Marc Sadoun. Mon père, Pétain, sa synagogue, la République …

13 ans sans lui, déjà, et c’est toujours aussi insupportable…

Mon père est mort dans la nuit du 14 au 15 mai 2009. Nous n’avons été prévenus que tôt le matin par l’hôpital, et son décès est enregistré au 15 mai, quoique, au fond, qui sait si son départ ne fut pas le 14, mais, finalement, ça n’a pas d’importance, tant cela n’enlève rien au manque….

Mon père c’est ce type né dans le département 92 comme l’indiquait son numéro de sécurité sociale, 1 32 12 92… mais, attention, pour cette génération, il ne s’agissait pas des Hauts de Seine, mais de son Oranie natale, sa province de l’ouest de l’Algérie, française à cette époque.

Il n’y avait pas un jour où il ne nous parlait de sa ville, Tlemcen, où il avait vécu jusqu’à 24 ans, toujours avec un rayon de soleil, et des accents nostalgiques dans la voix.

Mon père n’avait pas eu la chance d’aller beaucoup à l’école… et pas seulement parce que son milieu social ne l’y prédisposait pas. Non, la première raison était plus bassement factuelle. En 1943, à 11 ans, il en avait quitté les bancs, parce que, et fort heureusement pour lui, les siens et ses semblables, si j’ose écrire, même si, à Tlemcen, il n’a jamais vu l’ombre d’un soldat nazi, les lois Pétain, celles de l’Etat français s’appliquaient, et forcément, ces années ne furent pas un chemin de roses.

Cela dit, des années plus tard, quand, le samedi matin il m’emmenait à la synagogue, il était spécialement important pour lui d’attirer mon attention sur ce que nous étions, à savoir aussi Juif que Français. Alors, il mettait un soin tout particulier à me faire écouter très attentivement “cette prière pour la République et pour la France”, qui résonnait entre les murs, en fin d’office.

Au fond, ce gars-là n’était ni philosophe ni historien, ni sociologue ni politologue, mais il a sans cesse voulu me faire passer sa joie de vivre, chaque seconde, sans aucune rancoeur au coeur, tout au long d’une existence jalonnée par des valeurs saines et simples.

Ces valeurs, je les porte à mon tour, contre vents et marées parfois. Profondément Juif, incorrigiblement athée et tellement laïque avec mon Etoile de David, autour du cou, sur ma chemise assez ouverte pour qu’on l’aperçoive sans qu’elle ne soit trop ostentatoire, et si définitivement républicain…

Et si c’est trop paradoxal, voire contradictoire pour certains, ce n’est pas grave, je trace ma route, marchant dans les pas de… papa…

© Marc Sadoun

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