Gérard Kleczewski. Le RN n’est pas le diable, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions

Le RN n’est pas le diable, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions

On entend souvent que Marine Le Pen a tout fait depuis des mois pour dédiaboliser son parti et tout ce qui tourne autour d’elle. Je pense qu’elle n’est pas le diable, ni à contrario qu’Emmanuel Macron est Dieu (il n’y en a qu’Un, et ça n’est clairement pas lui).


Cette vision de la politique, manichéenne et primaire, n’est pas dans mes moyens comme dirait Mélenchon… qui n’est pas non plus le diable, même si parfois on pourrait le penser très fort, vu de notre fenêtre de juifs français ou de français juifs, c’est selon.

Oui, Marine Le Pen a adouci son discours. Oui, elle a donné des gages au « politiquement acceptable » (voir la très bonne chronique de Laetitia Krupa sur sa « miaou stratégie ») et s’érige en démocrate là où Emmanuel Macron est présenté par nombre des soutiens du RN (et au premier tour d’Eric Zemmour, de Nicolas Dupont-Aignan, mais aussi de Jean-Luc Mélenchon) comme un dictateur en puissance.

Si la situation n’était pas aussi dangereuse à mon sens, ce dernier propos pourrait faire sourire si l’on considère que dans le même temps, MLP n’a eu de cesse de soutenir Victor Orban et surtout Vladimir Poutine qui a, bien avant l’invasion de l’Ukraine, éliminé (parfois en les empoisonnant) ses opposants, a truqué toutes les élections depuis de nombreuses années, a réduit au silence les médias d’opposition et a commis tant de crimes contre la démocratie en Russie comme partout dans le monde (doit-on rappeler le « travail » accompli par ses armées et ses sbires en Syrie ou en Tchétchénie par exemple ?).

Mais non, Marine Le Pen n’est pas le diable. Et donc, si elle n’est pas le diable, elle n’a pas pu être dédiabolisée, quand bien même l’aide providentielle et le soutien transparent de certains médias connivents pourraient le laisser penser.  

Si elle n’est pas le diable, ayons conscience que, comme le dit le vieux proverbe français, l’enfer peut être pavé de bonnes intentions.

Je sais qu’autour de moi des gens, avec les meilleures intentions du monde, veulent au mieux s’abstenir le 24 avril, voire voter pour Marine Le Pen. Les raisons invoquées par eux sont multiples et je ressens chez ces amis l’expression d’une grande souffrance. Il aurait fallu que je sois sourd pour ne pas entendre les « Y en a marre », les « Macron m’a tué », les « Les gouvernements de droite comme de gauche qui se sont succédé ont échoué, on doit essayer autre chose », « Je n’en peux plus de toute cette clique qui se partage les postes et nous pressure sans arrêt », etc. Je passe les arguments racistes qui malheureusement existent, mais auxquels pour le coup je préfère rester sourd !  

Tous tiennent ces discours avec beaucoup d’ardeur, souvent de la colère, parfois du désarroi. Une ardeur, une colère, un désarroi qui vont donc les pousser à voter pour Marine Le Pen (ou s’abstenir ou voter blanc, ce qui n’est pas loin d’être la même chose).

Pensent-ils que tout va aller mieux avec elle ? Que tout va s’arranger ? Qu’elle est une femme forte qui a tué le père (à voir) ? Qu’elle n’est pas la crypto-fasciste que certains dépeignent pour la disqualifier ?  

Si moi aussi j’ai des griefs à faire au Président sortant, à ses Premiers Ministres et à leurs gouvernements, ainsi qu’aux hauts-fonctionnaires (aidés ou pas par des Cabinets de consultants richement payés sur le dos du budget de la France), je ne crois pas au grand soir.
En tous cas je n’y crois plus après avoir pensé sincèrement quand j’étais plus jeune que la politique pouvait changer radicalement le monde, et par conséquent ma vie. En tous cas, pouvait la changer en mieux, car en moins bien, j’ai eu rapidement conscience que c’était assez simple…  

Je n’ignore pas, pour avoir beaucoup lu de pages d’histoire, qu’il est dans la nature humaine d’aimer les remèdes de cheval contre les maux et les crises, même si d’autres préfèrent l’homéopathie. Mais a-t-on jamais soigné une grippe massive (et démocratique) en s’inoculant un poison plus redoutable que la maladie elle-même ?

A la question maintes fois lue ces dernières semaines « Y a-t-il un seul exemple de régime d’extrême-droite (ou assimilé) qui ait réussi à rendre son peuple heureux et lui a redonné foi en l’avenir ? », je réponds « Non ».

On me répondra peut-être pour me contredire que, tout récemment, Orban a été réélu en Hongrie pour la troisième fois consécutive (en oubliant de dire que cette réélection doit beaucoup au fait que toute forme d’opposition dans le pays avait été soigneusement muselée).

Mais si Orban est si aimé de son peuple, est-on sûr que c’est une politique à la Orban que l’on souhaite pour notre pays ?

Demandons aux italiens s’ils ont aimé majoritairement le passage de Salvini au pouvoir (bien des années après Mussolini), demandons aux espagnols s’ils se sont éclatés sous Franco, demandons aux chiliens si Pinochet a assuré leur bonheur, etc. Je ne parle même pas de l’exemple repoussoir du 3ème Reich pour les Allemands, dont on se sert rarement à bon escient (le fameux « point Godwin »). 

Pour moi, je l’ai dit et écrit, il m’est impossible de voter pour Marine Le Pen. Non parce qu’elle est le diable, mais parce que l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Vouloir voter CONTRE en pensant voter POUR est et a toujours été selon moi la pire des choses.  
Il y a cinq ans, j’avais dit, et même écrit, qu’Emmanuel Macron n’avait pas le droit de se « planter » sinon la « prochaine serait la bonne… »

Le 24 avril j’espère sincèrement avoir eu tort. A l’heure où j’écris ces lignes, je n’en suis pas sûr.

© Gérard Kleczewski

Gérard Kleczewski est Citoyen et Journaliste

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3 Comments

  1. Merci à vous pour cet article d’autant plus courageux que vous n’allez pas vous faire que des amis auprès des nombreux zémourophiles (zémouropathes ?) de cette Tribune (pour qui la grosse facho est donc à gauche…)

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