Yael German. “Apartheid” en Israël : “J’attends encore que la France condamne le rapport d’Amnesty”

“Je suis déçue que la France n’ait pas réagi au rapport d’Amnesty. J’attendais la même condamnation de la part de la France que des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l’Allemagne, qui ont dit que c’était n’importe quoi. J’attends encore que la France le dise”, affirme l’ambassadrice d’Israël en France, Yael German.
afp.com/MENAHEM KAHANA

En déclarant la guerre à l’Ukraine, pays soutenu par les Occidentaux, Vladimir Poutine force toutes les capitales à prendre parti dans ce conflit. Israël a, dans un premier temps, souhaité rester neutre et un partenaire de négociation possible pour le Kremlin. Finalement, lors du vote à l’ONU du mercredi 2 mars, l’Etat hébreu s’est joint à 140 pays pour condamner l’invasion russe. 

L’ambassadrice Yael German vient de prendre ses fonctions à Paris. Dans un entretien à L’Express, elle explique la prudence d’Israël dans ce dossier et met en garde l’Occident contre une autre menace, celle du nucléaire iranien. L’ambassadrice défend aussi son pays contre les accusations “d’apartheid” portées par Amnesty International  et attend que la France condamne les propos de l’ONG. 

L’Express : Au début de la guerre en Ukraine, Israël voulait rester neutre et jouer les médiateurs avec la Russie. Quelle est la position de votre pays aujourd’hui ?  

Yael German : Nous parlons peu de ce sujet en Israël mais, comme l’a souligné le minitre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, nous sommes dans le camp occidental aux côtés de l’Amérique, de la France et de l’Europe. Nous ne pouvons toutefois pas oublier que nous avons une frontière avec la Russie, étant donné que la Syrie est, de fait, russe. Nous devons rester prudents.  

Une évacuation des citoyens israéliens et de la communauté juive en Ukraine est-elle en cours ?  

Bien sûr, nous sommes prêts à les évacuer et nous y travaillons depuis des semaines. Nous voulons protéger les juifs et les Israéliens présents en Ukraine.  

Que pensez-vous des efforts diplomatiques menés par Emmanuel Macron et estimez-vous qu’il est toujours possible de parler à Vladimir Poutine ?  

Nous pensons qu’il vaut toujours mieux parler que tirer. Nous devons toujours tout faire pour éviter la guerre et j’espère qu’il reste possible de dialoguer dans ce conflit.  

D’autres négociations internationales se déroulent à Vienne autour du nucléaire iranien. Un accord avec l’Iran pourrait être trouvé dans les prochains jours. Comment Israël voit ces discussions ?  

Nous sommes très inquiets, non seulement à cause du doier nucléaire, mais aussi en raison des missiles de précision iraniens. Ces missiles se trouvent au Liban, aux frontières d’Israël. Le Hezbollah possède plus de 100 000 missiles : imaginez 100 000 missiles braqués sur Paris. Ce n’est pas le Hezbollah ou la Syrie qui vont décider où et quand tirer ces missiles, ce sont les Iraniens. Nous ferons tout, et nous espérons que nos amis feront tout, pour éviter que l’Iran devienne une puissance nucléaire. 

Israël s’était opposé au précédent accord nucléaire, en 2015. Si un accord du même type est trouvé, sans prendre en compte les missiles balistiques, Israël s’y opposerait-il ?  

Bien sûr. Nous voulons un meilleur accord pour avancer et nous protéger. Nous devons toujours privilégier la diplomatie, c’est vrai pour la crise en Ukraine comme pour l’Iran. Mais parfois, ce n’est pas suffisant et nous devons réfléchir à d’autres solutions. Toutes les cartes sont sur la table. Toutes. 

Sur le plan interne, Amnesty International a publié, le 1er février, un rapport qui dénonce un système d’apartheid en Israël. Comment jugez-vous ce rapport ?  

Je suis furieuse, mais vraiment furieuse. Nos équipes à l’ambassade ont bien sûr lu ce rapport dans son intégralité. Il apparaît clairement qu’Amnesty ne croit pas que nous ayons le droit de former un Etat-nation du peuple juif. Tant qu’il y aura un Etat-nation du peuple juif, pour Amnesty, il s’agira d’un apartheid. Mais c’est notre raison d’être depuis 1948 : former un Etat juif, pour tous les juifs dans le monde. Pour que la Shoah ne se reproduise jamais.  

Il y a eu beaucoup de réactions en Israël pour condamner ce terme d’apartheid… 

Le premier à le condamner a été Mansour Abbas, le chef d’un parti arabe : Israël n’est pas parfait, mais il n’y existe pas d’apartheid. De quel droit Amnesty peut dire que nous menons une politique d’apartheid ? Nous vivons à côté de l’Iran, de la Syrie… De toute la région, ils choisissent Israël, dont la très puissante Cour suprême fera en sorte qu’il n’y ait jamais d’apartheid. C’est elle qui a décidé de la liberté totale de mouvement des Arabes en Israël. C’est elle qui protège la démocratie. 

La loi interdit les discriminations entre les différentes communautés d’Israël, mais cela ne signifie pas qu’elle n’existe pas… 

La loi est très claire. Il peut arriver que certains n’aiment pas leurs voisins, qu’ils soient juifs ou arabes. Mais la loi interdit toute discrimination entre juifs et arabes, entre femmes et hommes… Même s’il y a des lois, les gens pensent ce qu’ils pensent.  

La communauté LGBT est celle qui subit les discriminations : les homosexuels ne peuvent pas se marier, adopter des enfants ou avoir recours à une mère porteuse. Des projets de loi sont en cours et aboutiront dans les années qui viennent.  

Une solution à deux Etats, israélien et palestinien, est-elle toujours envisageable ?  

Moi, je crois à cette solution : deux Etats pour deux nations. Yaïr Lapid y croit aussi. Mais il y a un gouvernement de coalition qui relève du miracle , qui est fragile et qu’il faut garder, car l’alternative est très dangereuse. Pour l’instant, la solution de deux pays pour deux nations ne peut pas être discutée, par manque d’accord au sein du gouvernement, tout comme le sujet des constructions en Cisjordanie. 

Mais si je vous donne maintenant un accord de paix et que vous l’amenez à Gaza ou en Cisjordanie, pensez-vous que quelqu’un là-bas le signera ? Non, personne. L’Autorité palestinienne a peur de signer la paix avec nous. Cela a toujours été comme ça.  

Est-ce que le temps ne joue pas contre une solution à deux Etats ?  

J’espère que non. Nous avons signé les accords d’Abraham ces dernières années : davantage de pays arabes sont en paix avec nous. Dans deux ans, ils seront encore plus nombreux. Quand les Palestiniens verront que nous sommes en paix avec beaucoup de pays arabes, ils vont peut-être comprendre qu’il est temps de faire la paix avec Israël.  

A Gaza, nous voulons investir dans l’économie pour la paix. Nous avons récemment signé un accord tellement beau avec la Jordanie : grâce à l’argent des Emirats, la Jordanie produit de l’électricité pour nous, nous produisons de l’eau désalinisée pour eux. Ça, c’est la paix. Nous pouvons faire la paix avec Gaza de cette manière. 

Vous venez d’entrer en fonction à Paris. Comment jugez-vous l’état des relations franco-israéliennes ? 

Nous sommes bons camarades, dans nos valeurs mais aussi au niveau personnel. Yaïr Lapid s’entend très bien avec Emmanuel Macron. Nous avons les mêmes croyances dans la liberté, l’égalité, la fraternité : ce sont des valeurs pour lesquelles nous nous battons aussi.  

Mais je suis déçue que la France n’ait pas réagi au rapport d’Amnesty. J’attendais la même condamnation de la part de la France que des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l’Allemagne, qui ont dit que c’était n’importe quoi. J’attends encore que la France le dise. 

Cette relation a été refroidie par l’affaire Pegasus l’été dernier, avec des révélations d’espionnage d’hommes politiques et de journalistes français par un logiciel israélien. Quelles garanties l’Etat d’Israël a-t-il pu apporter à la France pour que cela ne se reproduise plus ?  

Ce scandale, c’est du passé, de l’eau a coulé sous les ponts. Yaïr Lapid et Benny Gantz [NDLR : le ministre de la Défense] ont expliqué tout ce qu’ils pouvaient aux autorités françaises : Pegasus ne venait pas d’Israël, mais sans doute d’autres pays qui espionnent. Les Français savent que nous faisons de notre mieux pour les protéger. 

En France, nous sommes dans une période électorale. Eric Zemmour  raconte sa propre version de la collaboration française pendant l’Holocauste. Que pensez-vous de sa campagne ?  

Je ne commente pas la politique intérieure française.  

Mais le climat politique en France vous inquiète-t-il ?  

Je suis inquiète face au racisme et à l’antisémitisme, mais c’est tout ce que je peux dire. 

Les actes antisémites sont en constante progression en France ces dernières années. Comment pouvez-vous lutter, à votre échelle, contre ce phénomène ?  

J’aimerais que, quand ils entendent le nom d’Israël, les Français voient une nation démocratique en pointe sur la culture, la science, la santé, les énergies renouvelables. Ce serait une victoire qu’ils connaissent mieux la seule nation démocratique de notre région. L’antisémitisme n’est pas qu’un slogan, c’est de la violence, des meurtres : l’Hyper Cacher, les attentats à Toulouse, Sarah et Ilan Halimi…  

Face à ce phénomène, de nombreux Français ont quitté la France pour Israël ces dernières années. Combien sont-ils et comment les aidez-vous dans ces démarches ? 

L’année dernière, 3 600 Français ont fait leur Alyah. Bien sûr, nous aidons tous les juifs qui veulent se rendre en Israël. Mais nous n’encourageons pas les juifs français à venir : nous savons que la France est leur pays, que c’est un pays magnifique à la culture millénaire, en musique, littérature… Nous comprenons tous ceux qui veulent vivre ici. Personnellement, j’aime vivre ici. 

https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/apartheid-en-israel-j-attends-encore-que-la-france-condamne-le-rapport-d-amnesty_2169089.html

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2 Comments

  1. ” La communauté LGBT est celle qui subit les discriminations : les homosexuels ne peuvent pas se marier, adopter des enfants ou avoir recours à une mère porteuse. Des projets de loi sont en cours et aboutiront dans les années qui viennent. ”

    Le mouvement homosexuel, le progressisme transgenre, tous les Lgbt veulent , il me semble, nous faire revenir à une ère anté-biblique.
    La Bible dit : ” homme et femme Il les fit “

    • @joseph Le plus symptomatique de ce qu’est Ce mouvement LGBT c’est que toutes les actrices et personnalités publiques LGBT blanches soutiennent BLM, mouvement raciste anti-blancs, misogyne et homophobe. Qu’est-ce qu’en réalité ce mouvement LGBT (qui ne représente nullement les homosexuels et ne représente que lui-même) ? La haine de soi a l’état pur.

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