Olivia Cattan, Depuis Israël. Shlomi Gabay, l’homme qui maitrisait les flots

Shlomi Gabay est sauveteur. Dans notre imaginaire, il y a toujours ce souvenir de la série américaine « Alerte à Malibu » qui traine, les hommes se rappelant les rondeurs de Pamela Anderson pendant que les femmes se remémorent le sourire blanc et carnassier de David Charvet. Alors que je me dirige vers la cabane des sauveteurs, ce fantasme s’ajoute à la vision idyllique de la plage de Bat Yam. Une plage de sable doré qui semble s’étendre à l’infini accolé à un ciel toujours bleu. Un bleu qui se mélange à celui de la mer. Une mer agitée aux vagues immenses où s’entrechoquent les planches des nombreux surfeurs.

Et Lorsque Shlomi vint me rejoindre sur la plage glissant sur la rampe d’urgence avec agilité, le fantasme s’incarne alors entre ses tatouages d’inspiration tribale venant recouvrir ses muscles fins et sa peau brûlée caressée par ses longs cheveux blonds délavés par l’eau salée. Mais cette chimère ne dure que quelques secondes parce qu’après avoir passé quelques heures dans la petite cabane perchée au-dessus de la mer, le réel vient prendre la relève pour s’imposer. Quatre autres sauveteurs silencieux à l’affût sont assis avec lui, guettant avec leurs jumelles les surfeurs et nageurs imprudents.

Il est 11 H du matin et l’un d’eux se dirige vers la petite cuisine située au fond de la cabane pour nous préparer des sandwichs et un café.

Shlomi est le seul à répondre à mes questions tout en mangeant. Il me raconte dans un anglais hésitant qui se mêle à quelques bribes d’hébreux son parcours et son métier de sauveteur. Mais au fil de l’interview, je me demande si ce Dieu du surf qui n’a jamais voulu faire de compétition a réellement choisi ce métier ou si ce n’est au fond qu’un concours de circonstances.

Depuis son plus jeune âge, la mer est son élément, il excelle dans la natation, la plongée sous-marine et rêve des vagues d’Hawaï. Il commence alors par donner un coup de main aux sauveteurs de la plage où il s’entraine jusqu’à ce qu’il se décide à rejoindre l’équipe. Il grimpe tous les échelons avec succès et aujourd’hui Shlomi avoue avec timidité « bien gagner sa vie ». Mais il m’explique aussi que ses horaires, s’étendant de 6h du matin à 6h du soir, Chabath compris, sont difficiles à tenir, laissant peu de place pour faire autre chose, même s’il ne travaille que huit mois sur douze.

A 37 ans, cet ancien champion de surf semble s’être un peu lassé de son métier voulant se tourner vers d’autres horizons. L’une de ses passions ? Les oiseaux.  Il se lève et se dirige vers des cages suspendues où se trouvent des hirondelles, tout en m’expliquant qu’il aime garder ses compagnons auprès de lui dans cette cabane.

Cet enfant de Bat Yam, d’origine séfarade, qui a grandi ici et qui aime son pays a parfois besoin de le fuir pour mieux y revenir. Plus jeune, il est parti toute une année avec son surf sur le dos en Australie afin de s’entrainer, puis il est revenu en Israël et reparti plusieurs fois au Costa Rica pour de longues périodes. C’est là où il a rencontré sa femme et où est né son fils Nathanaël, qui a aujourd’hui 7 ans. Ces dernières années, il part pour de plus petites périodes avec sa famille en France ou au Portugal toujours pour surfer.

Lorsqu’on lui parle Musique, il répond Rock and Roll, le bon vieux rock des Pink Floyd, des Rolling Stones ou de Led Zeppelin.

A ma question naïve, avez-vous déjà sauvé des vies ? Il sourit et me répond qu’il est payé pour sauver des vies en risquant la sienne. Au grès des années, il a acquis beaucoup d’expérience et intervient aussi bien pour une noyade que pour venir en aide à un surfeur inexpérimenté ou encore pour réanimer toute personne faisant un arrêt cardiaque. Lorsque des rockets se dirigent sur les plages, c’est encore lui et son équipe qui lancent l’alerte dirigeant les nageurs affolés vers les abris.

Le fantasme du sauveteur est déjà loin et s’éloigne définitivement lorsque Shlomi se lève d’un bond hurlant dans le micro qu’une vague immense risque de submerger une vieille dame ou lorsqu’il engueule ces enfants jouant un peu trop loin du bord.

Il est déjà 18H et je n’ai pas vu les heures passer, le temps semble être suspendu tout comme cette cabane. Les sauveteurs souhaitent une bonne soirée à tous en donnant quelques recommandations de sécurité. Puis la cabane ferme boutique jusqu’à l’aube du lendemain. Shlomi est le premier à descendre avec hâte, il enfile sa combinaison et saisit sa planche de surf avant de disparaitre au loin dans l’écume des vagues et le soleil couchant.

© Olivia Cattan

Olivia Cattan

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