Michel Dray. Islamisme et Nazisme, Ô Frères jumeaux

Rencontre le 30 novembre 1941 entre le grand mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini et Adolf Hitler. © HO / AFP

En marge de Yom Ha-Shoah, le recueillement ne suffit plus. Il faut regarder les choses en face : l’islamisme a trouvé dans le nazisme son frère jumeau.      

            «Le totalitarisme c’est la lutte pour la domination totale de toute la population vivant sur terre ; l’élimination de toute réalité non totalitaire concurrente, est inhérente aux régimes totalitaires eux-mêmes » écrit Hanna Arendt(1). L’islamisme radical comme le nazisme vise purement et simplement l’éradication totale des Juifs pour l’unique raison qu’ils sont juifs. C’est ce qui les différencie des autres régimes totalitaires. En 1939, Hassan El-Bana, fondateur des Frères Musulmans, interprète l’expansion de l’Islam de la manière suivante : « Les principes coraniques ont permis de mettre fin aux superstitions qui prévalaient dans la péninsule arabique. Il ont banni le judaïsme trompeur. (…) Les flottes islamiques s’aventurèrent dans les profondeurs de la Méditerranée et de la Mer Rouge, qui devinrent deux lacs islamiques» (2) autrement dit un monde « judenfrei » libre des Juifs.   

            Hitler au mufti de Jérusalem : « Les Juifs sont à vous » 

            En 1941, Mohamed Amin El Husseini, grand mufti de Jérusalem, oncle de Yasser Arafat, va donner à l’islamisme radical le moyen de devenir (et pour longtemps) un outil politique grâce à l’alliance qu’il conclut avec Hitler. Dans ses Mémoires, Husseini écrit : « J’ai demandé à Hitler de me donner son engagement explicite pour permettre de résoudre le problème juif d’une façon conforme aux méthodes scientifiques inventée par l’Allemagne pour son traitement des Juifs. J’obtins la réponse suivante : les Juifs sont à vous » (3).  

            La France  arrête Husseini en 1945… mais un an après, Paris organise son départ de France sous un faux nom ! 

            En 1945, Husseini est arrêté par les Français. Il est placé en liberté surveillée dans des conditions particulièrement confortables. En mai 1946, Paris, après avoir refusé à Londres sa demande d’extradition, décide en catimini de laisser partir le fürher musulman. Ainsi, muni d’un faux passeport (fourni par le Quai d’Orsay,) il s’envole pour le Caire à bord d’un avion de la compagnie TWA.(4) Craignant l’ire des Etats-Unis et du Congrès Juif Mondial, le Quai d’Orsay inventera un roman abracadabrant pour justifier ce « départ » en invoquant des pressions arabes. Une chose demeure certaine, l’évasion du Mufti en direction du Caire sera déterminante dans la chute du roi Farouk et l’avènement de Nasser. 

            L’islamisme politique : un virus particulièrement tueur.              

            Nombreux sont les chercheurs qui ont démontré la filiation entre nazisme et islamisme politique. Pierre-André Taguieff, dans son livre « Les liaisons dangereuses » en est l’un des exemples phares, de même que les travaux de Jacques Tarnero ou encore ceux de Georges Bensoussan. Sur un autre plan, des écrivains ont publié des romans avec, en toile de fond, la relation incestueuse de ces deux idéologies meurtrières, car nazisme et islamisme sont bel et bien frères jumeaux. Rappelons le roman de Vahé Katcha publié en 1972 intitulé « Mort d’un Juif » et qui met en scène un ancien nazi « conseiller technique » d’un policier libanais pour l’assister dans l’interrogatoire de son prisonnier israélien. Plus près de nous, « Le Village de l’Allemand » de Boualem Sansal met en scène à travers un style épistolaire les frères Schiller, de père allemand et de mère algérienne, lesquels découvrent le passé de leur père, ancien officier SS. Ces historiens, ces écrivains, travaillent tel le médecin qui cherche dans un corps infecté le virus tueur dans l’espoir de l’isoler.    Hormis des voix courageuses, comme celles de l’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, de Schéhérazade Zerouala,(5) ou des professeurs Marzouki (université Tunis la Manouba) et Hassani Idrissi (université Mohamed V Rabat), trop peu de musulmans osent vraiment l’attaquer frontalement, principalement par crainte de représailles. 

            Qu’on ne se fasse aucune illusion, à force d’avoir peur, les musulmans seront broyés les premiers par le boa constrictor qu’est l’islamisme politique.

            La lutte contre l’islamisme politique est un combat qui rappelle la Résistance en lutte pour la défense des valeurs de la civilisation contre les assauts de la bête humaine. Les voix qui osent s’élever aujourd’hui contre l’islamisme sont celles d’intellectuels de haut niveau. Quant aux associations, elles sont généralement contrôlées par les islamistes. Pour celles qui résistent et qui osent se rebeller, les médias généralement woke ne leur donnent pas assez la parole ou bien les traitent de relais d’extrême-droite.

            L’assaut des négationnistes est la constatation flagrante de la survivance des imprécations sauvages du mufti de Jérusalem. 

            Passons maintenant aux négationnistes. De Rassinier dans les années 1950 à Faurisson en passant par Garaudy et Dieudonné, on a assisté ces dernières années à une sorte de melting-pot idéologique qui, dans tous les cas de figure trouve son centre nerveux dans l’antisionisme. 

            La dérive de l’abbé Pierre.  

            Dans une lettre du 15 avril 1996 adressée à Garaudy en signe de soutien, l’abbé Pierre se positionne clairement parmi les négationnistes purs et durs. Il écrit : « Je constate qu’après la constitution de leur État, les Juifs de victimes sont devenus des bourreaux. La planification ethnique devenue systématique de l’État d’Israël d’aujourd’hui découle du principe empêchant le mélange du sang juif de tous les autres. La différence ontologique entre Israël et les autres nations justifie un ensemble de lois racistes comparables aux lois de Nürmberg ». Les mots sont si violents qu’on n’ose croire qu’ils ont été écrits par un prêtre. Et pourtant l’abbé Pierre persiste et signe. Il nazifie Israël avec une haine extraordinaire. Comment Garaudy et lui ont-ils pu glisser vers cet antisémitisme virulent? 

La question est d’autant plus intéressante que Garaudy fut interné à Büchenwald parce que résistant et que l’abbé Pierre sauva des Juifs pendant la guerre. Cependant la réponse est simple. Politiquement, ces négationnistes, en se positionnant clairement dans le  soutien à la cause palestinienne, refusent implicitement l’existence d’Israël. Mais par une pirouette intellectuelle qui ressemble à une sorte de jeu d’équilibriste, ils essentialisent la souffrance des Juifs sous le nazisme, et établissent une nette séparation entre nazisme tueur de Juifs et la cause palestinienne, symbole de la lutte anti-impérialiste. Cette dichotomie est poussée au paroxysme avec le soutien de l’abbé Pierre aux Brigades rouges, ou encore l’adhésion de Garaudy à Khomeiny. L’abbé Pierre n’a donc pas « dérivé » comme on pourrait le penser, mais a adhéré en tant que catholique très conservateur à l’idée que le peuple juif, peuple déicide, doit errer jusqu’à la fin des temps. D’ailleurs, dans cette même lettre du 15 avril 1996, il évoque le livre de Josué et le massacre résultant de sa victoire, qualifié par l’abbé Pierre de « Shoah biblique» Difficile d’être plus clair dans l’intention. L’abbé Pierre a sauvé des Juifs par « charité chrétienne » mais considère la création de l’État d’Israël comme une aberration théologique autant qu’une provocation impérialiste.

            Extrême-gauche révolutionnaire, extrême-droite ultra nationaliste : des interactions parfaitement logiques car guidées l’une et l’autre par un seul objectif : la haine du juif. 

            La prise d’otage d’un avion d’Air France détourné sur Entebbe en Ouganda par un commando d’extrême gauche révolutionnaire dans lequel est présent un couple d’Allemands. Ce sont précisément ces deux Allemands qui lanceront l’idée de séparer Juifs et non Juifs parmi les voyageurs. « La confusion entretenue par les groupes palestiniens entre Israéliens et Juifs atteint, ici, une dimension symbolique. La « sélection » opérée par les deux terroristes allemands présents avec le commando palestinien fait revivre dans l’imaginaire de l’Occident, et particulièrement allemand, cette même logique qui avait présidé à l’extermination des Juifs d’Europe », écrit Michaël Prazan (6).

            L’islamisme grignote peu à peu les valeurs occidentales et si les Musulmans ne s’élèvent pas contre cette perversion névrotique de la culture islamique, le bateau de l’ouverture et de la tolérance finira par sombrer, musulmans compris.

            Les islamistes radicaux ne connaissent qu’une loi, la leur,  quitte à tuer les musulmans qui ne pensent pas comme eux (7). Cependant il y a une voie, difficile certes, mais indispensable : celle de l’éducation des jeunes. Quand Chalghoumi part en Israël avec des jeunes des banlieues, il fait œuvre d’éducation. Avant lui, en 2009 au lycée français de la Marsa non loin de Tunis, un professeur d’histoire est parti à Auschwitz avec des élèves de 1ère, un adolescent juif, trois catholiques et six arabes. Un film a été réalisé par le Projet Aladin, initiateur du voyage. J’ai eu la chance de le voir. Une image reste gravée dans ma mémoire. Le seul élève juif du groupe est en larmes, ses camarades musulmans le prennent dans les bras pour le consoler. Comme quoi il faut parfois des électrochocs.

            L’idée d’enseigner la Shoah en classe de philo ne serait pas une mauvaise idée. Car à travers cette horreur insurmontable, c’est un travail sur Dieu et son silence, sur la haine et sa banalisation ou tout simplement sur nous-mêmes et nos angoisses.

              Enseignement de la Shoah dans les écoles : les enseignants n’ont plus confiance dans leur hiérarchie et vont en classes la peur au ventre. 

             Comment réaliser efficacement le devoir de mémoire quand on réduit drastiquement les heures d’enseignement de l’histoire ? Comment assurer le programme (au moins ça) dans les établissements situs au cœur des banlieues à forte implantation islamiste alors que les Académies cultivent le « profil bas »?  Car enseigner la Shoah dans ces banlieues est un acte de courage. L’Éducation Nationale désireuse de « ne pas faire de vagues » soutient ses enseignants du bout des lèvres ; ces mêmes enseignants qui, après avoir été les hussards de la république, sont aujourd’hui de la chair à couteau. Ce n’est pas en déposant des roses sur la tombe d’un enseignant décapité ou bien en faisant des marches blanches qu’on en finira avec le fléau islamiste. Il y a un travail de fond à mener, à la fois sociétal et politique. Dans beaucoup d’établissements la république est éjectée hors de l’enceinte des écoles. (8) Il faut nous lancer dans une véritable politique d’interdiction et d’expulsion à l’égard de ces prêcheurs en eaux troubles qui fanatisent, aveuglent et formatent une jeunesse lobotomisée à qui on apprend à cracher sur une république trop laïque à leur goût.

            Je crains fort que mon propos ne soit utopique. Voilà des années que les discours sonnent creux, que les lois ne sont pas appliquées, qu’on ensevelit les bonnes volontés sous des monceaux de rapports. Pourtant cette guerre ne date pas d’hier. Autant affirmer que ce laxisme politicien laisse de beaux jours aux islamistes qui sortent leur couteau quand nous, nous inaugurons des stèles commémoratives ou ouvrons un procès… 43 ans après le crime. 

            Voilà beau temps qu’on ne nomme plus le virus par son nom.

            Il n’y a qu’à se promener dans les rues de Paris pour s’en apercevoir. Ainsi, rue des Rosiers, le mot islamisme n’est pas inscrit sur la plaque rappelant l’attentat du Restaurant Goldenberg : c’est simplement un acte terroriste. Ainsi, rue Bonaparte, au domicile du dessinateur Wolinski, sur la plaque rappelant son assassinat au siège de Charlie-Hebdo, on ne lit pas islamisme : tout cela n’était qu’un massacre terroriste. On pourrait continuer à l’infini. Il importe de qualifier ces actes terroristes d’attentats islamistes, comme au fronton des écoles de Paris une plaque commémore les enfants déportés en précisant clairement « avec la complicité de la police de Vichy ». Islamiste serait-il une insulte, un mot tabou, une honte pour celui qui en subit les horreurs ? Comme dit Camus, ne pas nommer les choses, c’est ne vouloir regarder la réalité en face.   

© Michel Dray

Notes

  • Les Origines du Totalitarisme. Quarto-Gallimard. p. 723. Édition 2002 
  • Hassan El-Bana, “Between yesterday and today” 1939, cité par Florence Bergeaud-Blacker in “Le Frérisme et ses réseaux”. Éditions Odile Jacob. 2023. p.41.
  • Cité par Antoine Vitrine. “Mein Kampf, Histoire d’un livre”. Flammarion. 2009. p.251
  • Lire l’article de Tsilla Hershco, de l’université de Bar Ilan: “Le Mufti de Jérusalem, histoire d’une évasion” paru en mars 2006 dans le n°1 de la revue Controverse fondée par Shmuel Trigano. 
  • S. Zerouala est juge médiateur international près la Cour d’Arbitrage de Genève, Directrice de Juris International Business à Marrakech et à Paris, ancienne co-présidente des Amitiés judéo-musulmanes à Paris. Son action est fondée sur une approche d’un islam laïc et réformateur. 
  • Michaël Prazan. “Une Histoire du Terrorisme”. Flammarion. 2012. p. 261
  • Il n’y a qu’à constater les menaces physiques permanentes qui pèsent sur Hassen Chalghoumi et tout dernièrement une “pétition” pour demander aux médias de ne plus l’inviter, car, “il ne représente pas l’islam”. 
  • A lire ou relire “Les Territoires perdus de la République” de Georges Bensoussan !  

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