Yana Grinshpun. IEL? Yana répond … via une parabole juive

Talmud.
Sagesse juive

Après avoir reçu le n-ème appel des journalistes qui voulaient savoir ce que je pense sur « iel », je me suis souvenue de cette parabole juive que beaucoup connaissent. (Non que la question est complètement dénouée de sens , mais « iel » n’est qu’une n-ième manifestation de l’idéologie dominante de déconstruction de la langue, de la société, du sujet, de la loi etc. La question est-ce que c’est bien ou mal n’a pas de sens). Je reproduis ici cette parabole:

Au milieu des années vingt, un jeune Juif est venu voir un rabbin new-yorkais réputé et lui a dit qu’il voulait étudier le Talmud.

– Connaissez-vous l’araméen ?  demanda le rabbin.

– Non.

– Et l’hébreu ?

– Non.

– Avez-vous appris la Torah dans votre enfance ?

– Non, Rabbi. Mais ne vous inquiétez pas. Je suis diplômé en philosophie de Berkeley et je viens de terminer ma thèse sur la logique dans la philosophie socratique. Et maintenant, pour combler les lacunes de mes connaissances, je veux étudier un peu le Talmud.

– Tu n’es pas prêt à étudier le Talmud, dit le rabbin. – C’est le livre le plus profond écrit par l’homme. Mais si tu insistes, je te ferai passer un test de logique ; si  tu réussis, je te l’enseignerai.

Le jeune homme a accepté, et le rabbin continua.

– Deux personnes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va aller se laver le visage ?

Les yeux du jeune philosophe se sont agrandis.

– Est-ce un test de logique ? !

Le rabbin  hocha la tête.

– Eh bien, bien sûr, celui avec le visage sale !

– Faux-, répondit le rabbin. Réfléchis logiquement : celui qui a un visage sale regarde quelqu’un dont le visage est propre et décide que son visage est propre aussi. Celui qui a un visage propre regardera le visage sale et pensera qu’il est sale aussi et ira se laver le visage.

– Intelligent ! – dit l’étudiant. – Allez, Rabbi, donnez-moi un autre test !

– Très bien, jeune homme. Deux hommes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va se laver ?

– Mais nous avons déjà établi – celui qui a le visage propre !

– Faux, dit le rabbin. Les deux vont se laver le visage. Pense logiquement : celui qui a le visage propre regardera celui qui a le visage sale et décidera que son visage est sale aussi. Celui qui a le visage sale verra l’autre aller se laver, se rendra compte que son visage est sale et ira se laver aussi

-Je n’avais pas pensé à ça ! Incroyable – j’ai fait une erreur de logique ! Rebbe, faisons un autre test !

-Très bien. Deux hommes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va se laver ?

-Bien : Les deux vont se laver.

-Faux. Aucun des deux ne va se laver. Réfléchissez logiquement : celui dont le visage est sale regardera celui dont le visage est propre et n’ira pas se laver. Celui qui a un visage propre verra que celui dont le visage est sale ne lavera pas son propre visage et se rendra compte que son visage est propre et ne se lavera pas non plus.

Le jeune homme est désespéré:

-Croyez-moi, je peux étudier le Talmud ! Demandez-moi autre chose !

-Très bien, -répondit le rabbin. – Deux hommes descendent par la cheminée…

-Oh, mon Dieu ! -s’écria l’étudiant. Aucun des deux ne va se laver ! !!

-Faux, -répondit le rabbin. Maintenant tu es convaincu que connaître la logique socratique n’est pas suffisant pour étudier le Talmud ? Dis-moi, comment se peut-il que deux personnes descendent dans le même tuyau et que l’une d’entre elles se salisse le visage et pas l’autre ? ! Tu ne comprends pas ? Toute cette question n’a aucun sens, et si tu passes ta vie à répondre à des questions dénuées de sens, toutes tes réponses seront également dénuées de sens … !

 © Yana Grinshpun

Discussions sur la propagation des idéologies dangereuses – ISSN 2781-0496

Yana Grinshpun

Linguiste, analyste du discours, Maître de Conférences en Sciences du Langage à l’Université Paris III-Sorbonne Nouvelle UFR Littérature Linguistique Didactique, Yana Grinshpun est particulièrement intéressée par le fonctionnement des discours médiatiques et par la manière dont se présentent les procédés argumentatifs dans les discours de propagande. Elle co-dirige l’axe “Nouvelles radicalités” au sein du Réseau de Recherche sur le Racisme et l’Antisémitisme (RRA)

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3 Comments

  1. Après parent 1 et parent 2 voici “iel” condensé de il et elle .
    Il faut à tout prix faire disparaître la différence-complémentarité de l ‘homme et de la femme en effaçant ce qui dans la langue permet de les nommer, de les spécifier.
    Pourtant ” Homme et Femme Il les fit ” . On veut nous faire retourner à une période anté-biblique.

  2. 1– à propos de la parabole.
    la parabole ne me semble pas rationnelle car le rabbin joue simultanément sur plusieurs registres qui ne seraient pas reçus tels quels en logique. pour faire simple : il y a un registre du “réel” et un de la “fiction”.
    a) le réel : il existe une cheminée dont le conduit permet de s’y introduire. rien n’empêche deux personnes d’y pénétrer l’une APRES l’autre! donc le rabbin omet cette possibilité. la parabole est donc, pour le moins, “incomplète”….
    b) la fiction. le rabbin présente le test comme “logique”, il admet donc que le jeune logicien va ACCEPTER la fiction qui, énoncée telle quelle, mêle les deux registres. et cela est d’autant plus facile que le jeune logicien ne l’est manifestement pas car, sinon, il aurait démonté le mécanisme discursif avant de répondre.
    pour faire rapide (je ne désire pas écrire un roman!) le test se présente comme un propos pervers, dont le propre est de toujours donner raison à celui qui le tient.
    2– une question sans réponse n’est pas une question.
    ce fait représente toujours une période du discours, c’est-à-dire, en dernière analyse, un état de la langue et de la société.
    les exemples historiques en tous domaines abondent, en sciences, en art, poésie, technique, etc….
    le propre de l’esprit (et c’est manifeste dans la question des paradoxes, notamment) est de TENTER de répondre aux sollicitations de l’esprit, lui-même capteur du réel. il n’y a donc pas lieu de se désintéresser de ce qui peut être bien ou mal, de ce qui fait sens ou pas. le travail de la pensée c’est… de penser.
    la pensée juive est riche et abondante de ce fait. — peut-être oserais-je avancer qu’elle nous a permis de survivre et de recréer MATERIELLEMENT l’état d’israel?!

    josef bayéma, plasticien, guadeloupe.

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