Michel Dray. Israël : Enfin une pause… C’est mieux que rien

Une tectonique du Temps comme il y a une tectonique des continents ? 

Depuis l’aube des temps, l’Histoire repose sur un mur qu’on peut qualifier de mur porteur. Le plus important n’est pas de constater le fait, mais de se dire que d’un côté se trouve “le camp du bien” et de l’autre “le camp du mal”. Plus encore, telle la tectonique des continents, il existe une sorte de tectonique des civilisations. Les civilisations sont sans cesse des tranches d’humanité en survie. Conflit après conflit, elles se phagocytent sans cesse pour accoucher d’un autre temps, d’une autre époque, voire d’une autre civilisation(1). De sorte que ce qui, à un moment précis, appartient au camp du Bien, peut tomber à un autre moment dans le camp du Mal. Autrement dit aux vainqueurs le Bien, aux vaincus le Mal.  

La Nation avant tout

12 novembre 1970. La grand-nef de Notre-Dame de Paris. Un petit homme d’à peine 1,52 cm à l’allure martiale et au regard étonnement perçant se recueille sur le cercueil de Charles De Gaulle. Pense-t-il à ce moment  aux relations conflictuelles qu’ils ont eues ? Possible. Ce petit homme est un géant. Son nom, David Ben Gourion, l’homme qui a donné au monde la Déclaration d’Indépendance de l’État d’Israël. Et ce monstre sacré de l’Histoire est venu dans la froidure de l’hiver parisien rendre un dernier hommage au héros de la France Libre, au soldat qui a dit non à Pétain, au chef d’une France exilée au service de laquelle il a voué sa vie. De Gaulle et Ben Gourion, ces deux êtres au caractère trempé dans l’acier, s’estimaient pour la simple raison qu’ils se ressemblaient. La Nation avant leur propre personne. Trois ans plus tard, Ben Gourion rend le dernier soupir, loin de Jérusalem et du bruit politicien. Comme De Gaulle, les Israéliens ont tout fait pour pousser l’homme à la crinière lionne vers la sortie. Les peuples comme les hommes ont leur complexe d’Œdipe. 

Ben Gourion, monument de l’histoire du XXème siècle   

Le 1er décembre, cela fera cinquante ans jour pour jour que l’un des plus célèbres Pères fondateurs d’Israël n’est plus. Il faisait partie de ces immenses statures du XXème siècle. Siècle de Churchill, de Roosevelt, de De Gaulle et de Ben Gourion. Mais aussi de Mussolini, d’Hitler, de Franco et de Staline. Toujours ce sacré mur porteur de l’Histoire où le camp du Bien s’oppose invariablement au camp du Mal. “Je combats Hitler comme si Churchill n’existait pas ; je combats Churchill comme si Hitler n’existait pas”(2). Par ces quelques mots, Ben Gourion résume la solitude du Chef d’État, du leader de libération nationale, car, le sionisme n’est rien de moins qu’un mouvement de libération nationale, le seul finalement qui n’a pas sombré dans la dictature. 

Les enseignements de A. B. Yehoshua

Il faut toujours se souvenir de l’enseignement des grands hommes disparus. Il y a neuf mois disparaissait Abraham. B. Yehoshua. Son œuvre résume à elle-seule la raison même d’une jeunesse qui aujourd’hui manifeste pour maintenir intacte ce que j’appelle l’identité israélienne et qui n’a rien à voir avec l’identité juive. La première est d’essence souveraine et nationale, la seconde la traduction exilique de l’identité spirituelle. “Nous ne sommes pas une nation différente des autres. Il nous incombe d’adopter cette attitude fondamentale sans l’entourer de commentaires et d’interprétations compliqués”.  A. B. Yehoshua par ces mots tirés d’un article paru dans la revue israélienne “Position”, en 1978, permet clairement de comprendre la levée de boucliers contre une réforme que ni laïcs de gauche ni de droite n’auraient accepté au risque de saper tôt ou tard les fondements démocratiques. “Personne d’entre nous ne voudrait d’un Parlement où il n’entendrait qu’un seul et même langage”(3). Puissent ces paroles venues d’outre-tombe et prononcées par Ben Gourion inspirer les uns et les autres, faire retomber la fièvre et tendre vers un dialogue au lieu d’aller à l’affrontement. 

Israël restera le pays le plus démocratique du Moyen-Orient

Que doivent-ils se dire, lui et Oz et Yehoshua de ce qui se passe en Israël ? Car s’il existe un “ailleurs”, sur terre il y a des pays où les peuples veulent tout simplement être entendus. Netanyahou a décidé de faire une pause. Tant mieux. Le peuple le plus démocratique du Moyen-Orient a  gagné en estime et en exemple. Il importe de le répéter quand un journal que désormais j’appelle l’Immonde entend fièrement donner des leçons de démocratie à une jeunesse prise entre deux feux : la pression d’une minorité agissante, les ultra-religieux (4) et la menace islamiste à Gaza et en Syrie. A la mauvaise foi, au mensonge et à l’antisionisme ce journal du soir, une fois de plus, ajoute à ses vomissures une rhétorique tristement stalinienne. 

                                                          © Michel Dray 

  • 1. A lire absolument le dernier ouvrage du philosophe Alain Venayre “Les guerres lointaines de la paix” (édition Gallimard Nrf essai, 2023)
  • 2. “Ben Gourion parle” chez Stock (Paris 1971)
  • 3. Discours de Ben Gourion à la Knesset le 2 juillet 1951
  • 4. A peine 15% des Israéliens sont religieux

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