Richard Prasquier. L’Europe, pas encore soumise, apparait minable et résignée

L’Union Européenne, noyée dans des montagnes de réglementations, a raté l’innovation numérique, subi l’optimisation fiscale des Gafa et les débordements sur les réseaux sociaux, accueilli naïvement la mondialisation.

Elle a rejeté une défense commune, a paniqué face aux problèmes migratoires et  n’a pas lutté contre la dénatalité européenne. 

Elle a  échoué dans la gestion vaccinale du Covid et les premiers euros du plan de relance européenne de juillet dernier ne sont pas encore près d’arriver à leurs destinataires.

N’en jetez plus. 

Pourtant, ces échecs pèseront  peut-être moins que les quelques secondes où on voit la Présidente de la Commission se faire humilier chez le Président turc. Car dans le monde d’aujourd’hui,  tout disparait devant l’image. Celle de Ursula von der Leyen désemparée devant l’absence de fauteuil restera. Non pas qu’elle n’ait pas protesté. Elle a dit «hem ». On peut appeler cela une « réaction proportionnée », au sens où Israël a souvent été accusé de « réactions disproportionnées ». Puis elle est allée s’asseoir sur un canapé. On ne lui a pas demandé de servir le café, mais c’était tout comme.  

L’hymne de l’Europe, c’est l’ode à la joie de Beethoven. Elle touche au sublime. Le « hem » de la Présidente de la Commission est la protestation d’un paillasson sur lequel on vient de marcher.  

On a compris que l’autre tête de l’Europe, le belge Charles Michel, était un goujat et un crétin. Il semblait ravi du bon tour joué à sa rivale sans se rendre apparemment compte de sa responsabilité dans ce qui est bien plus qu’un pataquès diplomatique. 

L’Europe est présidée par un caïd de cour de récréation.  

Pour Recep Tayyip Erdoğan, l’occasion était belle pour montrer à ses admirateurs qui était le maître.

Il est loin le temps où la Turquie quémandait une place en Europe. Accessoirement montrer qu’une femme a une place subordonnée ne nuira pas à sa popularité au sein d’une AKP aussi pieuse que machiste.

La situation économique de la Turquie est catastrophique, c’est une raison de plus pour raviver la vanité  des électeurs. 

Les dirigeants européens ont prétendu que ce qui importait, c’est d’avoir pu discuter de « substance » avec leur interlocuteur.

Mais avec Erdoğan, il n’y a pas de substance, il n’y a que des rapports de force. En l’occurence c’est le chantage. La Turquie agite la menace de lâcher quelques-uns des 4 millions de réfugiés syriens qu’elle abrite, après un conflit où elle a eu plus que sa part de compromissions avec  Daech.

Et depuis le pacte migratoire de 2016, l’Europe paye pour ne pas recevoir ces réfugiés. M.Michel, lorsqu’il était Premier Ministre de son pays, un poste qui laisse des loisirs devant la partition de fait entre Flandre et Wallonie, avait pourtant été en 2018 un enthousiaste signataire de ce traité de Marrakech qui prétend que les migrants sont une aubaine pour l’Europe. Cette signature avait entraîné la chute de son gouvernement, mais Charles Michel était tombé du côté du camp du bien, ce qui lui permit de devenir Président du Conseil Européen: et maintenant de venir négocier la rançon pour ne pas recevoir ces mêmes migrants… 

Est-ce une menace de représailles qui a poussé la Maire écologiste de Strasbourg à faire voter une subvention de 2,5 millions d’euros pour la construction d’une mosquée affiliée à la fédération turque Milli Görüs?

Est-ce une décision clientéliste islamo-gauchiste?

Est-ce une ignorance de ce qu’est cette organisation?

Milli Görüs, entièrement contrôlée aujourd’hui par Erdogan, est l’une des plus puissantes organisations islamistes d’Europe, et promeut un Islam rétrograde et particulièrement nationaliste. 

Et cette Maire dans le déni est pourtant d’origine arménienne. 

L’Europe n’est peut-être pas encore soumise, mais devant la Turquie forte de ses faiblesses, elle apparait minable et résignée.

Pour l’Européen que je continue d’être, la constatation est amère.

© Richard Prasquier

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