Le Salut sans les 10 paroles. Chronique de Nidra Poller. 4 février

Lachon hara, je leur disais, ça ne vous dérange pas de dire pis que pendre de tous ces braves gens qui veillent au bon déroulement du scrutin ? Tu n’étais pas dans les bureaux de vote, tu n’as pas d’information vérifiable sur le gouverneur Republican de Georgia, l’attorney general d’Arizona, le responsable des élections du Wisconsin, cibles des accusations infâmantes et inflammatoires. Les juges aussi, tous pourris, tricheurs, malhonnêtes, mauvais. Tu ne vois pas que ton seul critère de vérité est cet homme, ce président sortant, qui a perdu ? Tu lui donnes des pouvoirs de dictateur. Pire. Tu l’as élu maître de ton esprit.

Ça ne les dérange pas. Leur organigramme politico-intellectuel est désormais un sapin de Noël avec l’homme providentiel en étoile sur la pointe du triangle. Hors lui, point de salut. Plutôt que de décrocher l’étoile ternie, ils suppriment  toutes les branches. Le sourire narquois du président à vie flotte dans les airs comme le chat du Cheshire. C’est un monde en pièces détachées. Sans cohérence. Puisqu’il faut avaler tout ce qui nourrit le récit du Chef, rien n’est trop grotesque. Cette Conférence de presse irréparable ? Rien à redire. On me transmet le lien comme preuve de mon aveuglement.

Ces petits jeux semblent dérisoires par rapport aux problèmes existentiels qui nous narguent ?  Mais, justement, le démagogue pratique une sorte de judo politique :  il accroche à son image l’énormité des problèmes qui préoccupent les citoyens et cette énormité devient sa puissance. On ne distingue plus la rhétorique du projet politique. Plus le problème est énorme, plus puissant le démagogue. L’homme politique  honnête devient minable par rapport à la superpuissance du démagogue.  Lui, qui n’a jamais rien résolu du genre, se moque de ceux qui ont de l’expérience parce qu’ils ont échoué misérablement. Ils ont échoué, certes, parce qu’ils se sont confrontés aux réalités. Aux limites de leur puissance.

Populisme : pour le peuple ? Mais, le peuple à l’état brut, le peuple en foule indifférenciée, sans ancrage et sans élévation. Le gouvernement pour, du et par le peuple c’est la démocratie. C’est un système qui organise des espaces de débat et des courroies de transmission de la volonté des citoyens vers les élus. Les désaccords sont traités par la raison et tranchés par le peuple organisé. Ce n’est pas la loi du plus fort, pas la tyrannie des minorités.

“I saw the best minds of my generation destroyed by madness, starving hysterical naked, dragging themselves through the negro streets at dawn looking for an angry fix angelheaded hipsters burning for the ancient heavenly connection to the starry dynamo in the machinery of the night.”

“J’ai vu les plus fins esprits de ma génération démolis par la folie, affamés, hystériques, dénudés, égarés dans les rues nègres à la recherche au petit matin d’un méchant fix ses hipsters à tête d’ange qui brûlent pour l’antique rapport céleste au dynamo étoilé dans l’engrenage de la nuit”. 

Allen Ginsberg, Howl, Kaddish and Other Poems

Leur conscience s’est coagulée autour du covid-19. Si les uns sombraient dans le déni de l’antisémitisme et les autres  dans le déni de l’islamisme, les esprits les plus fins se sont drogués à la contestation pandémique. On nous prive des remèdes magiques, on nous impose des masques diaboliques, on nous empoisonne de vaccins merdiques, on nous cache des chinoiseries coupables. La haine s’est fixée sur le Dr. Fauci, qui a osé contredire l’homme providentiel, et sur la science en général, pour la même raison. A son comble ça donne : « Fauci = Mengele ».

Fauci, parce qu’il fallait un gigantesque méchant pour faire pendant au Chef vénéré. Le combat des titans. A leurs pieds, de petits nains défilent en brandissant des pancartes désobligeantes et si des fois l’étoile jaune pointe son nez ce n’est pas grave, c’est le bon peuple. N’importe quel charlatan sait mieux que les spécialistes mondialement reconnus. Les services de santé de l’Etat sont de mèche avec Big Pharma pour nous priver des pastilles magiques ou bien de la liberté de ne pas se protéger du tout.

Les usurpateurs Democrats sont des socialistes-communistes-fascistes, leur président est sénile, débile, frappé d’Alzheimer, un mort vivant. Qui plus est, ne dirigeant rien du tout, marionnette sans pouvoir et sans force, il détruit notre civilisation à grande vitesse.

Le stungisme est-il arrivé aujourd’hui chez nous ?

Moishe n’a pas pu entrer en Eretz mais les Sauveurs modernes, émancipés de toute contrainte d’ordre divin, ont déjà réservé la suite VIP. Si tu refuses de participer aux frais de transport, tu es un Juif de cour, un bourgeois contre-révolutionnaire, un suppôt du détesté président sortant. Juif de cour, moi ? Et l’Israélite qui a plus d’affinité pour la Russie que pour Sion c’est qui ? C’est le messie.

L’Israélite qui a plus d’affinité pour la Russie que pour Sion va nous sauver

Il n’y a que lui qui fait l’analyse juste, qui ose dire et saura faire. Les autres sont nuls, malhonnêtes, vendus, magouilleurs. C’est la dernière chance. Il est minuit moins cinq. Les autres, minables, veulent gouverner. Lui, il va nous sauver. Ça fait des décennies qu’on l’attend.  L’incohérence entre par la grande porte de l’adulation. Il est brillant, ça se voit dans l’épaisseur de ses ouvrages et l’ampleur de ses citations.  Il aime la nation comme un fils aime sa mère. Les autres sont des putes et des marchands du Temple. Les Pharisiens voudraient le livrer à la puissance occupante mais c’est lui notre Sauveur

Il a le vent en poupe et ça semble dérisoire de pinailler sur des points de détail, vu l’ampleur de l’enjeu.  Il débauche, il embauche, il va démolir la digue. Et toi ? Tu veux y mettre un doigt comme le garçon néerlandais ?  Il faut comprendre que, avec lui, c’est le bon déluge qui viendra. C’est l’incohérence pleinement consentie. En mélangeant le meilleur avec le pire on aura trouvé enfin la bonne formule de la puissance.

Tu refuses le stung ? Tu es donc woke !

Tu refuses le stung ? Tu es donc woke ! Pas de mi-chemin par ces temps qui avancent sur une  ligne de crête. Mes fins esprits d’antan ont vite pigé, n’hésitant pas à donner des consignes de vote transatlantiques, ils ont abandonné la fille à papa pour embrasser l’intello aux poings de boxeur. Un strongman. Lui aussi, il se promène à visage nu, c’est un des nôtres. Ils ne savent même pas que leur héros emprunté n’aime pas l’Amérique.

N’ont-ils pas raison plus que la moyenne ? Ces impulsifs, hors des clous, sont capables de coups de génie.

C’est indéniable. Sinon, ce serait facile de les démonter.

Suis-je trop exigeante en insistant sur le fait qu’on ne doit pas tailler dans le corpus national avec un instrument rouillé ?

Pourquoi cette démarche d’écriture cryptique ? Parce que je ne veux pas partir en guerre contre des personnes et ce n’est pas un débat partisan où si tu ne soutiens pas X tu es forcément dans le camp d’Y. C’est un débat avec moi-même. Je dois savoir si j’ai raison, vis-à-vis de moi-même, de ne pas me laisser emporter. Ce n’est pas un caprice, je ne fais pas mon intéressante.

J’ai vu Rhinocéros se dérouler devant mes yeux. Je n’en veux pas de deuxième saison.

© Nidra Poller

Nidra Poller, née aux Etats-Unis dans une famille d’origine mitteleuropéenne et posée à Paris depuis 1972,  est une romancière devenue journaliste, le 30 septembre 2000, par la force des choses, dit-elle, par  l’irruption brutale, dans mon pays d’adoption, d’un antisémitisme génocidaire, Nidra Poller est connue depuis comme journaliste, publiée entre autres dans  Commentary, National Review Online, NY Sun, Controverses, Times of Israel, Wall Street Journal Europe, Jerusalem Post, Makor Rishon , CauseurTribune Juive, Pardès

Elle rédigea longtemps le vendredi une Revue de la Presse anglophone pour la newsletter d’ELNET.

Elle est l’auteur d’une œuvre élaborée en anglais, en français, en fiction et en géopolitique, dont L’Aube obscure du 21e siècle (chronique), madonna madonna (roman), So Courage & Gypsy Motion (novel)

J’assume la contradiction, ajoute Nidra, me disant romancière mais pas auteure.

Observatrice des faits de société et des événements politiques, elle s’intéresse particulièrement aux conséquences du conflit israélo-palestinien et aux nouvelles menaces d’antisémitisme en France. Elle fait partie des détracteurs de Charles Enderlin et France 2 dans la controverse sur l’Affaire Mohammed al-Durah  et soutient la théorie d’Eurabia (en particulier avec Richard Landes).

Elle a fondé les Éditions Ouskokata.

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