Jacques Bénillouche. Troubles de Jérusalem : Maladresses et Provocations

Des manifestants arabes brandissent des drapeaux nationaux près de la porte de Damas le 25 avril 2021

          Pour comprendre la situation à Jérusalem, il est important de reconstituer les faits depuis leur origine. On pourra alors constater que les troubles sont dus à des maladresses, certainement volontaires du gouvernement et même à la provocation de certains milieux d’extrême droite israélienne. Il n’y a aucun doute que l’objectif final était de saper la mise en place d’un nouveau gouvernement Lapid-Bennett en dévalorisant les populations arabes israéliennes et en particulier le député Mansour Abbas.

Le Ramadan a commencé le 12 avril pour se terminer le 12 mai 2021. Le 7 mai, le dernier vendredi du mois sacré, des milliers de musulmans ont prié dans les mosquées sur le Mont du Temple à Jérusalem. Alors qu’aucun incident n’était prévisible, la police organisa des contrôles créant la grogne chez les Arabes qui ont alors lancé des pierres sur les policiers, contraints de réagir de manière forte en utilisant des grenades assourdissantes pour évacuer les fidèles de l’enceinte. Plus de 200 Arabes ainsi que 18 policiers ont été blessés. Puis contre toute attente et contrairement aux années précédentes, le gouvernement a pris la mauvaise décision de fermer la place de la porte de Damas, à l’entrée de la vieille ville et d’interdire les marches, lieu habituel de rencontre et de flânerie après la rupture du jeûne. Tandis que les jeunes manifestaient leur mauvaise humeur en affrontant la police, l’extrême droite israélienne décida d’une manifestation de force contre les Arabes.

Le député Itamar Ben Gvir avait installé en pleine rue de cheik Jarrah, à Jérusalem-Est, un bureau improvisé pour encourager des extrémistes juifs, certainement aux ordres, à créer des incidents au moment où se négociait un nouveau gouvernement sous l’égide de Lapid et Bennett. Il s’agissait de discréditer les populations arabes et leurs chefs qui se préparaient à intégrer le nouveau gouvernement. Des Juifs orthodoxes ont pris le relais. C’est à ce moment, par une coïncidence extrême en plein Ramadan, que l’affaire de l’expulsion de quatre familles arabes du quartier de Cheikh Jarrah fut décidée alors que la Cour suprême ne s’était pas encore prononcée sur le droit de familles juives de récupérer leurs biens confisqués au moment de la guerre d’indépendance. On se demande l’urgence qu’il y avait à ne pas surseoir à l’expulsion jusqu’après le Ramadan, une fête très importante dans la religion musulmane. Mais l’urgence était politique afin de créer des troubles et gêner l’opposition dans ses tractations politiques.

On n’a pas compris la justification de la fermeture, à l’aide barrières métalliques, de la porte de Damas et des marches qui permettaient aux fidèles de s’asseoir après le jeun du Ramadan. L’accès a finalement été rétabli le 25 avril lorsque les commerçants de Jérusalem-Est sont intervenus pour demander la réouverture de la zone. Le commissaire de police Kobi Shabtai a justifié cette mesure exceptionnelle pour éviter les attroupements et permettre la libre circulation des visiteurs dans et hors de la Vieille Ville pendant la fête. Or des photos de la porte de Damas, publiées sur les réseaux sociaux, ont prouvé que, durant les années précédentes, le site était bondé de visiteurs et aucune barrière de police ni aucune barricade autour n’avait été élevée à l’extérieur de la porte. C’est la première année que des barrières étaient installées pendant des semaines sans justificatif sécuritaire. D’anciens hauts responsables de la police israélienne, interrogés à la télévision, ont confirmé qu’ils avaient été toujours prudents pendant cette période particulièrement sensible.

Les marches de la porte de Damas

La situation s’est échauffée lorsque des manifestants arabes brandissant des drapeaux palestiniens ont été interpellés par les forces de l’ordre dans le cadre d’échauffourées mineures. Plus de 105 Palestiniens ont été blessés le 6 mai 2021 lors d’affrontements avec la police qui s’est retrouvée au milieu des manifestants arabes et d’une foule de centaines d’extrémistes juifs qui se dirigeaient vers la porte de Damas en scandant «Mort aux Arabes», «Que votre village brûle» et autres slogans haineux. Un groupe extrémiste avait pris la tête des protestations juives.

L’intervention des nationalistes juifs n’était pas fortuite ; ils ont agi sur ordre. De la même façon que les manifestants arabes ont été encouragés par la branche armée du Hamas, qui a apporté son soutien aux Palestiniens de Jérusalem-Est et menacé Israël en tirant des roquettes pendant trois nuits consécutives. Le Hamas voulait s’élever contre la décision de Mahmoud Abbas de suspendre les élections prévues en juillet sous prétexte qu’Israël refusait d’installer des bureaux de vote au sein de Jérusalem, autorisant les Palestiniens à les installer dans sa périphérie.

Samedi 8 juin, à nouveau sans explication, la police israélienne a créé une surchauffe en arrêtant 13 bus de musulmans israéliens qui se rendaient aux prières à Jérusalem pour leur fête suprême. Excédés, les passagers ont décidé de bloquer l’autoroute N°1 Jérusalem-Tel Aviv. Cette décision est incompréhensible car elle donne une mauvaise image d’Israël, celle d’un pays qui empêche ses propres fidèles de pratiquer leur religion et d’aller prier dans leur mosquée.

Netanyahou a voulu exploiter à son profit la tension palestinienne qui était palpable après le confinement dû à la covid-19, après le report des élections palestiniennes, après la volonté d’une organisation de droite de chasser des centaines de personnes de leurs maisons à Cheikh Jarrah, et après la présence téléguidée d’Itamar Ben Gvir chargé d’alimenter le feu. Son rôle de premier ministre était d’imposer un dialogue avec les dirigeants communautaires arabes qui pouvaient dans leur intérêt rétablir rapidement le calme. Il a obtenu le résultat inverse à celui qu’il escomptait. Il a réussi l’impossible en poussant dans les bras de Bennett le député Mansour Abbas, hésitant, qui devant les agissements du gouvernement a finalement accepté de soutenir la prochaine coalition. On se plaint que la presse étrangère soit dure avec Israël mais il aurait fallu balayer auparavant devant sa porte.

Haïm Katz

Netanyahou semble avoir perdu la main dans la gestion de cette crise qu’il semble avoir volontairement entretenue. Il a enclenché le cycle attaques puis représailles face au Hamas avec pour conséquence, les souffrances des villes du sud. Il n’est pas question de dédouaner les terroristes mais il aurait dû calmer le jeu. Le premier ministre s’est trouvé en difficulté.  Un signe ne trompe pas. Des militants frondeurs du Likoud ont entamé le processus de recherche d’un nouveau chef pour le parti. Ils ont tenté en vain de réunir les institutions du parti, y compris son secrétariat de gouvernement de 80 membres et son comité central de 3.000 membres. Le président du secrétariat, le ministre des Finances Israël Katz, et le président du comité central Haïm Katz n’ont pas accepté de convoquer leurs institutions. Les loyalistes de Netanyahou ont bloqué la démarche.          Mais ces frondeurs seront certainement des candidats pour rejoindre de parti de Gideon Saar et consolider la coalition gouvernementale. Nathan Engelsman, membre du Secrétariat du Likoud, a écrit : «Après avoir échoué de nouveau à former un gouvernement de droite, le moment est venu pour Netanyahou de prendre ses responsabilités et de rendre les clés. Le Likoud a besoin d’un nouveau chef courageux».

Plus dure sera la chute.

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1 Comment

  1. Tout est toujours de la faute de Bibi !!!
    Il a parlé le premier avec Raam , très grosse gaffe qui a permis à Lapid d’aller le courtiser et la belle à doublé le nombre de ses exigences ! La preuve absolue qu’un parti arabe ne devrait pas se trouver clef de voûte d’une coalition a été apportée ce soir : devant la rue arabe en ébullition il n’y a plus de Raam pour soutenir les marionnettistes !

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