André Markowicz. Chroniques

Un week-end comme un autre

Pas tout à fait, quand même, quand tu te réveilles le lundi et que tu vois que Lula, au Brésil, a gagné, d’une courte tête, mais a gagné. Et pas tout à fait non plus, parce que, samedi dans la nuit, il y a eu cette attaque contre la flotte russe à Sébastopol. Mais un week-en comme un autre, parce que, finalement, au moment où j’écris, je ne sais pas ce qui s’est passé vraiment, et quelles sont les pertes réelles. N’empêche, ces pertes doivent être assez importantes pour que la Russie en prenne prétexte pour recommencer son chantage sur le blé ukrainien…

Encore que, a-t-elle besoin de prétextes ? Ce renouvellement du chantage, c’est, finalement, la même chose que les attaques sur les centrales électriques — c’est-à-dire sur des cibles civiles, et attaquées comme telles. Ce qui fait que les commentateurs ukrainiens ont bien raison de dire que Dmitri Médvedev a signé lui-même son acte d’accusation au futur tribunal de La Haye (non, une petite partie de cet acte) en « télégrammant » que ces bombardements arrêteraient quand l’Ukraine aura reconnu l’annexion des quatre provinces envahies…

*

Je dis, « un week-end comme les autres », — mais, finalement, quand j’y pense, non, celui-là n’était pas comme les autres. Parce qu’en même temps que cette revendication de culpabilité de crimes de guerre, le représentant de la Russie à l’ONU a très officiellement accusé l’Ukraine d’utiliser des « moustiques de guerre » (sic, je crois), c’est-à-dire qu’il a accusé l’Ukraine de développer des armes bactériologiques (si j’ai bien compris). Les commentateurs que je regarde avaient tous l’air un peu, comment dire ? navrés de ce niveau d’accusation. Qu’on en arrive là, officiellement… L’un d’entre eux a fait remarquer que, décidement, l’Ukraine devait être très forte, parce que faire voler des moustiques, même de guerre, à la fin de l’automne, c’était quand même costaud. La porte-parole de l’état-major de l’armée ukrainien, quant à elle, en a profité pour expliquer les explosions sur les navires de Sébastopol, qui sont ceux qui envoient leurs missiles sur les villes ukrainiennes : à force de vouloir tuer des moustiques avec des missiles, les missiles se retournent contre leurs lanceurs…

Pour un peu, on sourirait. — Mais, d’une part, ça veut dire que, et la bombe sale, et les moustiques (ou des aberrations équivalentes), ce sont les Russes qui les ont dans leurs arsenaux. Et puis, en même temps, à travers toute la Russie, puisque la « dénazification » de l’Ukraine a échoué, et que beaucoup de commentateurs poutiniens disent, qu’en fait, l’Ukraine a été une chausse-trape, un piège tendu par l’OTAN pour que les pauvres Russes s’y engouffrent, et que, par je ne sais quel hasard (personne ne nomme aucun responsable, à l’évidence), les Russes s’y sont engouffrés, et voilà, maintenant… (et il y a un silence pudique sur ce qui se passera après ce « maintenant »-là), on voit se dérouler une autre campagne : en fait, l’Ukraine, il faut la « désataniser ». Non, c’est très sérieux. J’avais d’abord vu ça dans une espèce de cri de rage de Vladimir Soloviov, il y a une ou deux semaines (je perds la notion du temps), qui avait hurlé à l’antenne, devant les défaites qui s’accumulent, que c’était du satanisme, ces défaites, — que les Ukrainiens étaient des suppôts de Satan. Et voilà qu’aujourd’hui, on voit l’Église orthodoxe partir en guerre, elle aussi, sur ce thème : l’Ukraine, c’est Satan. Les Ukrainiens, s’ils résistent, c’est qu’ils sont inspirés par Satan, non, possédés par Satan. Et oui, c’est très sérieux.

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C’est très sérieux, parce que ça dit quelque chose de fondamental : en fait, pour les propagandistes, ce ne sont pas les Ukrainiens qui sont possédés par Satan, parce que, les Ukrainiens n’existent pas, et ceux qui résistent sont des êtres possédés par l’OTAN, qui est un organe satanique, parce que c’est un organe américain, parce que c’est l’hydre de la finance internationale, mais pas seulement Wall-Street, non, la finance occulte, l’hydre qui vous empoisonne tous (et c’est en cela que les moustiques de guerre sont un signe sérieux) : il est de fait que les partisans de Poutine dans le monde sont très souvent, disons ça, des complotistes (je n’arrête pas de remarquer que 90% de mes insulteurs ici sont antivax). Et donc, la Russie fait délibérément appel aux forces les plus obscurantistes, — et ce n’est pas un hasard non plus si Poutine recrute à la fois du côté des trumpistes ou des bolsonaristes, et du côté d’une certaine gauche qui est tellement anti-américaine qu’elle en devient aveugle. Et, plus encore, — Patrouchev (le directeur du FSB, un des hommes forts du régime) a dû, pas plus tard qu’hier, publier un communiqué dans lequel il expliquait que son adjoint (un nommé Pavlov, je crois) exprimait son opinion, et pas celle de l’Etat russe. Or, que disait le nommé Pavlov ? — Qu’en fait, si l’Ukraine résistait, c’est qu’elle était l’instrument du judaïsme, et, en particulier, des hassidims (là encore, pourquoi les hassidims spécifiquement, allez savoir). C’est-à-dire qu’il y avait, en fait, un complot juif derrière le piège dans lequel la Russie était tombée. Et ça, je dois le dire, c’était — à ce niveau de l’État russe — assez nouveau. Patrouchev a désavoué son adjoint, mais il ne l’a pas condamné. Il n’a pas dit que ses paroles étaient inacceptables.

Mais oui, Poutine charrie tous les complotistes possibles et imaginables — et, visiblement, la situation est si critique que, même ça, il essaie de le mettre en branle.

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Sur le front, — du côté de Bakhmout, en deux jours, il y a eu quarante-et-une attaques russes, — attaques frontales, j’entends. Par les mercenaires Wagner. Sans aucune avancée. Sur toute la « ligne de contact » (c’est l’expression russe — et ukrainienne), — sur toute la ligne de front, il y a des combats acharnés, monstrueux. Ce week-end, on parle de 900 morts parmi les soldats russes (et les Ukrainiens ne donnent jamais leurs pertes, mais tout porte à penser qu’elles sont énormes, elles aussi). 900 morts (donc, autant de blessés, voire beaucoup plus). Et là encore, comme pour les autres jours, je ne sais pas combien. On ne dit pas. Sauf que, là, ça se passe dans la boue. Parce que c’est la saison de la boue, à travers toute l’Ukraine, et toute la Russie — il y a tellement de boue que personne n’avance plus. Les opérations sont stoppées. Et pas stoppées quand même. On s’entretue toujours.

Comme toujours, quand les Ukrainiens arrivent à libérer un village, ils ne libèrent que des ruines. Parce que les Russes détruisent, comme toujours, absolument tout. Littéralement, ils ne laissent pas un mur debout.

En détruisant tout, ils obéissent aux ordres. Ça aussi, on vient d’en avoir la preuve, par des documents saisis. L’ordre, — venu du plus haut de l’État, — est de massacrer, de tout détruire. De terroriser tout de suite, dès l’arrivée (d’où les massacres comme ceux de Boutcha), et, par la suite, de rentre toute vie impossible. Il faut comprendre ça : il n’y a pas de « débordements » des soldats de l’armée poutinienne. Non, il y a acte de guerre, là encore, contre les gens que la Russie est censée libérer, — plus du nazisme, maintenant, mais de Belzébuth en personne.

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Je vois des dizaines de reportages par jour, sur youtube, essentiellement. Je m’embrouille dans mes sources, je ne sais plus lesquelles correspondent à quoi. Pour ces deux jours, j’en garde une seule : un reportage sur un village à côté de Bakhmout, sur la ligne de front. La maison, par miracle, n’est pas totalement détruite. Le village n’a visiblement plus qu’un seul habitant, un vieil homme. Une force de la nature, — une armoire à glace. Il est là, il répare comme il peut. Et il reste chez lui, refusant absolument d’être évacué. Il reste chez lui parce qu’il attend son fils. Le fils était à Azovstal, il est porté disparu. Mais peut-être qu’il est prisonnier, dit son père. « Et si je pars, et que, lui, il revient, et qu’il ne voit plus personne ? Qu’est-ce qu’il dira : « ah bah mince alors, où il est ?».

Et tout est propre dans la maison. Parce qu’il attend son fils


Un point sur la tristesse

Je suis, comment dire ça ? Épuisé de tristesse. Que ça continue. Que cette guerre soit si lente. Je voudrais tellement que, ça y est, après l’effondrement sur le front de Kharkov, après l’effondrement sur le front de la rive droite du Dniepr, il y ait un effondrement, vraiment, mais vraiment, que l’armée russe soit, mais vraiment, détruite, qu’elle soit repoussée jusqu’aux frontières de la Russie, dont elle n’aurait jamais dû sortir. Mais non, bien sûr. Il y a eu un effondrement, mais ils ont réagi — et je comprends ça, qu’ils réagissent, puisque Poutine a envie de vivre quelques années de plus. Ils ont réagi par d’autres catastrophes, mais ils ont réagi, et ils ont arrêté, ou ralenti, l’effondrement.

Il y a eu la mobilisation, monstrueuse dans sa forme (les gens, n’importe qui, qu’on arrêtait dans la rue), monstrueuse dans ce qu’elle a montré de l’état réel de l’armée (une armée qui demandait à ses propres recrues de payer leurs équipements, et le ministère des finances qui ouvrait des lignes de crédit pour ça — pour que les mobilisés, ou plutôt leurs familles, puissent s’endetter encore plus ; une armée incroyablement sous-équipée — je veux dire pour les hommes ; des hommes sans aucun entraînement, lancés, comme ça, tout de suite, au front, et se faisant tuer, d’ores et déjà par milliers). Ils ont réagi, surtout, en se tournant vers l’Iran (pas vers la Chine, — vers l’Iran) pour se fournir en armes, d’abord en drones, — des milliers de drones, que la Russie, visiblement, n’était pas capable de produire, et, donc, en s’attaquant non plus à l’armée ukrainienne, mais à toutes les infrastructures civiles du pays (ce qui prouve, une nouvelle fois, qu’il s’agit bien d’une guerre de destruction massive d’un pays tout entier), et, là, il faut bien l’admettre, le voir (à défaut de pouvoir le sentir soi-même) que, oui, les destructions, elles sont réellement massives, en termes de centrales électriques, et que, dès lors, l’hiver sera encore plus épouvantable. Et il y a les drones, mais il y aura les missiles à longue distance — parce que l’Iran exporte ça aussi (et pas seulement le terrorisme islamiste).

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Il y a ça, et il y a, il faut bien le dire aussi, l’épuisement des alliés, qui continuent de fournir les armes, mais ne peuvent pas, d’après ce que je comprends, en fournir plus vite, simplement parce qu’il faut du temps pour les fabriquer, et ces milliards et ces milliards de dollars qui partent comme ça, en armes. Et comment ne serais-je pas épuisé de tristesse quand j’entends une expression comme « une famine de munitions » ?

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On me dit souvent que je suis trop facilement optimiste… Ah, si les gens qui disent ça me connaissaient vraiment, ils n’arriveraient pas à croire qu’ils aient raison à ce point : oui, je suis un optimiste absolu, toujours, parce que je suis toujours intimement persuadé que c’est le pire qui va arriver, et que, tant que ce pire n’arrive pas, eh bien, comme dit l’autre, je suis déçu en bien.

Ce qui m’épuise, c’est ça : c’est que la réalité est toujours pire que la pire des prévisions. Je savais (je l’avais dit et redit ici-même, pendant des années) que le régime de Poutine ne pouvait se maintenir que par la guerre — mais c’est une chose d’employer le mot « guerre », et c’est une autre chose de la voir, là, devant vous. Et je savais que, si guerre il y aurait, elle serait comme la guerre de Syrie (et je l’avais dit et redit), mais, là encore, c’est une chose de le dire, de l’écrire, et c’est une autre chose de le voir. Mais de voir aussi que la réponse de Poutine est toujours de plus en plus (oui, toujours de plus en plus) monstrueuse, indifférente à quoi que ce soit. — Là, par exemple, il y a cette évacuation (cette déportation) des habitants de Kherson, avec juste un gros sac ou une valise par personne. Mais la ville n’est pas vide. D’abord, il reste quelque chose comme 60.000 habitants. Et puis, il y a les militaires russes, dont la présence, malgré tous les malgrés, n’a fait que se renforcer, par des moyens invraisemblables, — par des barges, des pontons (dès lors que les ponts ont été détruits). Ces hommes, plusieurs dizaines de milliers de soldats appelés en renfort, sont essentiellement des mobilisés. Est-ce qu’ils sont là pour repousser l’armée ukrainienne ? Non. Ils sont là pour se faire tuer si l’armée ukrainienne attaque frontalement (ce que, visiblement, elle se refuse, ou est incapable, de faire). Ils sont là pour ralentir la progression inévitable des Ukrainiens — juste par le nombre. Ont-ils une chance de victoire ? Aucune. Ont-ils une chance de survie ? Oui, s’ils arrivent à se rendre. — Mais ce sera tellement long, et on les obligera (c’est, du moins, j’ai l’impression, le plan) à se battre rue par rue, à faire de Kherson, comme disent les propagandistes russes, « un Marioupol à l’envers »…

Et à Kherson, dans la ville même, les appartements abandonnés sont systématiquement pillés (et je ne parle pas des appartements occupés par des gens, ukrainiens ou non, qui s’étaient installés chez ceux qui étaient partis dès le début de la guerre — il y a eu des milliers de cas). Non, maintenant, c’est ça : un appartement vide (ou vidé) est un appartement ouvert, et la soldatesque se sert (il y a des videos terrifiantes, pathétiques, sur ce que font les soldats de Kadyrov, qu’une femme, qui hurle, accuse de revenir se servir encore alors qu’ils avaient tout pillé la veille — et eux, ils lui disent : « mais non, c’est pas nous, nous, hier, on était ailleurs »). Et les Russes vident les musées, les bibliothèques, vident tout ce qu’ils peuvent, et, ça, ils se chargent sur des bacs, et ils traversent le Dniepr, pendant que, dans l’autre sens, d’autres convois militaires arrivent. Convois qui ne sont pas bombardés, comme si les Ukrainiens les laissaient faire, pour en prendre davantage le moment venu. — Et ça, c’est juste à Kherson. Mais tout ce qui se passe ailleurs…

*

Et puis, je savais que le pouvoir de Poutine pervertissait les mots, parce que c’est le propre (le sale, devrait-on dire) des dictatures, de changer la nature de la langue. Mais comment expliquer qu’une grande part de mon épuisement de tristesse n’est pas que Poutine change la langue, mais, au contraire, qu’il ne la change pas du tout ? Qu’il en fasse ce que j’appelle un mur (avec des lézardes, certes, mais un mur) — un mur qui renvoie, comme en miroir sans glace, tout ce que vous dites, tout discours sur la réalité, et que, le pire pour moi, c’est ça : que si tu ne sais pas qui parle, tu te dis que le type qui parle a tout à fait raison, sur tout, — sur la soif de pouvoir, sur la dictature, sur les bombardements des civils, sur les crimes de guerre, etc., etc. — sauf que, celui qui parle, c’est un poutiniste quelconque et qu’il dénonce, non pas, évidemment, son propre camp, mais les gens même à qui il inflige ça, — les crimes de guerre, les tortures, les bombardements. Imaginer que c’est ça aussi qui me rongerait à ce point, non pas ce crime contre la langue, mais cet effacement de la réalité par le fait de renvoyer aux victimes de tes exactions, comme ultime réponse, le discours qui dénonce ces exactions.

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Je suis épuisé de tristesse. Parce que ça continue et que ça va continuer, et que ça ira de pire en pire, et que ça ne finira pas avant, je ne sais pas, un an — avant, au plus tôt, j’ai l’impression, l’été prochain. Qu’il y aura l’hiver.

*

Je suis épuisé de tristesse — et d’une honte noire. Même si, toute ma vie, je puis le dire, j’ai dénoncé la dictature russe, même si, d’une façon ou d’une autre, tout mon travail est une réaction contre son inhumanité. Et qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Que j’arrête ces chroniques, là, au milieu ? Ah mais, oui, ce serait tellement bien que je parle d’autre chose. Que j’en parle davantage, disons ça.

Moment d’arrêt quand rien ne s’arrête autour. Et, donc, continuons — tant que ça continuera. Pourvu qu’on ait la force.

© André Markowicz

André Markowiczné de mère russe, a publié plus d’une centaine de volumes de traductions, d’ouvrages de prose, de poésie et de théâtre, parmi lesquels l’intégralité des œuvres de fiction de Fiodor Dostoïevski, le théâtre complet de Nikolaï Gogol, les oeuvre d’Alexandre Pouchkine, et, en collaboration avec Françoise Morvan, le théâtre complet d’Anton Tchekhov. Il a publié quatre livres de poèmes.  Ses quatre derniers livres sont parus aux éditions Inculte : Partages (chroniques Facebook 2013-2014, et 2014-2015)Ombres de Chine et L’Appartement.

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“Partages”

“Partages est le journal d’un écrivain qui se retourne sur son travail de traducteur, sur ses origines, sur ses lectures, sur la vie qui l’entoure. C’est une tentative, aléatoire, tâtonnante, de mise en forme du quotidien, autour de quelques questions que je me suis trouvé pour la première fois de ma vie en état de partager avec mes lecteurs, mes “amis inconnus”. Quelle langue est-ce que je parle ? C’est quoi, parler une langue ? Qu’est-ce que cette “mémoire des souvenirs” ? Qu’est-ce que j’essaie de transmettre quand j’écris, mes poèmes et mes traductions ? – C’est le reflet, que j’espère partageable, d’une année de ma vie.” André Markowicz

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3 Comments

  1. Que Markowicz ne soit pas triste à ce point.
    Il peut tranquillement arrêter ses “chroniques”.
    A en juger par les réaction des lecteurs sa propagande antirusse ne manquerait à personne.

    • Il me semble qu’avec de l’intelligence et du respect (envers les Russes), en résumé ce qu’on nomme diplomatie je crois, tout cela aurait pu être évité. Mais il aurait fallu aux commandes de l’Occident des personnes intelligentes et diplomates, pas des va-t-en guerre arrogants versant de l’huile sur le feu.

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