Kamel Daoud. C’est à l’école que se décide la reproduction du mal ou sa défaite

Ils veulent contrôler l’école, ou pire, la détruire

La mémoire politique algérienne garde le souvenir d’une anecdote : lorsque les islamistes ont compris, au début des années 1990, à la veille de la guerre civile, qu’ils ne pouvaient accéder au pouvoir à Alger, ils ont négocié l’accès à deux portefeuilles dans les gouvernements à venir. Il s’agissait de l’Éducation et de la Justice : l’école et la prison. Des décennies plus tard, leur mainmise sur ces deux institutions est totale et leur emprise décide de presque tout, du verdict du juge au manuel scolaire. 

Le Maghreb a basculé sous leur ordre par ces deux voies royales. Dès cette époque, leur intuition avait saisi l’essentiel : contrôler l’école, c’est contrôler l’avenir et fabriquer l’islamiste de demain qui remplacera le vaincu d’hier. Aujourd’hui, c’est en France que ce jeu se rejoue, mais avec un plus grand savoir-faire. C’est dans ce pays que la vague de conquête tente l’impensable : contrôler l’école ou, pire, la détruire. Y créer la scission, la division, le chaos créateur d’opportunités, l’affirmation de l’identité sécessionniste, y déplacer la guerre. C’est dans l’école française que la France de demain se joue. 

Depuis la dernière rentrée scolaire, et juste après la grande révolte des femmes iraniennes qui ramènent, par leur sacrifice sidérant, la question du voile à la réalité du patriarcat et à la privation de libertés, la France est soumise à d’intenses provocations sur le front de ses écoles. Éloges de la confession relayés par les idiots utiles, les rancunes identitaires ou les grands avocats du communautaire, le voile et la revendication islamiste reviennent à la charge. Ils provoquent, fabriquent l’incident et donc la viralité sur les réseaux sociaux, assignent en justice encore et encore la laïcité, obligée de se justifier et de se redéfinir sans fin, et se rallient aux rangs un moment dispersés par le « choc iranien ». 

Arraché par les Iraniennes, le voile est à sauver par les islamistes en France et en Europe. C’est un enjeu d’uniforme et d’uniformisation qu’il ne faut surtout pas perdre pour ces acteurs majeurs. Et c’est ici que se révèle l’essentiel : l’école, c’est l’avenir du totalitarisme confessionnel et de l’islamisme, ou sa fin. C’est en ce lieu que se décide la reproduction du mal ou sa défaite. On y fabrique le dissident ou l’égorgeur missionné, le citoyen ou le djihadiste, le Français ou son contraire. Et aujourd’hui, c’est l’école qui devrait occuper les esprits, pas la France du carburant ou celle de la Nupes, car ce ne sont parfois que des divergences creusées par la peur, la colère ou la manipulation. C’est l’école qui est au front de l’avenir. C’est Paty, pas Mélenchon, qui incarne le futur et son angoissante perspective. La France ne subit pas cet assaut uniquement au cœur de ses écoles ou de ses villes, mais partout dans le monde où la colonisation, la coopération ou la présence militaire et l’histoire françaises ont laissé des traces. Au Mali, en Tunisie, au Burkina ou en Algérie, elle se retrouve chargée des grands maux et des rancunes à chaque rupture politique autochtone, à chaque crise, à chaque dérive ou coup d’État.

On laissera aux historiens le soin de juger l’histoire du lien de la France avec ces pays, retenant juste les calendriers de la colère, ses mots, ses banderoles ou ses hystéries. Partout en ces lieux, la France est aujourd’hui considérée comme l’incarnation du mal et coupable sans appel du fait colonial que de nouveaux ordres mondiaux, en Afrique, tentent de manipuler pour raviver les haines, consolider les rejets et s’octroyer des territoires. Ce pays, qu’aiment détester depuis peu islamistes, néo-impérialistes russes et turcs ou décoloniaux aigris, se retrouve pris d’assaut par tous et il est chargé de réunir ceux que rien ne réunit autour d’un projet. Aujourd’hui, c’est sous prétexte d’histoire que les géographies changent de main. 

La France semble coupable de sa laïcité, de son histoire, de ses quartiers, de son islam manipulé, de presque tout. Mais de tous ces fronts d’assaut et d’usure, rien n’inquiète plus que celui de l’école. Et c’est dans cette tranchée négligée que l’on croise des enseignants terrorisés et sommés de défendre et définir ce pays, à mains nues.

© Kamel Daoud
Le Point du 20 octobre 2022

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1 Comment

  1. L’histoire de la colonisation et de l’esclavagisme est volontairement réécrite (en occultant la traite Arabo-musulmane) de manière à attiser la haine envers les Européens en Afrique (*)…mais aussi en France : la loi Taubira, SOS racisme, L’Immonde, France Télévision sont de véritables pousse au crime. Mais la haine de la France et anti laïque est plus encore l’œuvre des médias et des campus américains. En installant un indigéniste au ministère de l’EN Macron a prouve à la face du monde entier sa haine de la France.
    L’éducation nationale est une cause perdue comme tout le reste : on ne peut pas sauver un pays baignant dans la haine de soi. Un chef d’Etat et un gouvernement exprimant ouvertement leur haine envers leur propre pays…Cela n’existe nulle part ailleurs. Même notre position dans la guerre en Ukraine est uniquement dictée par la volonté de nous autodétruire.
    (Enfin “nous”…Pas moi !)

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