture ? La mise sur pilori devant une foule haineuse ?

Lorsque j’ai décidé de tenter le coup malgré tout, j’ai commencé à l’envers, par peur des réactions, avec quelques paragraphes censés plaider ma défense. J’y avançais prudemment des éléments de mon histoire, mon activisme en des temps noirs, les plus noirs, les plus tristes… Puis, j’ai abandonné. Je n’allais quand même pas me laisser couper le sifflet au nom de la liberté.

Au cœur de mon indignation a jailli une révélation : du même côté du même front se battent les plus fervents défenseurs de la liberté et la police de la pensée.

Je me lance.

Je veux parler du “genre”. Ça y est. Je sens déjà les ondes hostiles se diriger vers moi. J’en ai des sueurs froides.

J’ai grandi dans un monde où on ne connaissait qu’un genre, le genre humain, et deux sexes, déterminés par des organes, hormones, chromosomes. C’était simple ! Simpliste. Réducteur. Peut-être. Certains pensent déjà : “Vieille bique, retourne dans ton tiroir !”  “Elle se vante de son ignorance !” s’étouffent d’autres. Et je n’ai encore rien dit. Pourtant, j’aimerais en parler, ouvertement, pas pour fâcher. Seulement poser quelques questions. Comprendre. Oui, surtout comprendre.

Juin est le mois des fiertés, des “pride”, avec ses joyeuses parades de New York à Paris en passant par Jérusalem. À cette occasion, vendredi, la radio de Tsahal a consacré une émission aux appelés LGBT. J’ai été heureuse d’entendre que l’armée israélienne accueille sans discriminer les homosexuels. Heureuse qu’elle soit respectueuse de la liberté d’être de ces soldats qui, pour certains, sont rejetés par leur famille, leurs amis les plus chers. J’y ai appris aussi qu’une personne y est affectée à l’accompagnement des jeunes transgenres en “transition”. 

“Une seule ?! s’est indignée la journaliste. C’est trop peu !” Et la jeune femme de lui répondre : “On n’est pas des foules, non plus. Une suffit”. La voix de la raison.

J’ai pensé à cette surenchère. L’oserais-je ? Allez : à cette hypocrisie. Pour prouver à quel point on comprend, on respecte, on en rajoute, on fait semblant. Alors que s’interroger me semble légitime. S’interroger n’est pas condamner, rejeter, nier. S’interroger c’est réfléchir, s’intéresser.

Et moi, je m’interroge, je l’avoue, sur les changements de sexe. Non pas pour les interdire. De quel droit ? Mais pour comprendre. Notre culture n’est-elle pas responsable des violences que ces jeunes infligent à leur propre corps ? Ce corps leur est-il étranger parce qu’il ne correspond pas aux normes qu’il leur impose face à la société ? Veulent-ils en changer pour enfin entrer dans le cadre ? Ne serait-il pas plus simple, plus civil, pour ne pas dire civilisé, d’accepter que chacun vive, aime, à sa manière, qu’elle soit ou non différente de celle “autorisée” – d’abord qui l’a autorisée ?

© Judith Bat-Or

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