Hamid Enayat. Le départ de la délégation iranienne

Le départ soudain de la délégation iranienne des pourparlers de Vienne a surpris le monde !

Le régime iranien prétend être engagé dans les pourparlers de Vienne. Une partie de sa comédie implique l’envoi d’une délégation de 40 membres à Vienne. De hauts responsables du régime, dont le président Ebrahim Raisi, le ministre des Affaires étrangères Amir Abdullahian et le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Khatib, ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils souhaitaient revenir au JCPoA. Chaque fois que l’Iran a été mis dans une impasse, il a partiellement cédé aux demandes des pays occidentaux, comme autoriser l’installation des caméras de l’AIEA dans un site nucléaire de la ville de Karaj ou se contenter de « la levée des sanctions du JCPoA ».

Lors du précédent cycle de négociations, la délégation du régime iranien a soudainement exigé la fin des négociations et énuméré un ensemble de conditions préalables pour les parties occidentales. L’Iran considère le plan B comme une simple manœuvre médiatique et rhétorique. Dans le même temps, le régime se livre à des manœuvres de défense aérienne au-dessus de la centrale nucléaire de Bushehr et à des manœuvres de missiles et de drones dans le golfe Persique contre les pays de la région. L’Iran a considéré les manœuvres susmentionnées comme des moyens de pression, mais il est clair que le régime iranien hésite à parvenir à un accord complet avec les pays occidentaux.

On peut s’interroger sur les motivations de l’Iran et ses raisons derrière ces comportements anormaux, étranges et contradictoires. En prolongeant les négociations, le régime iranien gagne plus de temps pour atteindre ses objectifs de production et d’enrichissement à 90 % d’uranium. Ceci, en théorie, donnera à l’Iran une meilleure position dans les négociations futures. Les responsables du régime iranien ont joué le même jeu lors de trois séries de pourparlers avec M. Grossi, le chef de l’AIEA. Avec seulement quelques concessions, ils ont évité la publication d’une résolution de l’AIEA contre l’Iran et ont continué leur jeu pour un autre tour.

Sans aucun doute, ce qui a conduit le régime iranien à ces comportements contradictoires, insidieux et anormaux, c’est la situation hautement explosive de la société iranienne. L’Occident continue de ne pas comprendre l’importance de ce qui se passe sur la scène iranienne, à la fois socialement, écologiquement et économiquement.

Le soulèvement au Khouzistan à cause de la pénurie d’eau, le soulèvement à Sistan et au Baloutchistan à cause de la pauvreté, l’assèchement de Zayanderood à Ispahan et les dernières manifestations d’enseignants dans plus d’une centaine de villes à travers l’Iran sont des alarmes pour le régime.

Par exemple, alors que le seuil de pauvreté en Iran est de 12 millions de tomans (la monnaie iranienne) par mois, le salaire de l’enseignant ne dépasse pas six millions de tomans, soit la moitié du minimum. La classe moyenne de la société iranienne glisse vers les classes inférieures depuis des années. Ce déclin de classe a constitué un grand danger pour le régime au pouvoir. Il s’inquiète désormais de l’explosion de la société et des soulèvements massifs et généralisés. Ainsi, le régime cherche des moyens d’apaiser le peuple sans renoncer à aucun contrôle ou pouvoir. En conséquence, l’Iran est prêt à négocier, dans l’espoir que la levée de toute sanction suffira à satisfaire le peuple iranien. L’histoire montre que cela ne réussira jamais vraiment.

Le soulèvement de 2019 a laissé le régime dans une profonde crise de légitimité. Les responsables du régime sont bien conscients que s’ils se conforment aux exigences des pays occidentaux et mettent fin à leurs intentions nucléaires et abandonnent leurs interventions régionales et le développement de missiles, l’effondrement du régime se profilera de plus en plus. Selon Khamenei, le Guide Suprême de l’Iran, ce chemin conduira à un déclin sans fin et à la perte de tous les leviers du pouvoir.

Les manifestations en Iran, parallèlement à la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU et à la déclaration ferme de la troïka européenne précédente, ainsi que les interactions diplomatiques intensives dans la région, laissent le régime face à une situation désagréable et sans précédent.

Par conséquent, trois scénarios sont susceptibles de se produire dans les négociations à venir :

– Le premier : le régime se conforme pleinement aux demandes des pays occidentaux, ce qui est très improbable. Cette hypothèse fait naître des factions qui souhaitent des réformes au sein du régime. Khamenei n’aurait pas le même statut et il ne veut pas abandonner le pouvoir.

– Le deuxième : Les négociations seront infructueuses, et le Plan B sera à l’ordre du jour.

– Le troisième : le régime accepte un accord partiel pour satisfaire les pays occidentaux et gagner plus de temps pour poursuivre son intention d’enrichir de l’uranium et reporter temporairement les soulèvements et les manifestations en Iran.

Cette dernière hypothèse est la plus probable. C’est là que la communauté internationale doit enfin décider d’arrêter le régime qui non seulement plonge le peuple iranien dans une pauvreté et une misère croissantes mais menace également le monde d’une autre guerre.

© Hamid Enayat

Hamid Enayat

Analyste iranien basé en Europe, Militant des Droits de l’homme, Hamid Enayat est spécialiste des questions iraniennes. Il collabore avec www.mediaexpress.com

hamid.enayat@themediaexpress.com

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