Jacques Neuburger. Utopie

Mon rêve non réalisé aura été une maison de bonnes pierres dans la montagne, ou bien encore de bonnes poutres de bois aux odeurs de forêt, un puit, une source, une petite éolienne et quelques panneaux solaires pour avoir l’électricité nécessaire à une relative modernité, une grande cheminée de pierre bâtie à même la roche, un toit qui fume (on ne craint pas de faire chromo), une bonne grosse cuisinière à bois qui sent bon, de grands arbres, des bois, des prés, une bonne bibliothèque pleines de livres amis, un piano ancien au bois de palissandre, un orgue, bien sûr un ordinateur pour garder le contact avec le monde et avec le monde de la culture, un téléphone pour joindre les amis, les amies, des chèvres qui vous disent gentiment bonjour le matin en frottant leur tête contre vous,  un âne, un âne affectueux, intelligent, une jument aimante, un potager, une truffière et pour aller avec un bon gros cochon truffier amical, ayant,  cela va sans dire, toute la vie devant lui pour finir les assiettes et découvrir les truffes, des poules pour les oeufs coque, des renards vadrouilleurs auxquels on ne fait pas la morale s’ils croquent une vieille poule ou un coq devenu radoteur, un ours pour faire fuir le chasseur de renards, de nombreux hectares formant comme des territoires inconnus, un lieu sublime mais qu’il faut savoir apprendre à apprécier choisi de sorte à faire fuir les coquettes de Molière et les jeunes vicomtes trop pétris de snobisme, une vieille quatre L sentant la biquette et l’ours mal léché ou un quatre-quatre diesel plein de poils de chien et ne calant jamais aux côtes les plus raides- et ne jamais, jamais entendre parler de soldes, de semaines promotionnelles, de black friday ni de huit jours en or.

Et puis quand même un petit pied à terre à Paris pour de temps à autre se faire une cure de cinoche, de libraires, de théâtre. Et de boulevards éclairés à toute heure de la nuit avec des terrasses de café où les amoureux se donnent rendez-vous, se découvrent, s’enchantent l’un de l’autre et guettent le reflet d’or au plus secret des yeux de leur amante.

Hélas, plus je n’ai la force de manier la cognée ni la santé pour vivre loin des hommes….

Quoique, à huit cents mètres des portes de Paris, je me sois fait assez ermite, vivant de peu tel un vieux sanglier heureux de se nourrir de racines et de glands, et entouré de petits carnassiers caressants et fauves appelés chats fourrés.

© Jacques Neuburger

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