Ypsilantis. Dix tableaux juifs – 7/10 (Deuxième partie)

(Antisémitisme & Cie)

L’antisémitisme est activé par trois courants idéologiques mondialistes, soit : le post-modernisme, l’alter-mondialisme, l’islamisme.

Les post-modernistes sont nombreux au sein du peuple juif et en Israël. Contentons-nous de citer les Nouveaux historiens et les Post-sionistes de tout poil. C’est toute une faune qui après la chute du communisme cherche à se raccrocher aux branches. Les néo-trotskystes en constituent probablement l’espèce dominante. Israël est présenté comme le parangon du capitalisme mondial et de la force armée et le Palestinien comme le prolétaire et le juste souffrant. Dans cette ratatouille des ingrédients divers se mêlent, des ingrédients venus du religieux et du politique, d’un vieux fond chrétien et du gauchisme. Le Palestinien est aux prises avec le soldat de Tsahal comme Jésus-Christ l’a été avec les soldats de Rome, bras armé des Juifs (?!).

Ces contempteurs gauchistes de la religion ne se rendent même pas compte qu’ils réactivent des schémas religieux. Israël crucifie les Palestiniens comme les Juifs ont crucifié le Christ. Ces deux images se superposent en transparence, ce qui explique aussi que des chrétiens et des post-chrétiens soient particulièrement réceptifs à toute une propagande anti-israélienne. Lorsque l’anti-judaïsme, l’antisionisme et l’antisémitisme font la ronde… Voir en chaque Palestinien une victime de la violence juive permet par ailleurs d’oublier que c’est en terre chrétienne que la Shoah a été organisée… Quant aux islamistes qu’en dire ? Ils envisagent le judaïsme comme une falsification, le Juif comme un falsificateur, le Juif mais aussi le chrétien, soit ses prédécesseurs.

Et Shmuel Trigano évoque un extraordinaire renversement idéologico-politique. Ce renversement est activé par les alter-mondialistes – soit des gauchistes de diverses obédiences. L’antiracisme, leur credo, est retourné contre Israël et le peuple juif. Dans un premier temps, l’antisémitisme est découplé du racisme, ce qui va a priori dans le bon sens, l’antisémitisme ne pouvant être assimilé à un simple racisme : l’affaire étant plus compliquée pourrait-on dire. Mais dans un deuxième temps, ce découplage permet de concocter un antiracisme antisémite.

Deuxième axe de ce renversement : placer les Palestiniens sur la plus haute marche du podium de la souffrance, ce qui permet notamment de cacher l’antisionisme-antisémitisme sous la couverture des « bons sentiments ». Être antisioniste, c’est être antiraciste, le sionisme étant assimilé au nazisme ou tout au moins à l’apartheid ; ben voyons. Combien de fois ai-je lu ou entendu « Israël » associé à « apartheid » ? A ce propos, je me souviens qu’une nuit, lorsque j’habitais à Cordoue, au début des années 2000, le centre de la ville se couvrit d’affiches représentant une étoile de David désignant de chacune de ses pointes un mot accusateur dont « apartheid », une affiche éditée par le Partido Comunista de Andalucía (P.C.A.).

La victimisation si habilement orchestrée par les Palestiniens et leurs nombreux sympathisants sait faire flèche de tout bois. Mais la pièce maîtresse de leur propagande reste ces histoires d’enfants, à commencer par l’affaire Mohamed al-Durah, une histoire dont les effets n’auraient pas été si massifs et durables si dans bien des têtes ne traînait cette vieille histoire de Juifs tueurs d’enfants (chrétiens), de crime rituel. Ce mythe n’est en rien musulman, il a été concocté dans l’Europe chrétienne mais il a été réactivé par l’islam à des fins de propagande antisioniste.

L’antisionisme est de l’antisémitisme dans la mesure où, et ainsi que l’écrit Shmuel Trigano : « La destruction des Juifs sous quelque forme identitaire que ce soit (communauté, citoyenneté ou État) est le critère unique d’identification de l’antisémitisme ». A bon entendeur, salut ! Car bien des antisémites s’ignorent et s’imaginent que l’antisionisme les protège aux yeux des autres et à leurs propres yeux de l’antisémitisme. Il ne s’agit pas d’interdire toute critique envers Israël, une critique contre tel gouvernement ou personnage politique, aussi longtemps qu’elle ne masque pas une volonté de contester la légitimité de ce pays et son droit à l’existence.

On peut remarquer que lorsqu’un Juif (de la diaspora ou d’Israël) critique Israël d’une manière radicale, on lui déroule le tapis rouge dans les médias de masse. C’est une formidable aubaine pour nombre de non-Juifs diversement antisionistes-antisémites qui se voient ainsi confortés dans leurs sentiments. J’ai remarqué que les librairies mettent volontiers en évidence les ouvrages de Nouveaux historiens ou d’alter-Juifs, par exemple. Je me souviens quand ce livre de Schlomo Sand au titre terriblement racoleur : « Comment le peuple juif fut inventé », s’empilait et s’alignait dans les meilleures librairies. Je me souviens quand « Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel était partout. Ce barbon avait magistralement pris la vague antisémite pour surfer dessus.

Ce qui rend l’antisionisme-antisémitisme si particulier est sa capacité à faire confluer. C’est une sorte d’égout central dans lequel se déversent les eaux usées venues de diverses tuyauteries. Shmuel Trigano : « Ainsi a-t-on pu assister à la convergence monstrueuse, car contre-nature, de la mouvance néo-trotskyste et de la mouvance islamiste, sur le plan de la politique internationale et de la politique intérieure ». Et que dire de ces intellectuels post-modernistes parmi lesquels des Juifs ?

Nous assistons à présent à une véritable partouze (je ne sais à quel autre mot faire appel) entre l’extrême-gauche, l’extrême-droite et l’islamisme au sujet d’Israël. C’est un spectacle particulièrement affligeant ; mais il faut l’observer puis l’analyser afin de mieux le combattre et espérer y mettre fin.

Permettez-moi d’insister. Combien sont-ils à se dire et à dire, explicitement ou implicitement, que le monde irait mieux et serait plus apaisé si Israël n’avait pas vu le jour en 1948 ? Plus apaisé ? Qu’opposer à une telle mauvaise foi, à une telle bêtise ? On ne peut plus argumenter sinon répondre par l’absurde et sur un ton docte que s’il n’y avait pas eu de Juifs, il n’y aurait pas eu d’antisémitisme…

Le monde n’est pas sorti des schémas antijuifs. Simplement, le glissement s’est opéré chez nous du religieux vers le politique, ce qui n’a fait que radicaliser ces schémas. Le monde chrétien et post-chrétien qui s’était calmé pour cause de Shoah est à présent excité par l’islam qui arrive avec ses schémas antijuifs et qui trouve chez nous un formidable corpus théorique antisémite. Et c’est bien ce qui m’inquiète le plus : le mélange de deux produits hautement toxiques.

© Olivier Ypsilantis

Né à Paris, Olivier Ypsilantis a suivi des études supérieures d’histoire de l’art et d’arts graphiques. Passionné depuis l’enfance par l’histoire et la culture juive, il a ouvert un blog en 2011, en partie dédié à celles-ci. Ayant vécu dans plusieurs pays, dont vingt ans en Espagne, il s’est récemment installé à Lisbonne.

https://zakhor-online.com/

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