La Page d’Elham Bussière. Pauvres, voilà bien ce que nous sommes devenus

Pauvres, voilà bien ce que nous sommes devenus. Pièce par pièce, nous avons dispersé l’héritage de l’humanité, nous avons dû laisser ce trésor au mont de piété, souvent pour un centième de sa valeur, en échange de la piécette de l’ « actuel ». (…) Walter Benjamin.

Après les résultats de dimanche, il y a ceux qui ont le seum, ceux qui sont tristes, ceux qui sont dans la plainte, dans l’acrimonie, ceux qui sont désespérés, ceux qui ont des désirs de fuite, de départ, de voyage, un anywhere of the world à la Baudelaire, il y a ceux qui crient à la résistance, à l‘insoumission… 

Et il y a moi qui à chaque choc politique me dit Misère, misère, pauvre de nous. A chaque misère, je pense à Walter Benjamin, lui les pieds dans la neige, à fuir le nazisme, la délation, la persécution. C’est Avril me direz-vous. Oui, n’empêche, nous avons les pieds dans la neige.

Je parle de choc mais le mot n’est pas approprié. La brutalité politique est de continuation davantage que de soudaine rupture. Elle n’a ni commencement ni fin. Peut-être est-ce l’histoire que je décris là. Peut-être.

Comme à chaque fois que je suis ébranlée, je prends le temps de raconter des histoires. Il y a toujours une histoire à raconter. Hannah Arendt. Oui, me direz-vous que sa philosophie du conter est équivoque?

Il n’est pas de document de culture qui ne soit en même temps un document de barbarie

Mais nous voyons ici, de la manière la plus claire, que notre pauvreté en expérience n’est qu’un aspect de cette grande pauvreté qui a de nouveau trouvé un visage – un visage aussi net et distinct que celui du mendiant au Moyen Age. Que vaut tout notre patrimoine culturel, si nous n’y tenons pas, justement, par les liens de l’expérience ?

Avouons-le : cette pauvreté ne porte pas seulement sur nos expériences privées, mais aussi sur les expériences de l’humanité tout entière. Et c’est donc une nouvelle espèce de barbarie. Walter Benjamin,

Expérience et pauvreté.

Culture et barbarie, disait Steiner. Oui, certainement.

Mais aussi Nous avons besoin d’histoire car il nous faut du repos. Une halte pour reposer la conscience, pour que demeure la possibilité d’une conscience.

Alors permettez, je ne peux que raconter des histoires, m’offrir du repos, une halte.

A bientôt.

© Elham Bussière

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